18 - Réveil et espoir

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   Nacarat se réveilla lentement, avec l'impression d'avoir de la roche à la place des os. Il avait un terrible mal de tête, ses oreilles tintaient et sa vision était complétement trouble. Il se demanda, dans le brouillard confus de son esprit, s'il retrouverait un jour ses sens.

   Il se retourna sur le dos, les ailes plaquées contre le sol gorgé de sang. Il vit le soleil. Et quelques nuages. Le ciel bleu. Les souvenirs de la bataille lui revinrent d'un coup. Comment le ciel osait être si beau alors que tout le monde était mort !?

   Il tenta de se lever, et après être tombé trois fois et s'aider de ses ailes aux bords déchirés, il parvint à rester debout. Il observa les environs, sa vue commençant à redevenir normale.

   Il y avait des cadavres partout.

   Et l'un d'eux appartenait à Vautour, pensa-t-il, d'un coup. Il fallait le retrouver ! Sinon elle ne réincarnerait jamais en Aile du Ciel... Nacarat savait qu'elle l'aurait souhaité. Mais elle n'avait jamais eu envie de mourir, en fin de compte.

   Le soldat avait presque envie de pleurer.

   Mais il ne pleurerait pas ! C'était indigne de lui. Il se mit à avancer lentement, slalomant entre les cadavres, cherchant des yeux une dragonne orange au crâne défoncé. Nacarat n'avait jamais eu de bonne impression à propos de ces mystérieux dragons sortis des souterrains, qui, apparemment, les espionnaient, mais maintenant... il les haïssait.

   Il vit un Aile de Boue aux ailes arrachées, une Aile du Ciel sans tête, une Aile de Pierre couverte de cicatrices, tant et si bien qu'elle en était morte. Beaucoup de dragons avec des airs horrifiés, des dragons brûlés, et d'autres qui erraient comme Nacarat à la recherche de quelqu'un pour les soigner. L'Aile du Ciel décida de les éviter. Aucun d'entre eux ne faisait partie de sa tribu.

   Il aperçut un corps par dessus un autres, et la teinte des écailles l'attira : c'était bien Vautour qui était là, étalée sur un Aile de Pierre mort. Ironique.

   Après une vingtaine de minutes, il réussit à trainer et pousser le corps jusqu'en haut d'une colline près du champ de bataille. Il se résolut à revenir sept jours plus tard pour brûler le corps. Ainsi, son esprit retournerait au ciel.

   Un peu perdu, l'Aile du Ciel s'assit sur une roche et regarda l'horizon. Il pensa à sa fille, et se sentit coupable: pas une seule fois il n'avait songé à elle avant. Mais bon. Il avait eu d'autres choses pour lui occuper l'esprit. Sauver sa vie, par exemple. 

   Cependant il ne cessait de penser que, s'il avait été un bon père, il aurait risqué sa vie pour retrouver sa fille. Oui, il avait bravé la tempête, mais il ne l'avait pas retrouvé. Et ensuite il n'avait rien fait, à part se ronger les sangs et envoyer une lettre à Anguille.

   Anguille... 

   Il pouvait aller au Royaume de Mer. Il pouvait tenter de retrouver sa fille. Si elle était vraiment partie là-bas, tenter de rejoindre sa mère, il pouvait encore la rattraper ! Il volait bien plus vite que Cormoran, et elle ne savait pas nager. Nacarat déploya les ailes pour s'envoler, mais soudain se rappela d'un détail.

   Cormoran ne savait pas plus que lui où se trouvait le palais des Ailes de Mer. Il y a très longtemps, le palais d'Été avait été brûlé (par les Ailes du Ciel, d'ailleurs) mais c'était il y a plus de 200 ans. Aujourd'hui les Ailes de Mer avaient lu domicile au Palais de l'Île nouvellement reconstruit mais... où se cachait-il ?

   Le soldat réfléchit. Il se trouvait évidemment sur une île, vu son nom. Dans la baie des Milles Ecailles, sûrement. Au nord ? Au sud ? Sous l'eau ? Protégé par une magie animus, comme autrefois ? Ou alors les Ailes de Mer étaient retournés au Palais des Profondeurs. Nacarat commençait à décourager. Mais il voulait tenter quelque chose. Qui ne tente rien n'a rien, pensa-t-il.

   Il ne savait pas où se situaient ces fichus palais cachés, mais il ne voulait pas être un cracheur de fumée ! Il devait essayer de les trouver. Nacarat déploya les ailes pour de bon et s'éleva dans le ciel. Il avait perdu Anguille, Cormoran et Vautour, les trois seules dragonnes qu'il avait aimé de sa vie. Il devait au moins en sauver une.

   Il ferait tout, cette fois, pour sauver sa fille.

La guerre des Ailes de Pierre : les Royaumes de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant