32. Déjà Vu

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"Effacer le passé, on le peut toujours : c'est une affaire de regret, de désaveu, d'oubli. Mais on n'évite pas l'avenir."

Oscar Wilde

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Yaël

Je n'étais plus un zombie, j'étais un fantôme. Comme si tout n'était pas déjà assez compliqué, maintenant il fallait rajouter Camille à l'équation. Je n'arrivais encore pas à croire qu'il était là, en Angleterre, dans ma ville. Je n'arrivais pas à croire qu'il avait fait le chemin depuis Paris juste pour... me parler ? A moi, le connard qui l'avait trompé et abandonné, celui qui avait brisé le coeur le plus pur qui puisse exister sur cette terre.

Ça n'avait aucun sens. Que voulait-il que je lui dise à part "désolé d'avoir trop bu et d'avoir couché avec un mec que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam, et dont je ne me souviens même plus du prénom, à trois jours de mon départ pour l'Angleterre" ? C'était pathétique, et ça me donnait envie de vomir. Je me dégoûtais.

Si la situation était inversée, je n'aurais absolument pas envie de voir sa tête, et encore moins d'entendre ses piteuses explications et minables excuses. Il devrait me fuir, il devrait me haïr, je ne serais même pas surpris s'il avait envie de me foutre son poing dans ma figure. Je le laisserais faire. Je le méritais.

Seulement ce n'était pas la réaction qu'il semblait avoir envers moi. Je n'avais même pas vu de haine dans ses yeux lorsque je les avais croisés alors qu'il se tenait sur le pas de ma porte. Je savais ce qu'il voulait, et je comprenais aussi qu'il veuille une explication, qu'il ait besoin de cette conversation. Mais je n'étais pas prêt. Je ne savais pas quoi lui dire, il n'y avait rien qui expliquait mon geste, et je n'étais pas prêt à le regarder dans les yeux pour lui dire ce qu'il voulait entendre alors que je l'observerais se briser devant moi.

Il était fort, et j'étais persuadé qu'il s'en remettrait. Mais pour l'instant il était blessé et moi je me sentais déjà trop coupable pour remuer le couteau dans la plaie. Je n'en avais pas la force, ça faisait beaucoup trop mal.

Alors, en attendant, j'avais préféré fuir en évitant la confrontation. Il m'avait pris par surprise à se tenir là, en face de moi, c'était trop de pression et je n'avais pas eu le courage de lui parler. Alors j'avais préféré lui refermer la porte au nez avant de courir m'enfermer dans ma chambre, y passant le reste de la soirée caché à ruminer.

Ce n'était pas juste pour lui, je le savais. Mon comportement était pathétique et lâche, j'en avais parfaitement conscience. Et cela n'arrangeait sûrement pas l'image du connard que Camille devait désormais avoir de moi. Mais je n'avais pas pu m'en empêcher, j'avais pris peur face à ses attentes et mes propres regrets, étouffé par ces derniers. Alors j'avais fuis en pensant que cela suffirait pour me permettre de respirer.

Finalement, j'avais agi comme Swann. Et ça aurait pu me faire rire si la situation n'avait pas été aussi tordue.

Adossé contre les casiers, je fermai les yeux un instant et y posait ma tête avant de pousser un long soupir. A quelques minutes de mon cours de littérature, je prenais le temps de rassembler mon courage afin de finir la journée sans m'écrouler. Il ne me restait que deux cours, après tout, cela ne devrait pas être trop compliqué. Pas vrai ?

Ce fut une force violente, comme un coup, appliquée au niveau de mes bras qui me fit sursauter et me poussa à ouvrir les yeux. Je réalisais alors que cette pression sur mes bras m'avait fait échapper les livres que je tenais dans ces derniers.

- Bah alors, on rêvasse, Stevens ? lança une voix que je reconnaissais très bien.

Je relevai la tête, quittant du regard mes livres étalés par terre pour rencontrer celui rempli de fierté de Hugo. Encore lui, il était encore là à me faire chier comme si c'était son activité favorite. 

FALLINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant