55. Free

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"Ce qui compte c'est se libérer soi-même, découvrir ses propres dimensions, refuser les entraves."

Virginia Woolf

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Swann

La sonnette de la porte d'entrée résonna dans toute la maison. Je me résolus à me lever et à sortir de la grotte qu'était devenu ma chambre pour rejoindre le rez-de-chaussée d'un pas lent. J'étais seul à la maison, Cheryl était partie explorer je ne sais quel coin perdu de la campagne anglaise, alors j'étais bien obligé de me bouger pour ouvrir à cette personne qui se trouvait devant la maison.

Je pensais savoir qui se trouvait derrière cette porte, de toute façon, et c'est ce qui me motivait à mettre le nez en dehors de mon repère. En tout cas, j'espérais que ce soit lui, parce que j'avais terriblement envie de le voir. Une semaine c'était définitivement trop long. Alors j'avais espéré qu'il vienne aujourd'hui même si je n'avais pas osé lui dire.

J'avais conscience que j'étais à l'origine de cette distance, que c'était moi qui lui avais demandé un peu de temps pour respirer. Mais finalement il me manquait bien plus que je ne saurais l'exprimer. J'avais besoin de lui.

Alors ce fut avec un empressement non dissimilé que j'ouvris la porte pour découvrir Yaël, plus beau que jamais, devant moi. Ça faisait tellement de bien de le voir ! Et je n'avais qu'une hâte, c'était de retrouver la chaleur de ses bras.

Mais pour l'instant je me contentais de l'observer, trop content de voir ses yeux sombres se balader sur moi. Lui aussi m'observait consciencieusement, avec cette pointe d'inquiétude, jusqu'à ce que son regard s'arrête sur un détail et qu'un sourire attendri se dessine sur son visage. Je baissai un instant la tête et remarquai que je portais un de ses sweats, encore. C'était véritablement devenu une habitude, un autre moyen de réconfort même lorsqu'il n'était pas là.

Je levai les yeux au ciel mais répondis tout de même à son sourire avant de me décaler pour le laisser s'avancer. Il ne perdit pas une seconde pour me prendre dans ses bras. Je me laissai faire et nouai les miens dans son dos. Je fermai les yeux et nichai ma tête dans son cou, m'enivrant à nouveau de son odeur. Sentir son cœur contre le mien, je n'aurais jamais imaginé que c'était ce dont j'aurais bien besoin à cet instant.

Nous ne parlions pas, nous ne nous étions pas échangé un seul mot mais nous n'en avions pas besoin. Seule la présence de l'autre nous importait, nous retrouver à cet instant après tout ce que nous avions vécu ces dernières semaines, et toutes les idées noires qui m'avaient traversé l'esprit ces derniers jours.

Yaël se recula après deux minutes de cette étreinte chaleureuse, laissant juste assez de place entre nous pour prendre mon visage en coupe. Ses yeux plongèrent dans les miens, me sondèrent, avant d'inspecter mon visage. J'avais une tête à faire peur, j'en avais conscience. Mes yeux étaient cernés, mes joues creusées, même si j'avais légèrement retrouvé l'appétit depuis hier, mais c'était surtout les stigmates encore présents de mon agression qui faisait que je ne ressemblais à rien. Ma lèvre fendue cicatrisait mais ma joue restait encore blessée et l'hématome en haut de ma pommette tournait à une couleur douteuse.

Pourtant, dans les yeux de Yaël, je ne vis aucun signe de répulsion. Il se fichait de mes blessures et se montrait plus inquiet que répugné. Et il y avait, au fond de son regard, cet éclat qui me faisait sentir léger, qui me faisait me sentir en sécurité, protégé, qui me faisait me sentir bien, moi-même, qui me faisait me sentir aimé. Oui, j'en avais conscience, cet éclat, c'était certainement de l'amour.

FALLINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant