La guerre des Ailes de Pierre : les Royaumes de Feu

37 - Carreau

   Lazuli avait parcouru tout Pyrrhia, affronté des dizaines d'ennemis, sauvé des dragons, toutes tribus confondues, stoppé la guerre et –

   Il se réveillait toujours à ce moment-là, avant que les reines souriantes ne lui remettent une couronne dorée et le remercient. Mais jamais il n'était resté endormi suffisamment longtemps pour entendre les applaudissements et les hourras de la foule. 

   Détail qui l'énervait au plus haut point...

   Il ouvrit les yeux. Une dragonne le regardait.

- Aaaaah ! hurla Lazuli en sautant sur ses pieds. MAIS qu'est-ce que !

- Bien dormi ? sourit la dragonne, inclinant le cou.

   Elle avait de grands yeux gris sombre et des aigrettes vertes, ainsi que des écailles couleur sable. Et n'avait pas l'air menaçante.

- Hé mais attends ! J'te connais ! T'es Trucmuche, nan ?

- Non ?

    Puis la dragonne éclata de rire, se leva et s'étira.

- Tu as mis plus que le temps nécessaire. 

   Lazuli fixa la dragonne, rassemblant ses souvenirs. Elle l'avait déjà vue il y a un mois, dans le palais de la reine des Ailes de Sable, cette mystérieuse dragonne qui les avait suivis, Calcaire et lui, dans le désert. Que faisait-elle ici ? Voulait-elle se venger ?

- Il est temps de quitter, rassemble celles qui sont tes affaires.

   Sans trop savoir pourquoi, et bien qu'il n'ait rien compris à la phrase, Lazuli décida de lui obéir. Il se retourna et attrapa le sac de feuilles improvisé, et ses quelques vivres à l'intérieur : des fruits en majorité, et un lapin mort. Attacha le sac en travers de son dos et jeta un coup d'œil à la petite grotte. 

   Perdue quelque part dans une montagne surplombant Possible-Ville (il l'avait demandé à un Aile de Nuit qui passait par là), la cave minuscule ne lui avait pas servie longtemps. Juste une nuit, à vrai dire. Mais il l'avait choisie car elle était intéressante : à l'intérieur, il y avait des petits objets de charognards, qui devaient avoir habité ici car une partie du mur était peinte avec un motif de carreaux. Il l'avait trouvée jolie, alors il avait dormi là. Lazuli balaya les cendres de son feu d'hier avec sa queue.

- Mais où va-t-on ? demanda-t-il finalement à Trucmuche (il ne parvenait toujours pas à se souvenir de son nom).

- Résoudre un conflit d'une importance inter-tribu, fit la dragonne de sa voix chantante.

- Et qu'est-ce que vous avez à faire là-dedans ?

- Tout.

   Elle déploya les ailes et sauta de la falaise. Le vent la fit remonter, et elle inclina sa longue queue jusqu'à revenir à la hauteur de Lazuli.

- J'expliquerais l'important en chemin. Viens, nous avons des dragons à sauver.

   L'Aile de Pierre la regarda descendre en spirale vers la vallée, de l'autre côté de la montagne. Pourquoi devrait-il la suivre ? Parce qu'elle l'avait trouvé ? Mais que lui voulait-elle ? Pourquoi était-elle venue le chercher, lui ? Depuis deux jours environ, Lazuli tentait de... 

   Mais que cherchait-il à faire, au juste ? Il n'en savait rien, mais il n'y parvenait pas. Trucmuche lui proposait de venir avec elle pour stopper la guerre, apparemment. Son propre but. Mais de quelle façon ? Fallait-il lui faire confiance ?

   Et voilà que je me mets à réfléchir, pensa Lazuli. C'est pas mon genre. Tout ça me rend fou... QU'EST-CE QUE JE SUIS CENSÉ FAIRE, MILLE RUBIS ?! POURQUOI RIEN N'EST SIMPLE ? Et comment ces Dragonnets du Destin ont pu arrêter une guerre, aussi ? Pourquoi on n'apprend pas ça à l'école ?