Chapitre 29

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Shirley se redressa sur la couchette et s'assit sur le rebord. Le minuscule matelas de mousse, à peine plus épais qu'une crêpe, ne protégeait aucunement le dos de la dureté de la planche faisant office de lit. Elle fit quelques étirements pour se décoincer les vertèbres et, pour se dégourdir les jambes, commença à tourner en rond dans la cellule de huit mètres carrés. L'espace, quoiqu'exigu, offrait assez de place pour marcher, car il était presque entièrement vide, à l'exception de la couchette collée au mur (simple planche de bois sur pieds métalliques) et d'une cuvette de W.C.

Le sol était de béton brut ; les murs, le plafond et la porte, recouverts d'un enduit gris bleu sombre. Il n'y avait pas de fenêtres.

La pièce était spartiate, certes, mais d'une propreté immaculée. Visiblement, la prison de la Creech Air Force Base avait été construite « au cas où », mais n'accueillait que rarement des détenus.

Elle ignorait depuis combien de temps elle était là ; au jugé, elle aurait dit deux heures, mais c'était difficile à déterminer, car on lui avait retiré sa montre. De la même manière, depuis son arrestation et jusqu'à son arrivée en cellule, elle avait eu la tête recouverte d'une cagoule, si bien qu'elle ne savait rien du lieu où elle se trouvait, ni ce qu'il y avait de l'autre côté de la porte.

Était-elle seulement à l'intérieur de la base ? Elle le supposait mais n'avait aucune certitude.

Seule avec ses pensées, elle rumina encore les événements de ces dernières heures où tout avait dérapé.

Elle revoyait John pointant son arme vers elle. Il lui avait demandé de poser ses mains sur la tête et de se mettre à genoux. Effarée, elle avait obéi. Son crâne était, à cet instant, devenu une cocotte-minute, bouillonnant de questions.

Elle avait imploré : « Pourquoi, John ? Pourquoi faites-vous ça ? », mais n'avait obtenu aucune réponse. Le détective s'était contenté de la tenir en joue jusqu'à l'arrivée des militaires.

Lorsque le convoi s'était arrêté à côté d'eux, plusieurs hommes en tenue de combat, armés jusqu'aux dents, étaient descendus. Deux d'entre eux l'avaient attrapée par chaque bras et l'avaient soulevée en direction d'un des camions, tandis que les autres la visaient avec leurs mitrailleuses. Ils ne dirent pas un mot mais les choses étaient claires : si elle tentait quoi que ce soit, ils l'expédieraient ad patres.

Avant qu'ils ne la chargent sans ménagement dans la remorque du camion, elle avait pu, furtivement, apercevoir John s'entretenir avec un des militaires. Sans doute le chef, car il était plus âgé que les autres, ne portait pas d'arme, et plutôt qu'un casque, arborait une simple casquette.

La vision fut rapide, mais il sembla bien à Shirley que les deux hommes riaient.

Puis on l'avait menottée et enchaînée à l'arrière du poids lourd. L'un des soldats avait fermé la bâche et lui avait mis une cagoule sur la tête. Ils avaient démarré et roulé un certain temps, mais pas tant que cela. À l'arrivée, on l'avait détachée et conduite, toujours menottée et cagoulée, jusqu'à la cellule, où, enfin, on l'avait libérée de ses liens, avant de claquer la porte sur elle.

Depuis, elle attendait.

Une courte sonnerie retentit, suivi d'un claquement mécanique. La porte de la cellule se déverrouilla et coulissa parallèlement au mur. (Porte automatique à serrure électromagnétique. Utilisée dans toutes les prisons récemment construites au États-Unis. Elle avait vu un reportage à la télé là-dessus.)

Shirley se tourna vers l'entrée et se mit instinctivement en position de sécurité : genoux légèrement fléchis, bras écartés, mains ouvertes, prête à bondir en cas de danger. Ses ongles longs et manucurés étaient taillés pointus ; si besoin, elle n'hésiterait pas à jouer la chatte acculée et à balancer des coups de griffes.

Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant