6 - Perdu dans la tempête

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   Nacarat décolla dans la tempête. Le vent soufflait, soufflait, soufflait, de plus en plus fort chaque seconde, les éclairs zébraient le ciel et illuminaient les lourds nuages noirs.

   L'intégralité des Ailes du Ciel du royaume devait être à l'abri dans des maisons, grottes, palais, postes de garde, à observer anxieusement l'avancée de la tempête. Et quelle magistrale tempête ! Personne à Pyrrhia n'avait vu une telle force dans le vent depuis des dizaines d'années !

   Seul un soldat aux écailles rouges claires et aux reflets rosés bravant la colère des cieux. Il était bien le seul. Même la solide reine Hauteur, qui n'hésitait jamais à sortir qu'il pleuve ou qu'il vente, était restée à l'intérieur en attendant que ça se calme. 

   Si un orage pareil pouvait un jour se calmer...

   Nacarat battait des ailes de plus fort, mais ne parvenait pas à résister aux bourrasques. Il était complètement trempé et n'y voyait pas à deux mètres mais il était déterminé. Il fallait qu'il retrouve sa fille ! Elle n'était pas en sécurité par ce temps, les arbres pouvaient lui tomber dessus, le vent pouvait l'emporter, elle pouvait prendre peur et partir se cacher dans un endroit dangereux... 

   Vautour pourtant avait essayé de raisonner Nacarat. C'était bien la seule, d'ailleurs. Mais le grand Aile du Ciel avait déjà décidé ce qu'il devait faire : protéger Cormoran, coûte que coûte. Même si ça impliquait de traverser tout Pyrrhia, de combattre les pires ennemis, de braver la magie. Ou la pire tempête de l'histoire du Royaume du Ciel.

   Un courant gelé emporta Nacarat encore plus haut. L'Aile du Ciel avait vraiment peur. S'il était frappé par la foudre... Si ses ailes étaient déchiquetées par le vent... S'il se perdait... S'il tombait de cette hauteur... Qu'arriverait-il à Cormoran? 

   Il replia les ailes contre son corps et se laissa tomber. Mieux valait ne pas trop monter. Un doute le prit soudain pendant qu'il tombait comme une pierre. Avait il raté la montagne où sa fille était cachée ? Un éclair fulgurant transperça la couche de nuages, éclairant une seconde un pic plat quelque part devant.

   Nacarat se redressa d'un coup, tentant vainement de redresser ses d'ailes trempées. Cette montagne ! C'était la bonne, il en était certain ! Alors qu'il crut que son heure était (finalement) venue, une bourrasque le heurta de plein fouet, gonflant ses ailes. Bénissant les trois lunes Nacarat réussit à déployer les ailes vers l'avant et se laisser propulser à toute allure dans les nuages sombres. 

- CORMORAN ! hurla l'Aile du Ciel de toute la force de ses poumons. OÙ ES-TU ?!

   Il plongea vers la vallée coincée entre deux morceaux de montagnes gigantesques, loin sous le pic plat. Ici, le vent était moins fort mais le bruit du vent et de la pluie contre les arbres rendait tous cris inutiles.

- CORMORAN !!! retenta Nacarat.

   Peine perdue, il le savait bien. La forêt était impraticable, encore plus par temps de pluie, et la survoler par ce temps était très dangereux. Mais où pouvait-elle être? Était-elle écrasée sous un tronc tombé ? Nacarat sentit son cœur flancher. C'en était trop. Il se laissa tomber et atterrit en catastrophe sur un gros rocher trempé. L'Aile du Ciel se réceptionna mal et glissa jusqu'à terre, les ailes emmêlées dans les pattes. Boueux, faible, désespéré, Nacarat devait s'avouer vaincu. Il leva la tête vers le ciel noir ponctué d'éclairs assourdissants, et se prit une branche dans l'œil.

   Il s'ébroua. Cormoran était perdue pour le moment mais lui était trop exposé. Il lui fallait absolument trouver un abri pour reprendre des forces... Ou il ne passerait pas la nuit.

   Nacarat ne réussit pas à décoller, il se résolut à patauger dans la boue jusqu'au cou pour arriver dans une grotte minuscule. Il s'effondra sur le sol. Quel père minable il était...

   Son esprit et son corps avaient été vaincus par le formidable orage. Mais dès qu'il le pourrait - dès que ses ailes et ses pattes pourraient le porter - il trouverait Cormoran.

   Nacarat se roula en boule sur le sol, brisé.


   Deux jours plus tard -


- Nacarat! Ça va?

   Une dragonne du Ciel orangée aux yeux bruns s'approcha de Nacarat en courant, son armure cliquetant avec elle.

- Tu l'as trouvée ? demanda-t-elle.

   Le grand soldat paraissait détruit. Ses ailes étaient basses, aux bords déchiquetés, ses écailles ternes, son regard éteint et il boitait un peu.

- Non, dit-il simplement. Je l'ai perdue. Pour toujours.

- Tu as pris un immense risque ! cria Vautour. Tu aurais pu être foudroyé vif ! Espèce d'imbécile, tu ne réfléchis donc jamais ?!

   Nacarat la fusilla du regard.

- Tu ne crois pas que j'ai suffisamment de problèmes ? J'ai dû rester deux jours dans cette grotte le temps que la tempête se calme! Deux jours entiers, sans rien manger ! Même pas la place pour m'étirer ! Je veux me reposer maintenant. Alors fiche moi la paix, Vautour. Retourne à ton poste.

   La dragonne serra ses ailes immenses contre elle et pencha la tête, l'air furieux.

- Va signaler ton absence au bureau de régulation, lâcha-t-elle. Je retourne à l'entraînement.

  Vautour fit volte-face et repartit dans le couloir pavé. Nacarat resta planté en plein milieu. Il avait perdu Cormoran. Il avait perdu sa fille. 

   Il avait perdu la fille d'Anguille...



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Image : je sais plus :/

La guerre des Ailes de Pierre : les Royaumes de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant