La base s'étendait sur une surface importante, et pour des questions de sécurité, une distance de trois kilomètres séparait la grille d'enceinte des premiers bâtiments. Ainsi, nul ne pouvait distinguer de l'extérieur ce qui se passait à l'intérieur.
Trois kilomètres. La chose noire les couvrirait en moins de cinq minutes.
Instinctivement, elle savait qu'un groupe de trois jeeps transportant les équipes de la Sécurité Interne se dirigeait vers elle. Elle connaissait les protocoles de défense par cœur. Ses créateurs les lui avaient implantés dans le cerveau, de la même manière qu'on programme un ordinateur.
Elle aurait pu faire un détour pour essayer de les contourner, mais à quoi bon retarder l'inévitable bataille ?
Très vite, les véhicules d'attaque furent en vue. Des modèles de type pick-up dont la partie arrière pouvait servir de zone de tir idéale – et, effectivement, sur chacun, deux hommes se tenaient debout, armes à l'épaule.
Ils approchaient à pleine vitesse. La distance les séparant de la chose noire diminuait à vue d'œil. Ils étaient six, elle était seule et à découvert. Ils ne pouvaient pas la louper.
Mais l'entité mutante courant à leur rencontre s'en moquait éperdument. Elle avait déjà prévu comment les choses allaient se passer.
Elle connaissait le programme d'entraînement des militaires de la base, et donc, comment ils allaient réagir. Elle pouvait anticiper chacun de leurs gestes, tant ils étaient conditionnés.
Elle savait qu'ils ne tireraient pas avant d'être à moins de trois cents mètres, distance au-delà de laquelle leurs fusils d'assaut n'assuraient plus une précision suffisante. En outre, son ouïe surpuissante et ultra-sélective lui permettait de capter les instructions qu'ils recevaient dans leurs oreillettes.
Comme prévu, arrivés à portée de tir, leur chef ordonna d'ouvrir le feu.
Un quart de seconde avant qu'une pluie de balles ne s'abatte sur elle, la chose noire passa à l'action.
Elle fit un bond tel que nul n'en avait jamais vu. Le nuage de sable soulevé par la rafale de mitrailleuses empêcha les soldats de se rendre compte qu'ils tiraient dans le vide.
Quand la chose atterrit par surprise derrière les deux tireurs de la jeep du milieu, ils n'eurent pas le temps de réaliser ce qui se passait. La bête leur saisit la tête et les fracassa l'une contre l'autre, avec une force telle que leurs casques éclatèrent en même temps que leur crâne. Le médecin légiste qui ferait l'autopsie plus tard parlerait de « blessures comparables à celles causées par une presse hydraulique de casse automobile ».
Puis, la chose monta sur le toit du pick-up et se positionna au-dessus du conducteur. D'un coup sec, elle transperça la tôle et attrapa le visage du pilote avec sa patte puissante. Elle enfonça profondément ses griffes dans la chair de l'homme, lui crevant un œil au passage. Ce dernier lâcha le volant et la jeep fit une embardée qui, à cette vitesse, l'amena à basculer.
Le véhicule fit plusieurs tonneaux dans un déchaînement de bruits métalliques, avant de s'immobiliser sur le toit, tel un buisson mécanique de tôles froissées qui aurait poussé sur le sol aride.
Les autres jeeps s'arrêtèrent à une dizaine de mètres du 4x4 accidenté. Le monstre était caché derrière, hors de vue, mais il devrait sortir tôt ou tard, aussi, les quatre hommes restants gardaient le doigt sur la gâchette.
C'était un de ces moments où le temps suspend son vol, dans l'attente d'un drame que chacun sait imminent.
Brusquement, le pick-up démembré se souleva du sol.
La chose noire haussa les plus de mille cinq cents kilos de la Jeep Wrangler au niveau de ses épaules, en poussant un rugissement rauque, et se mit à courir en direction de la camionnette de droite. Les militaires firent feu mais ne réussirent qu'à écorcher la carrosserie du 4x4. Quand la chose monta près d'eux et hissa la jeep au-dessus de sa tête, elle se trouva complètement à découvert. Mais elle connaissait la psychologie humaine et comptait sur la peur induite par la proximité du danger pour paralyser les deux hommes ; et, effectivement, plutôt que de tirer, ces derniers eurent le réflexe – idiot, mais instinctif – de se recroqueviller en se protégeant la tête des mains. Cela ne les préserva pas d'une mort immédiate lorsque l'amas de ferraille s'écrasa sur eux.
Puis, la bête sauta derrière le véhicule pour se cacher aux yeux du dernier groupe d'assaillants qu'il lui fallait exterminer.
Le troisième trio de soldats attendait désormais son tour. Les deux combattants gardaient les mains crispées sur leurs fusils, le chauffeur sur son volant.
— S'il tente de nous faire le même coup, murmura le premier militaire dans son casque-micro, il faudra évacuer la jeep immédiatement. Mick, Bill, vous partirez sur la gauche et moi sur la droite. S'il se met à découvert, nous l'aurons en tenaille, sur deux angles de tirs différents. Ce sera bien le diable si on ne réussit pas à...
Soudain, le monstre sortit de sa cache et se planta devant ses ennemis. Il leva le bras et tendit face à eux un objet qu'ils identifièrent instantanément.
— Putain ! hurla le soldat. Il a une arme ! Il a une...
Une rafale du fusil mitrailleur récupéré sur le corps de leur collègue les cribla de balles. Puis la chose grimpa sur le capot, éclata le pare-brise d'un coup de poing, et attrapa le chauffeur qui s'était mis à couvert derrière le tableau de bord. Elle lui enfonça ses dents dans le cou, à la manière d'un fauve, et le broya jusqu'à ce que la tête soit séparée du reste du corps.
Le silence était retombé sur la plaine après cette attaque aussi brève que violente. La chose s'accorda quelques secondes pour reprendre son souffle, quand un bruit attira son attention. Un léger bruissement, inaudible à l'oreille humaine mais parfaitement détectable par ses sens aiguisés.
Ça venait du second véhicule ; celui qu'elle avait écrasé avec le premier 4x4. Elle jeta un coup d'œil. Quelque chose bougeait derrière le volant.
Le chauffeur ! Elle avait oublié le chauffeur !
S'il tentait d'utiliser son arme, il lui faudrait sortir de l'habitacle (sauf à tirer à travers la vitre, ce qui serait plutôt dangereux pour lui) et cela lui prendrait trois à quatre secondes – plus que nécessaire pour le rejoindre et le décapiter.
La chose se mit sur ses gardes...
L'homme, les yeux rivés sur elle, glissa la main à sa ceinture...
Elle tendit les muscles de ses pattes arrière, prête à bondir...
Il sortit un pistolet...
Elle retroussa ses babines maculées du sang encore frais de sa dernière victime et fixa sa prochaine d'un regard rouge et sauvage. S'il tentait quoi que ce soit...
Alors l'homme porta l'arme à sa tempe et se tira une balle dans la tête.
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Dévoré de l'intérieur [Terminée]
Ficção CientíficaComment lutter quand l'ennemi est en vous ? Depuis qu'il a miraculeusement survécu à un crash aérien, Peter McAllister n'est plus le même. Il n'a qu'une idée fixe : aller à l'est... sans savoir lui-même ce que cela signifie. Pour sa sœur, la vedette...