Chapitre 1 partie 1

38 2 5
                                    

Le jour précédent.

14 juin 2012.

Quelque part au-dessus de l'océan Pacifique.

À chaque fois qu'il prenait l'avion, Peter McAllister pensait être l'homme le moins chanceux du monde. Il fallait toujours qu'il soit assis à côté du gros lourd de service. Bien sûr, au fond de lui, il savait bien que c'était faux, qu'il s'agissait d'une simple impression, tout comme au supermarché votre caisse n'est pas réellement toujours la plus lente. Mais pourtant, à chaque vol, la même mélancolie l'assaillait, sans doute à cause de sa phobie des avions.

Ce voyage ne faisait pas exception, même si, il fallait le reconnaître, son voisin semblait faire des efforts. C'était un petit moustachu affable et discret, qui n'avait pas posé de problème jusqu'à présent. Pourtant, à plusieurs reprises, Peter avait surpris des regards en coin, qui étaient, à n'en pas douter, autant d'invitations à entamer la conversation. Jusque là, il avait évité avec brio d'entrer dans son jeu, mais le petit bonhomme semblait, le temps passant, bouillir de plus en plus. Il donnait l'impression d'être un flacon de nitroglycérine en équilibre instable.

L'explosion n'était pas loin.

Finalement, Peter se trahit lui-même, quand les turbulences commencèrent. L'avion se mit à trembler par saccades, comme une voiture roulant sur des galets. Il avait horreur de ça. Il se cramponna aux accoudoirs de son siège et contracta ses muscles, pour diminuer la sensation de secousse, tout en fixant l'étrange danse des objets sautillants sur sa tablette (un livre, son lecteur MP3 et une mini canette de coca à moitié vide). L'angoisse se lisait sur son visage et son compagnon de voyage prit ce prétexte pour engager le dialogue.

— Pas à l'aise dans les airs, hein ? dit-il.

Peter tourna la tête vers lui et l'observa avant de répondre. Il se fit la remarque qu'il ressemblait à Rich Uncle Pennybags, le personnage mascotte du Monopoly – le haut-de-forme en moins.

— Non... Pas à l'aise, répondit-il.

— Je vous comprends. L'homme n'est pas fait pour voler. Si c'était le cas, Dieu nous aurait pourvus d'ailes. En fait, je crois qu'on ne devrait jamais quitter le sol.

— Pourtant, vous voilà dans un avion.

Business is business. Je suis dans l'industrie pétrolière. Malheureusement, il faut bien aller voir nos amis du Moyen-Orient si l'on désire faire des affaires avec eux.

— Certes, convint Peter.

— Je m'appelle Philip. Philip Butler.

— Peter McAllister. Enchanté.

— De même. Vous êtes là pour affaire ?

— Je suis directeur commercial chez Symantec. On cherche à vendre des logiciels de sécurité aux Émirats.

— Vous n'avez pas choisi le métier idéal pour un phobique de l'avion.

— Le salaire m'incite à prendre sur moi.

Pour conclure sa phrase, l'avion fit une brève, mais spectaculaire, chute dans le vide. Peter eu un haut-le-cœur. La voix du commandant de bord se fit entendre dans le micro :

« Mesdames et messieurs, nous traversons actuellement une zone de turbulence. Veuillez rester assis et attacher vos ceintures jusqu'à ce que nous soyons sortis de ce secteur. Merci. »

Peter vérifia sa ceinture pour la vingtième fois en une heure.

— Inutile que je vous rappelle les statistiques des accidents d'avion, je suppose ? reprit M. Monopoly.

Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant