Chapitre 7 : La frontière de la Lórien

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La guerre des elfes éclata de nouveau après une accalmie de seulement quelques années. 

Mobilisé au combat, cela faisait des lustres que Haldir n'avait pas quitté le front. Plus fatigué que jamais par la violence des assauts ennemis, il décida de s'octroyer une permission pour se reposer en Lórien et visiter Jaheira qu'il n'avait pas vu depuis une bonne décennie maintenant. Tous deux s'échangeaient plusieurs lettres chaque année et ses mots apaisants et délicats lui faisaient du bien, mais l'homme accusait aujourd'hui un gros coup au moral et aspirait à un peu de repos afin de revenir au plus fort sur le front. L'elfe se sentait si fébrile qu'il s'en blessa le coude en rangeant sa précieuse lame dans sa manche, une maladresse qui en disait long sur son état de fatigue. Il se pansa le bras avec un bandage de fortune et grimpa à cheval. 

Le capitaine laissa ses instructions et rejoignit le prochain convoi de soldats qui partaient en Lórien le lendemain. Plusieurs centaines d'hommes attendaient de partir avec impatience pour retrouver leurs familles. Une telle délégation ne passerait certes pas inaperçue, ils se savaient d'ailleurs régulièrement suivis par l'ennemi, mais bien mauvais stratèges seraient les orques qui oseraient s'attaquer à autant de soldats en chemin vers leurs terres.

Haldir avait informé Jaheira de son prompt retour en Lórien, celle-ci lui avait alors partagé son réjouissement quant à le revoir et promit de l'accueillir au mieux pour vite le remettre sur pied. Le commandant se réjouit d'autant plus de revoir sa protégée qui lui avait beaucoup manqué.

                                                                                           ***

Le grand jour tant attendu du retour d'Haldir était enfin arrivé. En Lórien, Jaheira décida de prendre de l'avance et de rejoindre son parrain sur le chemin qui amenait les convois militaires en terres elfiques. Elle enfila son uniforme d'archiviste et prit son cheval Passtil, le farouche étalon d'Ondent qu'elle avait fini par dresser à force des années, et mobilisa trois soldats pour l'escorter. Elle se mit en route avec de nombreux sacs vides vers la route qui longeait la bordure extérieure des terres. Un secteur qu'elle fréquentait peu, trop éloigné de la cour, mais qui comportait de nombreuses et rares plantes sauvages. Leur récolte lui permettrait de passer le temps jusqu'à l'arrivée du convoi.

La jeune femme était heureuse de retrouver le capitaine, mais restait dans l'expectative : avec le retour de la guerre, elle avait repris du service en tant que guérisseuse et avait encore croisé de très nombreux soldats victimes des horreurs de la guerre. Jaheira espérait retrouver Haldir en bonne santé. Elle ne connaissait désormais que trop bien la fierté des soldats qui se refusaient d'apparaître affaiblis ou de démontrer une quelconque sensibilité, qui plus est devant une femme, mais avec le temps et l'expérience, et surement grâce au temps passé avec Haldir, elle avait appris à comprendre les militaires, à les apprivoiser pour qu'ils se confient, et surtout à les écouter, bien aidée par son ample uniforme de guérisseuse qui faisait souvent douter de son genre auprès de ses patients.
Aujourd'hui elle appréciait la compagnie des militaires : leur tempérament mesuré faisait un dissonent écho avec la violence qu'ils pouvaient exprimer face à l'ennemi, même si la plupart d'entre eux refoulaient leurs pourtant palpables traumatismes. Elle appréciait de se sentir utile à écouter leurs histoires, leurs combats, leurs démonstrations de force comme leurs plus plats aveux de faiblesses. C'est cette même dualité qu'elle ressentait au fond d'elle parfois : un calme apparent qui disparaissait parfois au prix d'une grande colère qu'elle gardait enfouie en elle, l'envie de crier, de tout plaquer, de partir se battre, de tout envoyer valser pour elle aussi décharger sa colère et se venger arme à la main. Régulièrement, devant les victimes qu'elle rencontrait, elle se maudissait de ne pouvoir elle aussi aller se battre et défendre les civils... Cette dévorante culpabilité était souvent accompagnée d'une certaine claustrophobie, d'une folle envie de partir, de s'en aller très loin, dans une terre paisible, isolée de tout ennemi, sans blessé, ni sang, sans victime, ni peine, loin de son désormais si vital anonymat de soigneuse de l'ombre, loin de la guerre et de son horreur, juste elle, seule, profitant au grand air et à découvert. De nombreuses fois, elle avait rêvé de retrouver Haldir au front avant de se réveiller brusquement en pleine nuit, en sueur après avoir reçu un fatal coup de lame imaginaire. Avec le stress ambiant, la jeune femme avait de plus en plus de mal à ménager ses sentiments, à l'inverse de tous les elfes qui l'entouraient qui dissimulaient tout sans effort. Aucun d'entre eux ne pouvaient comprendre toute la complexité des émotions qui la traversaient. Mais Jaheira avait avec les années appris à enfouir la colère qui s'attisait en elle et avait choisi d'embrasser sa part de sérénité, se réfugiant dans son travail et s'évertuant à servir de son mieux.

L'ombre de Fangorn # Gagnant Wattys 2020 # Seigneur Des anneaux & Legolas X OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant