1. After All These Years

10.8K 603 428
                                    

"À quel moment devient-on con, stupide, aveugle ou sourd au point d'accepter de mener une existence pour laquelle on n'est pas fait, de jouer un rôle de composition, de simuler des sentiments, des émotions ?"

Thierry Cohen

♠️♠️♠️

Swann

- Alors, Nelson, prêt pour la nouvelle saison ?

La main d'Hugo s'abattit sur mon épaule dans un geste viril alors que je terminai de nouer mes chaussures à crampons. Je tournai la tête pour faire face à mon meilleur ami ainsi qu'à son grand sourire digne d'un enfant de 10 ans.

- L'année vient juste de commencer, lui fis-je remarquer. Et j'ai entendu dire que le coach voulait remettre les compteurs à zéro, il faut encore qu'on passe les sélections si on veut être sûrs d'être titulaires.

- Dis pas de conneries, on est les deux meilleurs joueurs de l'équipe et tu es notre capitaine, bien sûr qu'on sera titulaires !

- Le poste de capitaine aussi est remis en jeu, insistai-je.

- Qu'est-ce que t'as aujourd'hui ? grogna Hugo. Tu es d'une humeur de chien. Tu t'es encore pris la tête avec ton père, c'est ça ?

Le silence que je gardais fut comme une confirmation de l'hypothèse que venait d'émettre Hugo. En même temps ce n'était pas si compliqué à deviner. Mon père et moi, on ne s'entendait vraiment pas, et ce depuis plusieurs années déjà. Le peu de temps où mon paternel était à la maison, nous le passions à nous disputer, exposant nos deux points de vues différents sur ma vie et mon futur.

- Ton père est un con, lança Hugo. Mais je crois que, finalement, il veut te préparer à la meilleure vie possible.

Je levai les yeux au ciel. Ça aussi, ça avait tendance à m'agacer. Hugo, mon soit disant meilleur ami, avait souvent l'habitude de se ranger du côté de mon père. Il fallait dire qu'ils partageaient une certaine conception de la vie. Parfois je me demandais si Hugo n'aurait pas mieux fait d'être à ma place, d'être le cher fils de Dave Nelson, homme politique ambitieux et exigeant. Dans ce cas là, mon père n'aurait pas eu à se plaindre ou à être déçu du comportement ambivalent de son fils qui ne portait aucun intérêt à la politique.

- En tout cas te prends pas la tête avec cette sélection, tu l'auras ta place de capitaine, continua mon ami. Ou alors c'est moi qui l'aurait pour une fois, qui sait ?

Un dernier rictus, un clin d'oeil, et Hugo se leva pour filer vers la sortie du vestiaire au pas de course. Je poussai un soupir et passai une main dans mes cheveux.

Je me mettais certainement un peu trop la pression à propos de cette sélection, et je savais bien que Hugo avait raison, j'aurais ma place dans l'équipe. Mais j'angoissais parce que le football représentait tout pour moi, c'était une de mes passions mais aussi le seul moyen que j'avais de m'évader et de me sentir réellement moi-même. Quand je jouais, j'étais libre, je menais mon jeu, le contrôlais, et la seule personne à me mettre la pression dans ces cas là, c'était moi. Il n'y avait plus aucune pression extérieur à part celle du coach et de mon équipe qui désirait gagner tout autant que moi. Mais cette pression là était bonne, positive, et nous poussait à donner le meilleur de nous même, elle n'était pas étouffante et n'empêchait pas d'avancer.

Une dernière grande inspiration et je me levais enfin du banc sur lequel j'étais assis depuis quelques minutes. Je sortis des vestiaires et m'avançai sur le terrain où mes coéquipiers commençaient déjà à s'échauffer.

FALLINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant