Chapitre 12, partie 1

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Lorsque les pionniers colonisèrent l'ouest, ils n'eurent que l'embarras du choix pour s'installer. Des étendues immenses s'offraient à eux, qu'ils pouvaient occuper sans crainte d'être à l'étroit.

C'est probablement par un phénomène de mimétisme naturel, pensait Shirley, que les habitants des villes du désert avaient construit des agglomérations sur le même modèle que les plaines sans fin de la région. Victorville n'échappait pas à la règle, s'étalant encore et encore, profitant au maximum de l'incroyable surface dont elle disposait.

Les routes ultra-larges, bordaient des trottoirs spacieux, jouxtant eux-mêmes de vastes parkings. Vous vous seriez senti à l'aise même au volant d'un monster truck. Dans cet espace infini, les constructions clairsemées – cubes préfabriqués dont aucun ne dépassait les trois étages – se faisaient discrètes.

Ils avaient rallié la localité dans la voiture flambant neuve du détective, une imposante Chrysler 300c, gris métallisé. Shirley avait trouvé un motel sur Google : le King's Motel. Il était idéalement situé dans la rue principale, qui avait été autrefois un tronçon de la mythique route 66.

John avait pris contact avec les autorités locales et demandé si Peter n'aurait pas été remarqué dans les parages. Apparemment, non. Il leur avait laissé une photo, au cas où.

Puis, ils s'étaient rendu là où le taxi l'avait déposé. C'était à deux pas d'une zone résidentielle. Ils s'attelèrent donc à un fastidieux travail de porte à porte.



Le passé abandonne rarement. Il s'attache généralement à vous poursuivre toute votre vie, et lorsqu'il vous rattrape, il adore vous casser les tibias.

Dans le cas de Mohamad Abdel Mehdi, le passé se présentait sous la forme de deux malabars de la mafia, qui l'avaient attaché, mains dans le dos, à une chaise en bois. Avant même de poser la moindre question, ils l'avaient assommé de coups, pour « attendrir la viande », comme ils disaient. Une vieille méthode qu'ils tenaient de la police.

Ils lui étaient tombés dessus par surprise alors qu'il rentrait chez lui et l'avaient embarqué de force dans leur 4x4. Maintenant, il se trouvait prisonnier dans ce qui semblait être un entrepôt désaffecté. Un lieu où il pourrait crier à l'envie sans que personne ne l'entende.

Il avait un goût de sang dans la bouche. Son œil gauche tuméfié ne voyait presque plus. Il observa son corps et vit qu'il était maculé de rouge. En passant la langue sur ses dents, il constata qu'il lui manquait une molaire.

Le plus costaud des cogneurs s'approcha de lui.

— Alors, Momo ? Comme on se retrouve. Rappelle-moi, c'était quand la dernière fois ?

Il surjouait de manière ironique, tout en le fixant avec un regard mauvais.

— Ah oui, reprit-il, c'est lorsque tu t'es barré avec notre marchandise. Sans même nous dire au revoir. Plutôt impoli, tu ne crois pas ?

Pour répondre, Mohamad dut cracher le sang qu'il avait dans la bouche. Un filet de bave rougeâtre se mit à pendre à son menton.

— Et vous êtes là pour m'apprendre la politesse ? bafouilla-t-il.

— Ce serait une bonne idée. Mais non. Je veux savoir où se trouve John Hayes.

— John ? Ça fait des lustres que je n'ai plus de contacts avec lui.

— Vraiment ?

Le mafieux lui empoigna violemment les cheveux et lui tira la tête en arrière. Puis, il se plaça au-dessus de lui, à seulement quelques centimètres.

— Nous avons le relevé d'appels de Hayes. Il t'a contacté il y a deux jours à peine. Tu l'as rappelé le lendemain et quelques heures plus tard, il disparaissait. Arrête de me prendre pour un con. Je sais que tu es un indic. Où l'as-tu envoyé ?

Le jeune irakien réfléchissait à toute vitesse. La mafia était une grosse organisation, certes, disposant d'importants moyens, mais ce n'était pas le FBI non plus. Ce n'était pas leur genre de pirater les lignes téléphoniques, encore moins celles des portables. Il y avait clairement anguille sous roche.

— Et qu'est-ce que vous lui voulez à Hayes ?

— Nous ? Rien. Mais certaines personnes souhaitent l'empêcher de fourrer son nez dans des affaires qui ne le concerne pas. Quand ils ont appris qu'il communiquait avec toi, ils nous ont demandé de venir t'interroger. Vois-tu, ils connaissent le petit différent qui nous oppose depuis des années.

— Ils ont l'air sacrément bien renseignés.

— Effectivement. Quand ils nous ont contactés, ils semblaient tout savoir de toi : ton adresse, ton job, où te trouver... autant d'infos qui nous faisaient défaut. Comme s'ils avaient accès aux fichiers confidentiels de la police. Je dirais qu'on a affaire à des gens hauts placés.

— Et qui donc, exactement ?

— Pas la moindre idée. Mais qu'importe : ils avaient une belle valise pleine de billets. Et ça, c'est une bonne nouvelle pour toi.

Il s'approcha un peu plus.

— Si tu parles, ils acceptent de payer ta dette. Tu seras libre et tu n'entendras plus jamais parler de nous. Sympathique, non ?

Il relâcha son étreinte.

— Alors ?

Mohamad réfléchit. La proposition était tentante. Et de toute façon, avait-il le choix ? Il n'était pas en position de refuser, alors pourquoi opposer une résistance tout aussi héroïque que stupide ? Autant leur donner Hayes sans rechigner.

— Il est parti pour Victorville. C'est là-bas que se trouvait le mec qu'il recherche.

— Eh bien voilà. J'aime quand on coopère. Quel hôtel ?

— J'en sais rien. Mais je peux l'appeler et tâcher de lui tirer les vers du nez.

— Mais oui, pourquoi pas ? Tu es encore meilleure balance que je ne pensais. Comme quoi, quand on a la trahison dans le sang...

L'homme de main sortit un téléphone de sa poche. C'était celui de Mohamad, qu'il avait dû récupérer dans le taxi. Il composa le numéro du détective et plaça l'appareil contre l'oreille du jeune homme. Alors que la sonnerie retentissait dans l'écouteur, il sortit un flingue de sa veste et le plaqua sur le front de son otage.

— Un mot de travers, lui dit-il, et tu es mort.



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Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant