Adamante volait, haut dans le ciel. Ses yeux carmins notaient tout ce qui se passait au sol, les lapins qui couraient dans les champs, les feuilles des arbres qui bruissaient dans les forêts, le reflet du soleil sur la mer bleue. L'infime mouvement des pétales de fleurs, les ondes de l'eau, l'écume qui s'écrasait contre les roches.
Et puis son armée, en bas, son armée d'Ailes de Pierre et d'Ailes de Boue. Prêts à mourir pour elle. Prêts à attaquer quand elle leur ferait signe.
Certains soldats la fixaient, cou dressé vers le ciel, elle était seule dans le ciel bleu, et d'ici, rien ni personne ne pouvait la toucher. Elle avait une armure solide, des nerfs d'acier, savait se battre. Personne ne l'avait jamais défiée. Et si Joyau osait un jour, elle serait écrasée sur le sol comme une vulgaire flaque d'eau.
La reine renifla de dédain. Qu'avait-elle fait pour donner naissance à une pareille imbécile ? Superficielle, aucune intelligence politique, pas du tout maline, lâche, sensible et émotive, nulle pour se battre. Son seul atout, c'était sa beauté.
Ridicule.
Adamante vira de l'aile et attrapa un courant chaud. Elle n'avait presque jamais volé de sa vie, les grottes n'étant pas si hautes que ça. Belles et décorées, oui, mais ni grandes ni chaudes. Mais elle s'habituait très vite au grand air.
Pas comme ces soldats, en bas, qui la regardaient passer comme si elle était un ange venu les sauver.
Ce qui était presque le cas, d'ailleurs... Si un jour ils imaginaient sa fille capable de gouverner, ils se trompaient. Elle échouerait lamentablement. Elle seule avait le pouvoir de le faire, la force, le courage, l'autorité. Elle seule pouvait mener son peuple à la victoire.
Adamante fixa à nouveau son regard sur la mer. Elle devait guetter l'armée ennemie, c'était son rôle. Avant-hier elle avait reçu une lettre de menace des Ailes de Mer, qui leur indiquait de régler leurs comptes une fois pour toutes lorsque la première lune serait pleine, ici, dans le Delta des Éclats de Diamant.
Et elle comptait bien les écraser. Son armée, plus celle des Ailes de Boue dans leur milieu naturel ? Contre des dragons grassouillets et ridicules, bons à manger des poissons ? Ils ne couraient pas un grand risque. Et puis au cas-où elle n'avait qu'à envoyer vite fait un messager chez les Ailes de Nuit pour leur demander des renforts.
Adamante aperçut quelque chose bouger dans l'eau. Trop gros pour un dauphin. Un dragon, comprit-elle. Un Aile de Mer.
Elle sourit et fit un geste de la queue. Aussitôt, les guetteurs qui attendaient un signe de sa part, alertèrent les généraux, qui alertèrent les lieutenants, qui alertèrent les soldats, et bientôt tout le monde fut armé et paré au combat. Un autre signe et ils s'envoleraient tous.
Désormais on regardait tous la reine des Ailes de Pierre qui tournoyait dans les cieux, ses yeux rouges tournés vers l'océan.
Tournés vers la victoire.
Elle vit encore le dragon bouger et un museau vert sortit de l'eau, puis replongea aussitôt. Adamante devina qu'il allait prévenir ses supérieurs. Bientôt, ils sortiraient tous... La reine décida de faire semblant de ne rien avoir vu pour ménager l'effet de surprise.
Et comme un seul dragon, les Ailes de Mer jaillirent de l'océan, marée bleue et verte rugissante. Ils avaient tous des lances en corne de narval, des armures noires brillantes, des casques de métal particulièrement affreux.
Adamante n'eut pas besoin de donner l'ordre d'attaquer, la double armée s'était déjà précipitée sur les ennemis. Elle regarda, souriante, le choc, les Ailes de Mer retomber dans les flots et les griffes s'entrechoquer, les flammes et les queues qui détruisaient les armures. Ils gagnaient déjà, comme elle l'avait prévu.
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La guerre des Ailes de Pierre : les Royaumes de Feu
Hayran KurguÀ Pyrrhia, il existe une tribu qui vit depuis toujours dans les grottes: les Ailes de Pierre. Aucune des autres tribus n'a jamais connu leur existence, jusqu'au jour où la reine Adamante décida qu'il était temps pour son peuple de remonter à la surf...