Chapitre 67 : Feu

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Alors qu'elle était enfermée dans sa douleur, une onde, puissante, sinistre, terrifiante, la saisit et l'extrait de son sommeil forcé. Ce fut d'abord un léger trouble, lointain, presque doux. Un bruit, indescriptible. Celui du vent. Rien qu'une faible et agréable brise. Juste un souffle, mais de plus en plus rapide. Puis bousculé, le cri du ciel, de l'air qui se fend. Puis tout doucement, un sifflement, impliquant la vélocité, peut être un projectile, mais lancé à pleine puissance. D'abord lointain, le souffle se rapprocha et devint impossible à ignorer, terrible, violent, ce souffle se transforma en une terrible déchirure, celle de l'air, comme arraché du ciel. Réveillée, Jaheira eut envie d'ouvrir les yeux, mais les garda fermer, transit de peur. Elle était tremblante, terrassée par cette onde qui s'immisçait en elle, un cauchemar, c'était irréel. Enfin, un bruit, strident, pénétrant, résonna dans le ciel et enfin Jaheira ouvrit les yeux.

À Angmar, le silence s'imposa en un instant, car les deux camps s'étaient figés.

Les hommes de l'académie, les plus braves et les plus éprouvés au combat, ne bougèrent pas d'un iota, le regard tourné vers le ciel d'aube écarlate. Tous guettèrent le spectacle, observant la gigantesque ombre glisser sur eux telle une furtive caresse, puis tous adoptèrent une même position, celle de l'attaque aérienne, lame vers le ciel, alors que sa silhouette se dessinait au-dessus d'eux, le specte, finalement fonda au sol.

- Dragon ! S'époumouna un anonyme soldat, hurlant à la mort avant de s'enfuir en courant.

La terreur envahit Angband telle une traînée de poudre. Percevant la tension planer sur elle, Jaheira retrouva ses esprits : elle n'entendait rien d'autre que son cœur qui battait à tout rompre dans sa poitrine, au comble de l'horreur. C'était sa plus grande crainte, la phobie de toute sa vie. Le danger, légendaire spectre ailé, le dragon de l'oubli. Elle eut peur, non pas pour elle, ni pour les armées, mais pour les siens, ses terres, son fils, qu'elle reconnut au loin sous forme entique. Galvanisée d'une énergie nouvelle, celle de la panique, Jaheira en oublia toute douleur, toute blessure et se débattit de toutes ses forces, secouant ses chaînes, s'étouffant presque à la seule force de s'en extraire. Cédant à sa soudaine rage, son corps prit sa forme entique, mais ne put accéder à une complète transformation à cause de ses fers et du silmaril qui la retenaient là et lui bloquaient sa transformation. Peu lui importait la douleur, peu lui importait le sacrifice, peu lui importait sa propre vie, jamais elle ne laisserait un spectre s'en prendre à son fils. Elle pouvait mourir, cela n'avait plus d'importance, mais pas lui, pas son fils, pas sous ses yeux, pas en ces lieux, pas là. Tout, tout sauf ça. Elle avait trop souffert de son éloignement, elle ne survivrait pas sa perte, pas une seconde fois.

Non loin de là, Ajantis s'était figé pour admirer le dragon qui fendait l'air de toute son austère majesté. Ce spectacle, bien que malsain, était grandiose. D'abord apprut en un minuscule point dans le ciel, la créature s'était révélée plus gigantesque et plus terrifiante à chaque battement d'aile qui la rapprochait du sol. Le dragon s'était alors invité sur les terres avec une certaine délectation. Ajantis ne sut quoi faire, désarmé par le spectacle du spectre ailé pour lequel il n'avait nulle arme à la hauteur, il s'était tétanisé, figé témoin du spectacle des premiers jets de flammes du monstre. Bien vite, l'elfe réalisa qu'il était celui que le dragon venait chercher, sentant son sang d'argent battre en ses veines. Le spectre se posa à terre, faisant trembler le sol de tout son poids, et se mit à sentir l'air avec gourmandise, cherchant des yeux sa précieuse proie de mithril. La bête poussa alors un cri strident qui secoua tout jusqu'aux tréfonds des sols. Le dragon le sentait, lui, son sang, sa chair, ses veines où abondaient un sang précieux. Ajantis regretta son imprudence de s'être dévoilé ainsi au grand jour et en payait le prix fort à présent. S'exposer, ses congénères et lui à la merci du spectre, sans abri, sans arme ni solution, bien que pour sauver sa mère, avait été une bien mauvaise stratégie. Ajantis reprit forme humaine pour faciliter sa fuite et se mit l'abri en cas de flammes. Soudain, comme sorti de son propre corps, Ajantis chercha son père sur le front, et ne trouva Thranduil non loin de là, lui-même déconfit comme jamais du spectacle : blême et tremblant comme si la mort elle-même le dévisageait.

L'ombre de Fangorn # Gagnant Wattys 2020 # Seigneur Des anneaux & Legolas X OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant