24. Enough

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"Aujourd'hui, voilà ce qui leur importait. Pour le reste, on verrait. Aujourd'hui, c'est l'assurance d'aller jusqu'à demain. Et demain, c'est peu mais une promesse suffisante."

Thomas B. Reverdy

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Yaël

J'étais terriblement anxieux. Je ne devrais pas l'être, je ne devrais pas me mettre dans un état pareil pour un garçon alors que j'étais censé me concentrer sur mes cours. Mais j'avais passé une si bonne matinée auprès de Swann la veille, ça avait été un instant inespéré, un instant rien qu'à nous où tout allait bien, et je craignais terriblement que ça ne soit qu'un rêve. Je ne voulais pas que ce ne soit qu'un rêve. Je n'avais pas envie que ça ne soit que temporaire.

Malheureusement je commençais à connaître Swann. Je savais que chaque avancée venait avec son lot de peur et de retours en arrière. Et je savais qu'on avait décidé d'essayer, qu'il avait décidé d'essayer, je savais que Swann voulait faire des efforts, mais je savais aussi qu'on ne s'était rien promis. Il y avait une grande différence entre admettre vouloir essayer à l'abri des regards, et le faire réellement. Evidemment, rien ne serait publique pour le moment, mais je ne voulais pas que son attitude envers moi redevienne celle qu'il avait il y a deux semaines. Je ne voulais pas qu'il m'ignore, je ne voulais pas ne pas exister à ses yeux.

Alors c'est les mains tremblantes que j'avançais vers l'entrée de l'université.

Si seulement tout pouvait être aussi simple entre nous que ce moment passé ensemble, chez lui. Si seulement notre relation pouvait toujours être aussi sereine. Si seulement je pouvais le toucher, lui tenir la main, comme je l'entendais, à chaque fois que je le voulais. Je voulais juste vivre tous les jours ce que nous avions vécu pendant cette matinée. Mais j'avais conscience que c'était beaucoup trop tôt.

Parce qu'il y avait ses parents, il y avait ses amis, il y avait Hugo. Parce qu'il y avait cette atmosphère pourrie et nuisible dans laquelle il avait grandit. Parce qu'il y avait ces idées et ces préjugés qui s'étaient implantées dans son esprit. Parce qu'il ne voyait que les détails au lieu de regarder l'ensemble du tableau. Parce qu'il ne voyait, comme une partie de cette société aujourd'hui, que l'image de deux hommes ensemble sans réaliser que ce qui devrait compter avant tout était l'amour qui les unissait.

Je ne voulais pas n'être qu'un détail dans sa vie.

Je pris une grande inspiration et passai enfin les portes de l'université après avoir remonté l'allée d'un pas traînant. Beaucoup d'étudiants étaient déjà présent, formant une foule éparse qui se composait souvent en petits groupes d'amis. Certains se précipitaient déjà en direction de leur salle tandis que d'autres, ambivalents, semblaient encore se demander s'ils allaient au bout de cette journée ou s'ils décidaient de rentrer chez eux.

Je ne mis pas longtemps à repérer deux têtes connues à quelques mètres de moi, dans le couloir de droite. Ce fut Joyce qui me repéra en premier, et son regard posé sur moi dû attirer l'attention de Swann qui tourna la tête à son tour avant de la baisser, comme intimidé, ce qui eut le don de faire redoubler mon stress. Cependant il faudrait bien que j'affronte la situation un jour au l'autre, alors je redressai la tête et les épaules avant de m'avancer vers mes amis.

C'était quitte ou double, je le savais. Soit il essayait, soit m'affronterait à nouveau, faisant de moi son ennemi, décidant de m'ignorer ou de me fuir. Ça ne tenait qu'à lui.

J'arrivai rapidement à leur hauteur. Joyce ne tarda pas à me saluer, déposant un baiser sur ma joue comme elle avait pris l'habitude de le faire, tandis que Swann fixait encore obstinément ses chaussures. J'attendais un signe, un geste, quelque chose qui m'orienterait sur la façon dont je devrais me comporter. J'attendais qu'il se décide. Rester, partir, m'ignorer.

FALLINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant