Chapitre 28

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Le cocon était là depuis plusieurs jours, boule de fils tissés incongrue au milieu des montagnes du désert. À la manière des putois, qui éloignent les prédateurs en éjectant des odeurs pestilentielles, l'enveloppe de la chose se défendait des bêtes en exhalant une aura malfaisante, silencieuse et inodore, mais perceptible par les félins, qui savent d'instinct détecter le danger. Pas un n'osa s'approcher de la chrysalide.

Les insectes qui tentèrent de s'y attaquer furent instantanément tués par le fluide empoisonné suintant de la membrane.

Et puis un jour, la poche se fendit en son milieu, déversant au sol un liquide vert brun visqueux, tellement acide qu'il brûla le sable. Un long bras s'insinua hors du cocon – blanc comme la mort, strié tout le long d'immondes veines verdâtres et couvert sur le dessus d'une fourrure noire clairsemée, mais dont chaque poil semblait être une aiguille plantée dans la chair.

À la suite de cet appendice monstrueux, le reste du corps suivit.

La chose noire mesurait désormais deux mètres vingt. Son corps filiforme n'était fait que d'os et de muscles. Sur sa peau blanche avaient poussé plusieurs touffes de poils noirs et rigides. Ses mains et ses pieds disposaient de griffes pointues, dures comme l'acier.

Sa tête, mi-humaine mi-animale, aurait pu sortir de l'imagination malade du docteur Moreau. Le bas de son visage s'était allongé en museau ; sa bouche s'était dotée de babines et d'une dentition de rottweiler.

Ses yeux étaient entièrement rouges et vides de toute émotion.

Pour se faire une idée de ce à quoi elle ressemblait, il fallait imaginer une hyène géante à la peau blanche, dressée sur ses pattes arrière, et couverte de lambeaux de vêtements prêts à se désagréger complètement.

Malgré son épiderme d'une extrême pâleur, l'entité inhumaine méritait encore le nom de « chose noire » car son esprit restait toujours aussi sombre, empli de haine et d'envie de meurtres. Une âme cruelle et sans pitié, chez qui on ne trouvait plus trace de celui qui avait été jadis Peter McAllister.

La chose franchit la distance la séparant de la base en moins de trente-six heures de course ininterrompue. La transformation opérée dans le cocon l'avait encore renforcée. Elle ne connaissait plus ni la fatigue, ni la soif, ni la faim.

Elle traversa les mêmes montagnes que Shirley mais par le versant opposé. Arrivée au point culminant, elle observa la zone militaire étalée au loin, dans la plaine. D'instinct, elle avait su comment la trouver, et, d'instinct, elle savait comment l'investir. Sa mission et les éléments pour la mener à bien étaient gravés dans son ADN. Son but ultime, sa raison d'exister, étaient déjà inscrits en elle avant même qu'elle ne prenne possession de l'humain.

Elle l'ignorait – et, à ce stade, s'en serait moqué éperdument – mais Shirley McAllister se trouvait à cet instant à moins quatre kilomètres plus au sud.

La chose noire inspecta le camp depuis son observatoire. Elle savait qu'il possédait plusieurs accès, tous gardés par des combattants armés. Elle se concentra sur l'entrée Est, par où elle comptait pénétrer. Malgré l'éloignement, elle put détailler la porte grâce à sa vision décuplée. Une guérite, deux gardes en treillis avec des mitrailleuses, une grille automatique et des caméras de vidéosurveillance.

Des défenses bien maigres pour s'opposer à elle. La prise de la base se ferait facilement... mais sans doute pas discrètement.

Alors qu'elle se préparait à l'assaut, la chose remarqua un convoi de véhicules sortant de l'entrée principale. Tout mouvement représentant un danger, elle se dressa et s'immobilisa, les sens en éveil, tel un félin.

Pour la première fois, elle utilisa un pouvoir né de sa mue : la télépathie. Sans effort, comme si cela était naturel, elle sonda les esprits des militaires qui venaient de prendre la route. Elle put ainsi déterminer qu'ils n'en avaient pas après elle mais après une humaine traînant dans le coin.

Une femelle du nom de Shirley McAllister. Ce patronyme lui rappela vaguement quelque chose de lointain, sans plus.

Par prudence, elle préféra se cacher le temps que la brigade d'intervention fasse son travail et embarque la femme.


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Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant