— Vous ?
Shirley recula de plusieurs pas, incapable d'attaquer comme elle l'avait fait spontanément avec le gardien. Peut-être parce qu'elle était épuisée par sa bagarre. Ou peut-être parce qu'elle venait de tuer quelqu'un et que c'était suffisant pour aujourd'hui. Ou, plus vraisemblablement, parce qu'il était dur d'agresser un homme avec qui on avait fini, malgré tout, par tisser des liens.
John s'avança et dit :
— Ma chère, je venais vous dire au revoir, quand j'ai été surpris par la coupure de courant. Je ne pensais pas vous trouver sur le départ.
— Je...
Elle eut un coup d'œil furtif vers l'extincteur, se demandant si elle pourrait l'atteindre avant qu'il ne réagisse. Mais il remarqua le mouvement de ses yeux et repéra le matériel incendie devenu arme contondante, ainsi que le mort gisant dans une mare de sang.
— Un extincteur ? Vraiment ? Je ne vous pensais pas capable d'une telle violence.
— Comme quoi, on croit connaître les gens, et un beau jour, ils vous poignardent dans le dos.
— Je sens comme de l'ironie dans vos propos. Je me trompe ?
— Vous m'avez trahie, espèce de bâtard ! Pourquoi avez-vous fait ça ? Je croyais qu'on était... qu'on était...
— Quoi ? Amis ? Mais c'est le cas. Sinon, vous ne nommeriez pas mes actes « trahison ».
— Pourquoi, John ? Pourquoi, putain ?
— Je...
Il sembla chercher ses mots.
— Je suis... un salaud.
— Merci, je m'en étais aperçue.
— Ce que je veux dire, c'est que j'ai fini par l'accepter. Je n'ai pas de grands idéaux, je n'en ai jamais eu, même si j'aimerais. Je voudrais pouvoir vous dire que je vous ai trahie parce qu'on me menaçait de mort, ou parce qu'on avait pris ma famille en otage. Vraiment, j'aimerais avoir une raison noble. Mais ce n'est pas le cas.
— Alors ?
— Eh bien, j'ai agi pour l'argent, tout simplement. Quand nous préparions notre petite virée dans les montagnes, alors que j'étais sorti acheter du matériel, ils m'ont contacté et proposé plus de pognon que vous n'en verrez jamais dans toute votre vie. Rien que l'acompte qu'ils m'ont versé sur le moment... Savez-vous quelle somme contient une valise standard remplie de billets de cinq cents dollars ?
— Non.
— Un beau paquet. Je n'ai pas pu résister. Peu l'auraient fait.
— Connard.
— Sans doute.
— Et pourquoi ne pas les avoir conduits à moi immédiatement ? Pourquoi attendre ?
— Quand je leur ai dit que nous allions dans les montagnes, ils ont pensé que ce serait mieux de patienter jusqu'à ce moment-là. Ainsi, il n'y aurait pas de témoins ; contrairement à une action dans un hôtel bondé.
— Ils ignoraient que nous allions dans les montagnes avant que vous ne leur disiez ? Ils ne sont donc pas responsables des rêves prémonitoires.
— Peut-être, peut-être pas... Ce n'est plus mon problème. L'enquête sur la disparition de votre frère sera close pour moi dans cinq minutes.
— Dans cinq minutes ?
— Après que j'aurais été obligé de vous tuer alors que vous tentiez de fuir.
La jeune femme le fixa avec angoisse.
— John, vous n'êtes pas obligé de faire ça. Prenez votre fric et barrez-vous. Me tuer ne vous apportera rien.
— Désolé, vous êtes la seule personne pouvant témoigner de mon implication dans cette affaire
— Et vos nouveaux employeurs ?
— Aucun danger. Ces gens ne sont jamais appelés à témoigner. Ils n'existent même pas officiellement. Il n'y a que vous.
Il baissa les bras et ouvrit ses mains, paumes vers le haut, comme un signe de bonne volonté.
— L'armée devait se charger de votre sort, mais étant donné le chaos qui règne ici, je vais être obligé de faire le sale boulot moi-même.
Il commença à s'approcher.
Paniquée, la présentatrice recula, cherchant un moyen d'échapper à la mort qui semblait imminente.
D'un bond, elle se jeta vers l'extincteur... mais John la rattrapa avant qu'elle ne l'atteigne. Avec une force incroyable, il la tira en arrière et la jeta violemment au sol. Avant qu'elle ait pu réagir, il s'agenouilla sur elle, dans une position qui aurait pu être celle d'un coït ; sauf qu'au lieu d'entamer un acte d'amour, il plaça ses mains autour de son cou et commença à serrer.
Shirley tenta de se débattre, en vain. Elle ne pouvait plus respirer.
Lorsqu'elle était au lycée, en cours de natation, elle pouvait tenir plus d'une minute trente sous l'eau, en apnée. Autant dire une éternité pour qui est privé d'air.
Sa mort allait donc être très lente et très douloureuse. Elle pria pour qu'on l'achève.
Au-dessus d'elle, John avait un visage fou, comme s'il prenait plaisir à tuer. C'était peut-être bien ça, au fond : il était juste un salaud qui, ayant accepté sa part sombre, pouvait sans pudeur ni tabou faire sauter les digues qui séparent l'homme de la bête. Il n'était pas le premier et encore moins le seul. Pas besoin de virus extraterrestre venu du fond du cosmos pour vous transformer en monstre : l'être humain possède naturellement le matériel génétique adéquat pour ça.
Alors qu'il resserrait son étreinte pour en finir, elle pensa vraiment que sa dernière heure était venue.
Soudain, un coup de feu retentit. John s'effondra sur elle. Mort. Elle sentit ses vêtements s'imbiber d'un liquide chaud et poisseux. Elle eut un haut-le-cœur. Avec la force du désespoir, elle rejeta sur le côté le corps lourd de feu le détective du gotha californien. Sitôt dégagée, elle se remit sur ses pieds et chercha du regard le tireur.
Là, en face d'elle, se tenait un homme avec un révolver encore fumant à la main. En le voyant, Shirley ne put contenir sa surprise.
— Vous ?
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Dévoré de l'intérieur [Terminée]
Science FictionComment lutter quand l'ennemi est en vous ? Depuis qu'il a miraculeusement survécu à un crash aérien, Peter McAllister n'est plus le même. Il n'a qu'une idée fixe : aller à l'est... sans savoir lui-même ce que cela signifie. Pour sa sœur, la vedette...