33 - Les trois tours d'or

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   Lazuli était allongé à même le sol, depuis 3 heures, il ne bougeait pas. Ses épines dorsales se soulevaient au rythme de sa respiration, ses yeux fouillaient l'obscurité à la recherche de mouvement, mais il n'y avait rien, pas de lumière, pas de vie, juste les cris.

   Oh, ce n'étaient pas de grands cris. Juste des gémissements de douleur venant des rues, des dragons allongés dans la poussière, dissous par le venin, ensanglantés, Lazuli les imaginait comme cela. Il ne les voyait pas, il ne les avait pas vu, mais...

   Il aurait pu être comme eux, et cette pensée le rendait malade.

   Si Calcaire n'était pas venu le chercher après que l'Aile de Pluie du marché l'ait attaqué, il aurait été pris comme les autres par l'armée camouflée. Les Ailes de Pluie... Lazuli ne les connaissait pas vraiment, mais en des temps très anciens, à l'école, on lui avait appris à différencier les clans.

   Les dragons de la jungle n'avaient pas été présentés de façon méliorative : des paresseux bons à rien, colorés, végétariens, mous, sans force, tout juste bons à faire la sieste au milieu de la forêt.

   Souvent, les professeurs ajoutaient ensuite que eux, Ailes de Pierre et fiers de l'être, étaient des durs à cuire, mais pas des lourdauds marrons comme les Ailes de Boue, ni des combattants sans cervelle comme les Ailes du Ciel, ni des dragons mystérieux et ridicules comme les Ailes de Nuit, ni des romantiques peureux comme les Ailes de Mer, ni des voleurs sans foi ni loi comme les Ailes de Sable, ni des mégalomanes renfermés comme les Ailes de Glace, non, des vrais dragons capables de résister à tout, loyaux et forts.

   Et ensuite, se rappela Lazuli, ils les envoyaient dans les mines. En leur disant que la reine Adamante avait cruellement besoin d'eux pour relever leur glorieux clan qui, on le voyait, n'avait pas besoin des autres pour vivre en paix.

   Mais il se souvenait aussi des têtes tristes, aux professeurs, de leur manque de conviction quand ils disaient ça, en boucle et en boucle, à leurs classes de dragonnets. 

   Ha, ha, ha.

   Tout lui paraissait fade, dans les souterrains, non, tout était fade, gris, dur, râpeux, il n'oublierait jamais le contact blessant de la pierre sur ses écailles, et toute la poussière, la douleur dans sa queue aussi, et la faim, ses poumons remplis de cendre et la vision des trois tours d'or qui s'élevaient au milieu de la plus grande des cavernes.

   Il n'y était jamais entré, dans les trois tours d'or, mais il les haïssait presque autant que les mines. Elles représentaient tout ce qu'il abhorrait, tout ce qui avait gâché sa vie.

   Mais tout était fini, désormais. Au début, il n'y avait pas cru, aux rêves de soleil et de liberté que les messagers lui avaient transmis quand la prétendue malédiction avait été brisée. Il avait attendu, un peu sceptique, sans grand espoir, qu'on vienne chercher les mineurs, mais à la place on leur avait dit de venir se battre. 

   Alors il avait fui, que pouvait-il faire d'autre. Il avait été rattrapé, ça oui, il s'en rappelait... Mais pas par Adamante, mais par la reine des Ailes de Sable. Il avait eu de la chance, sur ce coup-là, d'en avoir réchappé.

   Mais quand il avait vu les Ailes de Nuit, tout s'était éclairé.

   Il y avait bel et bien un soleil derrière la roche, il y avait des dragons derrière les leçons des professeurs, il y avait des familles derrière ce nom, Ailes de Nuit, il y avait de la vie, et ça, oui, Lazuli s'en souviendrait. Pendant ce court temps passé ici, à peine un mois, il avait été plus heureux que jamais.

   Et les Ailes de Pluie étaient comme un nuage noir dans le ciel bleu. Leur venin faisait fondre les espérances de Lazuli, leur détermination à vaincre était comme un trou dans son cœur, leurs yeux pleins de haine comme des diamants brillants.

La guerre des Ailes de Pierre : les Royaumes de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant