Tomber.
Un simple mot. Un verbe du premier groupe. Bien plus simple à conjuguer que ses compagnons irréguliers du troisième groupe. Un mot facile à comprendre, facile à utiliser, et que l'on apprend très tôt dans notre vie lorsque, enfants, nous appelions notre mère en criant "Maman je suis tombé" pour qu'elle vienne ensuite nous consoler et nous soigner.
Et pourtant, quand on y réfléchit, ce simple mot peut vouloir dire tellement de choses.
Le dictionnaire nous donne cette définition : "Faire une chute, perdre l'équilibre". Enfin ça, ce n'est que son sens premier. Le verbe tomber peut aussi vouloir dire être renversé ou déchu dans un cadre politique ou monarchique, ou alors il peut prendre le sens de devenir dans l'expression "tomber malade", par exemple. Et après il y a toutes ces locutions qui contiennent ce mot.
Tomber de haut.
Tomber dans le panneau.
Tomber sous le sens.
Tomber le masque.
Tomber amoureux.
Et bien d'autres, mais ceux-ci font partie des plus importants.
C'est effrayant comme mot. L'idée même de tomber est effrayante. Lorsqu'on chute, notre cœur s'accélère et nos réflexes se mettent en place pour nous protéger et ainsi éviter à notre corps de se blesser. La chute fait peur, l'atterrissage fait peur, tout simplement parce qu'on a peur de se rétamer au sol, de se casser quelque chose, de finir brisé. Tout le monde, toutes les personnes saines d'esprit, trouveraient ça angoissant.
Si le sens premier de ce mot est terrifiant, les autres le sont tout autant.
C'est vrai, qui rêverait de tomber malade ? Ou de se retrouver déchu après avoir atteint les sommets, après avoir touché du doigt la gloire dont vous aviez toujours rêvé ? Pas moi en tout cas.
Quand à tomber dans le panneau, cela impliquait qu'on avait joué avec vous, qu'on vous avait tendu un piège, peut-être même qu'on vous avait trahi.
Alors on tombait de haut, et ça c'était redoutable. On avait réellement l'impression de tomber. Il y avait cette sensation dans votre corps, ce frisson qui descendait le long de votre échine et c'était comme si tout votre sang quittait vos veines. On redescendait sur terre. Tu parles d'un retour brutal à la réalité !
Je sais de quoi je parle, j'allais en faire l'expérience.
On tombe de haut pour plusieurs raison. Après avoir été trahi. Après avoir découvert un secret. Après avoir appris quelque chose qui allait vous bouleverser. Après avoir accepté une vérité. Peut-être même pour plusieurs de ces raisons à la fois. Faites vos jeux.
Mais, malgré ça, je crois que le terme le plus terrifiant était "tomber amoureux". C'était affreux. Cela sous-entendait que ça nous tombait dessus comme ça, sans prévenir, sans qu'on ait le choix. C'était violent, et incontrôlable. On avait beau tenter de résister, utiliser toutes les forces qui nous restaient pour ne pas trébucher, la chute était inévitable. On pouvait user de tous les stratagèmes, la distance, l'ignorance, les mensonges, y compris envers soi-même, le déni, rien de tout ça ne fonctionnait.
Alors un jour il faudra se relever et faire face.
Et c'est ce jour là qu'il faudra faire tomber le masque. Oui, oui, celui que vous portiez depuis des semaines, ou des mois, voire même depuis toujours. Aussi difficile que cela puisse sembler, il faudra accepter de le laisser disparaître, ce putain de masque, de le laisser s'écraser au sol puisque, après tout, il méritait le même traitement que nous. Surtout lorsque, parfois, on tombait amoureux d'une personne qu'on était pas censé aimer. Alors cela pouvait ravager tout votre monde dans un terrible tremblement de terre, laissant tout ceux qui vous connaissaient perdus et hagards.
Tomber amoureux, c'était comme jouer à la roulette russe. Ça passe ou ça casse. Cela peut être merveilleux ou destructeur. Cela peut être un soulagement ou un cauchemar. Cela peut entraîner le bonheur ou la haine. Cela peut être la meilleur chose qu'il vous soit arrivé, ou alors ce qui signerait votre perte.
Parfois ça tombait sous le sens. Parfois ce n'était qu'une illusion.
Tomber amoureux ça craint. C'était fort, intense, incontrôlable et effroyable. Tomber amoureux c'était entamer une chute vertigineuse depuis un immeuble comportant plusieurs dizaines d'étages. Et sans filet de sécurité.
On pouvait tomber à deux, main dans la main, ou on pouvait tomber tout seul, ce qui était d'autant plus effrayant. A la peur de la chute, se rajoutait la peur de se retrouver seul à l'atterrissage. Surtout lorsque c'était nouveau pour nous, surtout lorsqu'on acceptait enfin l'inévitable, surtout quand on risquait tout pour cette personne.
Lorsqu'on tombait, lorsqu'on avait plus rien à quoi se raccrocher, on ne contrôlait plus rien et tout ce qui nous restait c'était l'espoir. L'espoir de ne pas finir brisé, éclaté en mille morceaux. L'espoir qu'il y aurait quelqu'un, en bas, pour nous rattraper.
Tout ce qu'on avait, tout ce qu'on était, notre corps et nos sentiments, toute notre personne devenait alors la responsabilité de quelqu'un d'autre jusqu'à retrouver terre. Et là, une nouvelle notion rentrait en jeu : la confiance.
Dans certains sports, comme au judo par exemple, on nous apprenait à tomber. On disait souvent qu'il fallait savoir tomber. Pour ça il fallait se mettre en condition, en position pour amortir au mieux la chute. Moi je pense que le point clé était d'accepter de tomber. Si nous étions moins crispés, plus confiants, alors il y avait davantage de chance pour que la chute soit plus douce. Mais comment l'accepter quand cette chute était une si rude et terrifiante inconnue ?
La chute, enfin, pouvait être longue et douce, presque indolore, ou alors elle pouvait être rapide et destructrice.
J'étais en train de tomber. Et je ne m'en rendais pas encore compte.
Tout ce que j'étais, tout le monde que je m'étais construit, qu'il ne soit qu'illusion ou non, toutes les croyances et les convictions qu'on m'avait inculqué, tout ça était sur le point de s'effondrer. Cela s'effritait déjà. Mon masque s'effritait déjà.
Et c'était terrifiant.
Il n'avait fallu qu'un regard pour ébranler le mince équilibre sur lequel je reposais.
Je tombais.
Lentement.
Et tout ce qu'il me restait c'était l'espoir.
L'espoir qu'il me rattrape.
L'espoir qu'il en vaille la peine.
Parce que c'était trop tard. Je ne pouvais plus éviter ma chute. Je ne pouvais plus l'arrêter.
Je tombais. Fort.
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FALLING
Romance♠️ Tome 1 saga FALLING Swann Nelson pourrait cocher toutes les cases du héros cliché à la vie parfaite, apprécié de tous et populaire. Étudiant dans la prestigieuse université d'Oxford en Angleterre et capitaine de son équipe de foot, Swann est bril...