FALLING

62. Friends

Nda : Les dialogues inscrits en italique dans ce chapitre et le suivant indiquent l'utilisation de la langue française ;)
Bonne lecture !

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"Un ami, un véritable ami, c'est aussi un témoin, quelqu'un dont le regard permet d'évaluer mieux sa propre vie."

Emmanuel Carrère

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Yaël

L'effervescence de la ville, ces voitures qui circulaient autour de nous, certaines klaxonnant, ces piétons pressés qui nous dépassaient, ce brouhaha constant qui nous entourait, cela pouvait être déstabilisant. Je n'y étais presque plus habitué. Oxford était une grande ville mais elle était beaucoup plus calme et n'avait rien à voir avec cette capitale.

Pourtant, ça me plaisait de revenir ici, après presque un an. J'avais peut-être eu du mal à m'adapter lorsque j'avais débarqué ici pour la première fois mais finalement cette ville comptait. Parce que j'y avais passé plusieurs années, parce que j'y avais rencontré des personnes extraordinaires qui avaient illuminé ma vie quand ça n'allait pas, parce que j'étais heureux de les retrouver aujourd'hui. Comme j'étais heureux d'être ici, à Paris, avec Swann et de pouvoir lui faire visiter la ville et le présenter à mes amis.

Alors, même si le brouhaha environnement pouvait paraître trop envahissant et assommant, la main de Swann dans la mienne effaçait tout ça, l'atténuait pour seulement nous laisser dans notre bulle. Sa main dans la mienne m'offrait un ancrage. Comme elle le faisait depuis sept mois, sept mois pendant lesquels elle ne m'avait plus lâché.

Notre année universitaire était désormais terminée et nous n'avions plus qu'à profiter l'un de l'autre. Nous étions début juillet et plusieurs mois s'étaient écoulés depuis que Swann avait été réintégré dans l'équipe, et sept depuis que nous nous étions officiellement mis ensemble.

Pour célébrer ça ainsi que nos vacances bien méritées, je lui avais offert cette surprise, ce voyage à Paris, comme je lui avais promis. Voir son sourire s'illuminer, ses yeux briller, et le voir devenu tout excité comme un gamin devant ses cadeaux de Noël lorsque je lui avais donné les billets pour le voyage avait été un moment hors du temps que je n'oublierais jamais. Il semblait réellement ravi de partir à Paris avec moi. Il semblait réellement heureux. Et il était si beau quand il était heureux.

Et il l'était dernièrement. Il était tout guilleret depuis que nous étions arrivés ici, curieux de tout, pressé de tenir ma main afin de visiter la ville. Son sourire n'avait pas quitté son visage. Même si cela faisait quelques minutes que je le sentais plus fébrile contre moi.

Son sourire s'était fait plus crispé, son corps s'était raidi, ses épaules s'étaient tendues et sa prise sur mes doigts s'étaient resserrée. Il était nerveux, et j'avais très bien compris pourquoi. Si moi j'étais particulièrement excité à l'idée de revoir mes amis, lui, été terriblement angoissé à l'idée de les rencontrer. Il avait peur de leur faire une mauvaise impression, il avait peur qu'ils ne l'aiment pas, il avait peur que leurs avis comptent tellement que j'envisage de revenir sur ma décision. Evidemment, c'était des inepties.

Swann avait ses insécurités, toujours. Même s'il gagnait toujours un peu plus de confiance, s'épanouissant auprès de moi, mais aussi dans sa vie personnelle, il gardait parfois cette part de doutes tournés vers lui, comme s'il se demandait s'il était assez bien, s'il n'était pas en train de décevoir son entourage.

Je suppose que c'était des séquelles qui lui collaient à la peau. Les séquelles d'avoir grandi dans une famille bien trop exigeante, une famille qui, pourtant, n'était jamais satisfaite par ce que vous avez à lui apporter, une famille sous condition et qui vous faisait à chaque fois savoir que vous la déceviez toujours plus. Ce serait des cicatrices toujours présentes, mais il allait mieux, et il apprenait doucement que ce Swann là, celui que nous avions parmi nous, le vrai lui qui s'était dévoilé, était largement suffisant, et une personne incroyable. Il apprenait aussi doucement à vivre sans ses parents.