53. To Heal

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"Les maladies de l'esprit sont plus difficiles à guérir que celles du corps."

Sénèque

♠️♠️♠️

Swann

Quatre jours étaient passés depuis que Yaël m'en avait dit plus sur son passé et sa vie à Paris, quatre jours depuis qu'il m'avait raconté son agression, et quatre jours depuis ce que, moi, j'avais subi des mains de Hugo.

J'avais encore beaucoup de mal à y penser, ou à admettre qu'un garçon qui avait prétendu être mon ami pendant toutes ces années ait pu se retourner contre moi d'une façon aussi brutale. Je n'arrivais pas à réaliser, mais je n'arrivais pas non plus à m'en détacher.

Entendre l'histoire de Yaël m'avait à la fois horrifié et à la fois rassuré. J'avais été heureux que Yaël me fasse assez confiance pour se confier à moi, pour me raconter cette partie de son passé. J'avais été touché mais aussi choqué d'apprendre ce qu'il avait vécu. J'avais été en colère contre ces hommes qui l'avaient si violemment blessé, et je ressentais ce profond sentiment d'injustice, surtout lorsque je savais qu'ils n'avaient jamais été inquiétés pour leur acte. Je ne comprenais pas comment de tels personnes pouvaient s'en prendre à quelqu'un d'aussi gentil et pur que Yaël. Mais je le trouvais fort, Yaël, d'avoir réussi à se relever après ça.

Et son expérience, bien que douloureuse, m'avait permis de me rendre compte que je n'étais pas tout seul. Malheureusement, ce genre d'agression arrivait à beaucoup. Et le fait que Yaël veuille bien partager ce petit bout de lui avec moi m'aidait, parce que je savais qu'il me comprenait, qu'il comprenait ma douleur et qu'il saurait comment me soutenir et m'aider à me sortir de cet empêtrement de souffrance et de pensées obscures.

Cependant, malgré ça, le premier jour, je n'avais pas réussi à quitter le lit, restant plongé dans le noir mais ne parvenant pas à dormir. Les yeux grands ouverts fixés sur le plafond, je restai tétanisé, incapable de penser ou de bouger. Incapable de me lever, incapable d'aller me doucher, incapable d'avaler quoi que ce soit, restant alors le ventre creux, à peine capable de respirer. Inspirer une grande bouffée d'air pour ensuite la recracher me paraissait être un effort surhumain. J'avais l'impression de me noyer. Je me sentais vide, encore plus vide que lorsque j'avais dû faire face au rejet de mes parents. Là, c'était encore différent.

J'étais profondément blessé. J'étais atteint physiquement et psychologiquement, touché au plus profond de mon corps, de mon amour-propre, de ma confiance et de mon âme. Une profonde blessure suintante qui laisserait à jamais une cicatrice invisible.

Je me sentais rabaissé, inutile, moins que rien, minable. De les avoir laissés me faire ça mais aussi, dans une partie enfouie en moi, d'être qui j'étais. Je savais que c'était malsain et que ça ne pourrait me faire que plus de mal encore, mais je ne pouvais pas empêcher cette honte et cette culpabilité de ronger mes entrailles. Peut-être était-ce parce que j'avais honte d'avoir un jour fait confiance à Hugo ? Ou peut-être était-ce bien plus profond que ça ? Peut-être que, en un sens, j'avais l'impression d'être responsable de mon sort. Peut-être que, si j'étais différent, ça ne se serait jamais produit. Peut-être que j'ai fait quelque chose pour les provoquer. Peut-être que j'aurais dû faire davantage profil bas et rester caché. Peut-être qu'ils avaient raison et que je n'étais pas normal. Peut-être l'avais-je mérité.

J'avais conscience que je ne devrais pas penser de cette façon, mais le brouillard qu'était devenu mon esprit ne me permettait pas de raisonner de manière censée. Je savais que ce n'était pas ma faute, mais cette sensation de culpabilité au fond de mon ventre et cachée dans l'obscurité de mon esprit se donnait tant de mal à me prouver le contraire que c'était difficile de ne pas la croire.

FALLINGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant