Chapitre 7

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Il retourna à son bureau vers onze heures. Dans le couloir, il passa sans s'arrêter devant la porte où trônait la plaque dorée indiquant : JOHN P. HAYES – DÉTECTIVE PRIVÉ. L'office disposait d'une seconde entrée, lui permettant d'accéder à son bureau sans croiser les clients dans la salle d'attente.

Une fois installé dans sa confortable chaise en cuir rembourrée, il appela sa secrétaire par l'interphone.

La jeune femme de vingt-trois ans vint le rejoindre munie d'un bloc et d'un stylo. Elle était petite, plutôt bien en chair, avec de jolis yeux noisette et de longs cheveux blond cendré noués en queue de cheval par un ruban de satin rouge. Seule faute de goût selon Hayes : les imposantes lunettes d'intello qui lui barraient le visage et la faisaient ressembler à une étudiante sur son campus. « C'est la mode », affirmait-elle.

Bah, peu importe, elle était lesbienne de toute façon. Il l'avait engagée en partie pour cette raison, d'ailleurs. Ainsi, il était sûr d'éviter l'écueil du sexe au bureau – qu'il avait pratiqué avec toutes ses secrétaires précédentes et qui ne lui avait valu que des ennuis, dont une plainte pour harcèlement sexuel, par bonheur restée sans suite.

— Mlle Shepherd, notez que l'affaire Stamper est résolue. Vous pouvez archiver le dossier.

— Bien M. Hayes.

Elle griffonna sur son bloc.

— Nous n'attendons plus que le paiement. À ce sujet...

Il sortie la carte de visite de sa poche et la jeta sur la table, en direction de l'assistante.

— Contactez ce type et convenez d'un rendez-vous.

— Un rendez-vous du genre... discret ?

— S'il vous plaît.

Il se redressa au dessus du bureau.

— Très bien. Qu'avons-nous aujourd'hui ? Il y a l'affaire Davidoff, je crois ?

— Eh bien... Il y a quelqu'un dans la salle d'attente.

— Comment cela ? On ne prend plus de rendez-vous depuis deux semaines à cause du surplus de boulot.

— Je sais bien. Elle a débarqué ce matin sans rendez-vous. Je lui ai dit de rentrer chez elle, mais elle a insisté pour vous attendre. Son problème a l'air assez grave. Une disparition ou quelque chose de ce genre.

— Si on les écoute, c'est toujours grave. Vous auriez dû la forcer à partir.

— Je sais, mais...

— Mais quoi ?

— Il s'agit de Shirley McAllister.

— La nana de la télé ?

La secrétaire fit « oui » de la tête.

Le détective se leva et marcha jusqu'à la porte vitrée donnant sur la salle d'attente. Un store vénitien couvrait le carreau, il en écarta légèrement deux lames pour jeter un coup d'œil. Une jeune femme blonde, habillée très simplement (jean et sweat à capuche) patientait, les yeux dans le vide. Son visage exprimait une infinie tristesse. Elle n'était pas du tout comme à la télé, mais c'était bien elle.

— Bien... fit-il.

Il réfléchit une demi-seconde.

— Mettons Davidoff de côté quelques temps. Je vais la recevoir. Travailler pour les gens de la télé est toujours payant en termes de publicité. Et puis elle a sûrement un gros budget.

Quelques minutes plus tard, elle était assise en face de lui. Mlle Shepherd leur avait servi des cafés et s'était retirée.

— Très bien Shirley, débuta le détective, dites-moi ce qui vous amène.

— Est-ce que je peux fumer ?

— Bien sûr. C'est normalement interdit, mais qui ira vous dénoncer ? D'ailleurs, je vais en faire autant.

Elle sortit un paquet et alluma une cigarette, tandis que de son côté, Hayes embrasait un cigare façon « barreau de chaise » à l'aide d'un zippo à la flamme démesurée. Quand la pièce fut couverte d'un épais nuage tabagique, Shirley entama son récit. Elle n'omit aucun détail, du crash et du mystère entourant la survie de Peter, jusqu'à la disparition de ce dernier.

— Donc, conclut l'enquêteur en crachant une volute bleutée, votre frangin est introuvable depuis une semaine, c'est cela ?

Elle hocha la tête.

— J'ai suivi l'affaire du crash à la télé. Les médias en ont abondamment parlé. Mais sur la fugue de votre frère, ils n'ont rien dit.

— Nous avons préféré garder le secret, pour faciliter l'enquête.

— Enquête menée conjointement par la police et le NTSB. Dans ce cas, pourquoi faire appel à moi ?

— Les agences officielles sont prisonnières des procédures qui leur font perdre un temps fou. La preuve : voilà cinq jours qu'elles travaillent et elles n'ont pas encore l'ombre d'une piste. Et puis, elles s'éparpillent en enquêtant sur plusieurs affaires à la fois.

Elle écrasa son mégot dans le cendrier.

— J'ai besoin d'un limier à plein temps, capable de s'affranchir des règles trop contraignantes imposées par la loi. Un fonceur qui obtiendra des résultats rapides.

— Qu'est-ce qui vous fait croire que je suis du genre à enfreindre les règles ?

— Votre réputation vous précède, M. Hayes.

Il bascula sa chaise en arrière et tira longuement sur son cigare en plissant les yeux, s'accordant un court moment de réflexion. Finalement, il dit :

— Très bien, j'accepte l'affaire. Vous êtes au courant de mes tarifs ?

— Vous avez un budget illimité.

— Ne me dites pas ça, malheureuse, vous pourriez le regretter.

— Peut-être. (Elle se pencha au-dessus du bureau.) Je veux retrouver mon frère, c'est tout ce qui m'importe. Pour le reste... Eh bien, disons que je fais confiance à votre sens de la mesure.

— Hum.

Il repensa à son entretien encore chaud avec la vieille Stamper et préférane rien ajouter concernant son « sens de la mesure ». Après tout, illui ferait la surprise.



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Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant