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Chapitre 9 : Haldir le précepteur

Haldir ne bouda pas son plaisir lorsque Jaheira se coucha à une heure tardive et vint volontairement venir la sortir du lit au petit matin, juste avant le lever du soleil. C'était l'un de ses rares défauts de cette sang mêlé : quand les elfes de sang pur n'avaient pas besoin de dormir, elle devait trouver le sommeil plusieurs heures d'affilé et régulièrement pour être d'attaque. Mais Haldir n'en avait que faire, la guerre n'attendait pas, elle fut réveillée sans ménagement et se hâta de s'habiller pour descendre rejoindre la terrasse où Haldir lui avait donné rendez-vous. A peine arrivée, l'entrainement débuta :

- La ponctualité est une qualité primordiale pour toute recrue. Tu te lèveras chaque jour avant le lever du soleil pour commencer ta préparation physique. Je t'instruirai tout ce que je sais du combat, du corps à corps, des stratégies militaires, de la guerre et du maniement des armes. Je ne t'accorderai aucun privilège, ni par ton genre, ni par ton titre, ni par nos relations. Et désormais, durant l'entrainement, tu me nommeras "capitaine". Est-ce clair ?

- Très clair, capitaine.

- A présent, enfile ceci. Ça sera ta tenue d'entrainement.

Haldir lança un paquet dans les bras de Jaheira qui le déballa. C'était une combinaison de lin vert foncé, similaire à l'uniforme des soldats de Fondcombe, sa tenue comportait un sempiternel bandeau qu'elle devait placer sur ses yeux pour préserver son identité. Haldir fut sommé d'en porter un également.

Les sessions rigoureusement organisées par Haldir s'étalèrent de quelques heures à plusieurs jours. Pour des raisons pratiques, les entraînements se déroulèrent à Fondcombe et parfois en Lórien, toujours à l'abri des regards. Haldir partagea avec Jaheira tout ce qu'il lui avait promis et la forma à devenir le parfait soldat. Les sessions d'entrainement firent vite partie du quotidien de la jeune femme et de son précepteur et s'étalèrent sur des semaines, qui devinrent des mois puis des années.

Malgré la difficulté des exercices mêlant cardio, force physique et mentale, et du rythme imposé tout au long de ces mois de labeur, la jeune femme se révéla coriace et disciplinée, ne manquant jamais un entrainement et ne se plaignant jamais de son sort, même avec le travail qu'elle gardait à l'apothèque. Tout dans son comportement confirma sa motivation quant à prendre l'uniforme pour servir les siens. 

L'éducation militaire de Jaheira s'étala ainsi sur plus de trois ans, et la transforma. On pouvait voir aisément que la jeune femme était devenue plus sage et mesurée, elle avait désormais un goût plus qu'affûté pour la compétition et avait développé plus d'athlétisme et d'endurance. Son corps s'était affiné à mesure que son anticipation s'était aiguisée. A la force des années, et grâce à la rigoureuse discipline appliquée, Jaheira apprit à se battre et devint redoutable à l'exercice pour le plus grand plaisir de Haldir qui devint son adversaire préféré. 

Elrond surprit parfois Jaheira et Haldir à l'entraînement de combat à l'épée, et constata avec satisfaction les progrès de la jeune guérisseuse. L'emploi du temps de la jeune femme était plus que minuté, jonglant entre les besoins de l'apothèque qu'elle perfectionnait toujours avec passion, et ses exercices de combat qui la mobilisaient parfois des semaines d'affilé, lorsque Haldir choisissait par exemple de la mettre au défi au cours de stages de survie dans des contrées isolées et difficiles. Le capitaine était plus que fier de voir évoluer la jeune femme vers un niveau militaire plus qu'honorable, et constatait avec fierté l'excellence qu'elle avait atteint en si peu de temps. Désormais, Jaheira avec la condition physique d'un soldat et l'expérience de combat d'un mercenaire. Nul ne pouvait deviner, sous son gracile physique de rat de bibliothèque et sous ces airs de fille de bonne famille se cachait là une combattante inattendue.

L'épanouissement et le succès de Jaheira dans ses domaines de prédilection ravissaient Elrond, tout comme Galadriel et Celeborn qui suivaient l'évolution de leur protégée. Elle qui n'était qu'une orpheline de Lórien était désormais devenue une guerrière et faisait preuve d'un dévouement sans faille, se préparant à affronter ses démons sur le front. Elrond, qui reçut pendant ces années un grand nombre de demandes en mariage pour sa fille Arwen, constata avec plaisir que Jaheira la discrète archiviste recevait également sa part de succès avec le temps, car de grandes familles s'intéressaient à cette très belle femme qui fréquentaient les nobles des cours elfiques et à qui la réputation de femme éclairée précédait où qu'elle allait. Mais Jaheira restait une femme fière qui tenait à son indépendance et déclinait poliment chaque proposition reçue, se trouvant bien trop jeune et ne voyant son destin qu'à la mise au service de ses talents à aux services des soldats sur les champs de bataille, bien plus qu'au fondement d'une famille.

Au grand soulagement d'Haldir, Jaheira savait désormais parfaitement se battre au corps à corps et pouvait désormais de rivaliser avec son précepteur. Mais Haldir, en tant qu'elfe zélé et protecteur, poussa l'entrainement de la jeune femme dans de leçons bien moins conventionnelles, sortant complètement des exigences de l'Académie. Il le savait de sa propre expérience, bien qu'inhabituelle et difficile, ces leçons ne seraient que profitables à Jaheira. Elle qui ne pourrait compter que sur le temps passé ensemble pour toute expérience guerre, se devait d'engranger le plus de savoirs possibles pour être légitime une fois arrivée à l'Académie. 

Avec le temps, Haldir et elle devinrent de fin complices dans la compétition. Mais aujourd'hui, leurs duels s'avéraient désormais bien moins innocents qu'à leurs débuts, les deux usant de vraies armes et se battaient avec la même véracité qu'en combat réel. Haldir la dominant encore largement sur la force, mais elle, réussissait régulièrement à le battre avec l'inconventionnalité qu'elle avait développé au combat.

A force de confrontations, ces deux-là se connaissaient parfaitement en duel, et cette habitude les forçait à repousser leurs limites et combattre leurs plus anciens et profonds réflexes afin d'apporter de la surprise à l'adversaire et ainsi pimenter le combat. Si Jaheira usait de créativité pour riposter en de multiples parades d'équilibre et de figures pour surprendre Haldir, lui, très fort et très lourd, usait de son endurance et de sa puissance pour faire plier la jeune femme. Ils se battaient ainsi pendant des heures, jusqu'à essoufflement total, interrompu par les éclats de rire qui les prenaient parfois. 

Haldir ne pouvait plus nier que son élève avait désormais tout de l'étoffe d'un soldat, le temps alloué à ses cours particuliers lui avait permis d'apprendre tous les réflexes d'un militaire et d'observer une discipline sans faille. Même si elle n'était jamais allée en guerre, elle saurait rivaliser avec des soldats éprouvés au combat. Elle avait appris de toutes les théories des stratégies militaires et la politique de la guerre, avait pratiqué toutes les techniques de combats, avec les armes des plus simples aux plus originales, corsant un peu la rencontre avec de nouvelles contraintes imaginées par Haldir : pieds ou poings liés, dans l'eau, sur la glace, en altitude, en équilibre, dans un froid glacial ou sous une chaleur écrasante. Chaque combat était une nouvelle compétition qu'Haldir relevait par défi. Ils avaient ainsi tous deux avaient développer un pragmatisme au combat unique et de lâches techniques qui relevaient parfois du spectacle. Mais toute cette excellence ne signifiait pas pour autant que la jeune femme recevrait aisément son diplôme de l'Académie, car l'institution élitiste et ancestrale composait avec ses propres notations et ne sélectionnait qu'une poignée de recrues chaque année. Il arrivait que personne ne décroche le sésame quand la promotion ne comportait pas de profil correspondant aux attentes du Mirkwood, créateur de l'Académie, qui était la plus grande armée elfique qui soit. La guérisseuse n'avait ainsi aucune garantie que son niveau de guerrière lui permettrait de décrocher son affectation, aussi parfaite sa préparation eut-elle été, cela était bien le secret le mieux gardé de l'institution.

Elrond se satisfaisait de la situation : Jaheira affichait une sincère joie de vivre et se joint volontairement à plusieurs reprises aux soldats de Fondcombe pour les accompagner dans des battues afin de s'entraîner et de les soutenir, par souci d'intégration. Alors que les assauts en Mirkwood se temporisèrent, Elrond et Haldir profitèrent de ce semblant de paix qui régnait sur les terres des elfes pour continuer de pousser Jaheira vers plus d'excellence.

A l'inverse d'Elrond, Haldir se montra plus patient quant à l'affectation de la jeune femme pour sa formation à l'Académie, jusqu'à ce qu'un jour la patience de l'elfe se dissipa. Un éclaireur sylvestre vint informer le capitaine de son affectation à lui pour répondre des nouvelles pertes enregistrées au Mirkwood. Elrond, lui aussi informé, avait alors fait quérir Jaheira et Haldir afin que la jeune femme se prépare à partir pour le camp d'entrainement, nouvelle que la jeune femme accueillit avec un mélange d'honneur et d'émotion, sentant enfin sa longue attente se concrétiser.