34 - Pique

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- Mettez-moi ça là-bas.

   L'Aile de Mer tira le lit d'algues à l'autre bout de la pièce, sous la fenêtre.

- Parfait. Maintenant, allez chercher la plante, s'il-vous-plaît, ordonna sa reine.

   Il repartit et revint bien vite avec un gros pot d'argile décoré de motifs de poissons, avec une grosse plante touffue.

- Je l'aime pas, dit Cormoran en sortant le museau d'un vase poussiéreux. 

- Pourquoi, ma petite plume ? demanda l'Aile du Ciel rose pâle à côté de la reine.

   L'Aile de Mer poussa le pot encore plus loin, écoutant d'une oreille la princesse hybride expliquer à son père comment, selon elle, cette plante puait la marmotte. Il s'arrêta en voyant la reine lui faire un signe.

- Ma fille ne l'aime pas, mettez-là plutôt dans le hall.

   Réprimant un soupir, le serviteur repartit avec le pot et se résigna à descendre trois volées d'escaliers jusqu'au hall avec un pot qui faisait presque son poids – avec une plante puante.

    Dès qu'il partit de la chambre, la reine Anguille posa sa tête sur l'épaule de l'Aile du Ciel.

- Tu m'as tellement manqué, Nacarat... 

- Moi aussi.

   Ils restèrent un instant, à regarder leur fille tenter de décoincer son museau du vase, puis Anguille étira sa longue queue et arracha le vase.

- Pfuuuiiii ! siffla Cormoran. A-a-atchoum !

   Ses longues ailes bleu foncé s'agitèrent puis elle renifla et jeta un regard dédaigneux au vase. Puis elle repartit aussitôt mettre son museau dans un autre récipient.

 - Tu as, heu, prévenu ton mari ? finit par demander Nacarat.

- Calmar ? Je lui ai demandé de venir, répondit la reine avec un léger sourire sur ses écailles bleu-gris sombre.

- Il vaut mieux que je m'en aille... 

- Oh, non. Reste.

   Le dragon soupira mais ne bougea pas. Il ne voyait pas vraiment l'intérêt d'assister à la pire scène du Royaume de Mer, mais tant pis. Après tout peut-être que ce Calmar n'était pas rancunier. Perdre le titre de roi lui était probablement égal, avec un peu de chance. Il n'avait pas déjà viré Cormoran du palais, c'était déjà ça.

   Il entendit alors des bruits de serres dans l'escalier et tendit l'oreille ; quand il était chez les Ailes du Ciel, chez lui, on lui avait appris à différencier les dragons selon leurs sons. Les bruits des aiguillons venimeux, des cornes des Ailes de Glace, des grosses pattes des dragons lourds, des ailes qui s'entrechoquaient, même les couinements des charognards. Rien qu'à entendre le bruit dans le couloir du palais de l'île, il pouvait supposer que le roi Calmar était particulièrement petit et avait des problèmes de poumons – on entendait son souffle saccadé – et avait des bracelets clinquants.  

   Nacarat put vérifier ses suppositions quand il entra dans la pièce. Calmar était vert turquoise, maigre, avec des cornes couvertes d'or fondu. Des bracelets de coquillage sur un fil d'argent, plusieurs par patte, et des griffes joliment recourbées. Il n'avait pas l'air si méchant que ça, remarqua Nacarat, et pas fort du tout.

- Anguille ! haleta-t-il. Qu'est-ce que c'est que ce bazar ? Pourquoi y a-t-il un Aile du Ciel dans le palais ?

- Je te présente le père de Cormoran, dit calmement la reine. Calmar, Nacarat. Nacarat, Calmar.

La guerre des Ailes de Pierre : les Royaumes de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant