Chapitre 23

14 3 0
                                    

Une vieille bicoque de bois, perdue au milieu du désert – ancienne ferme, abandonnée quarante ans auparavant.

Larry avait trouvé cette exploitation fantôme sur Internet. Les propriétaires cherchaient à vendre le domaine, mais malheureusement, nul ne s'intéressait à ce lopin de terre, sec comme le cœur d'un banquier et, même à prix bradé, ils ne trouvaient pas d'acheteur.

Située à plus de deux heures de route de Salt Lake City et à plusieurs kilomètres de toute habitation, c'était une planque idéale. L'informaticien n'avait eu qu'à découper le grillage entourant la propriété, pour y pénétrer avec sa voiture. Il n'y avait aucune alarme et encore moins de caméras. L'endroit attirait si peu, que le danger de voir des squatteurs élire domicile ici n'avait même pas effleuré les heureux héritiers du terrain.

Il se gara devant l'antique demeure, dont le bleu pimpant de jadis avait quitté la façade vermoulue, remplacé par un gris sale – du moins, là où la peinture ne s'était pas encore totalement écaillée. L'ensemble de l'édifice semblait couvert d'une poussière sans âge. Le décor, songea-t-il, aurait ravi les amateurs de récits post-apocalyptiques.

Lorsqu'il posa un pied sous le porche, les planches, mille fois recuites par le soleil, émirent un long craquement de désaccord. Il s'aperçut alors qu'il n'avait pas envisagé cet écueil : et si la pauvre baraque, au bout du rouleau, ne pouvait supporter son poids ?

Il avança à pas de loup jusqu'à la porte et y parvint sans passer au travers du sol. Une fois dans la maison, les choses furent plus aisées. Les fondations étaient encore solides, même s'il éviterait de faire de la corde à sauter dans le salon, de peur de finir à la cave.

Il s'installa au rez-de-chaussée, dans une petite pièce qui avait autrefois été une cuisine. Il mit en place son matériel, finalement fort succinct – un ordinateur portable et une antenne satellite, miniature mais surpuissante.

Par ce biais, il se connecta à Internet et à l'espace de stockage privé qu'il s'était créé sur un serveur FTP basé en Allemagne. Puis, il ouvrit une communication satellite avec son mouchard, toujours en place dans les toilettes de CSS.

Ce matériel high-tech pouvait capter les données informatiques d'un ordinateur ou d'un serveur, sans s'y brancher directement, simplement en étant posé à côté. Le seul inconvénient était que cela ne fonctionnait qu'à moins de quatre mètres de distance ; mais lorsque vous aviez réussi à vous approcher suffisamment près, ce n'était que du bonheur.

Le capteur électromagnétique commença à transmettre les données se situant à sa portée. Des milliers de lignes cryptées se mirent à défiler sur l'écran. Pour le moment, inutile de les décoder. Il se contentait de les transférer en Allemagne, où elles seraient copiées et mises en sécurité sur divers serveurs, en Europe, en Russie et au Japon.

Il n'y avait plus qu'à patienter. Il sortit une bouteille de coca de son sac et un sachet de Twix, puis il se mit un film téléchargé sur son ordi (American Pie, un grand classique) et commença à grignoter en attendant.

Les fichiers défilèrent durant plusieurs heures, le temps pour Larry d'engloutir quelques milliers de calories.

La nuit était tombée et il allait visionner son quatrième film, quand les alarmes de son ordinateur se déclenchèrent, émettant une sirène stridente, en même temps qu'un écran rouge et clignotant s'affichait. Aussitôt, il lâcha ses sucreries et regarda de quoi il retournait.

Aïe ! Exactement ce qu'il redoutait : son intrusion dans le serveur avait été repérée. Il lut le rapport de sécurité plus avant et – re-aïe ! – ils avaient réussi à le géo-localiser. Ils savaient désormais très précisément où il se trouvait.

Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant