17 - Trois lunes

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- C'est encore loin ?

- Krill, c'est la millième fois que tu me demandes ça... 

   Les deux dragonnets volaient au-dessus de l'eau, longeant la côte pour arriver au Royaume de Nuit. Ils y seraient bientôt, mais Krill commençait à fatiguer. Tranche-Rêve aussi, mais elle ne l'avouerait pas. Krill avait toujours compté sur ses amis, et le départ soudain de Couleuvre et Grêle l'avait choqué : le petit Aile de Mer ne s'en remettait pas.

   La dragonnette de Nuit se devait d'être exemplaire ! Surtout qu'elle amenait chez elle un dragon sans savoir si ses parents accepteraient de le loger... 

   Elle espérait que oui.

- C'est encore loin ?

- Krill ! Arrête de demander ça toutes les minutes.

- J'ai mal aux aiiiiiiiiles... geignit le dragonnet. Avec tout ce que je dois porter... 

- J'ai pris la moitié de tes affaires !

- La moitié... ! C'est à peine le quart !

   Tranche-Rêve soupira. 

- Arrête de parler, je pense que ça ira mieux. 

   Ils continuèrent leur route. Au-dessus de leurs têtes, les nuages s'amoncelaient de plus en plus, cachant les lunes.

- Je pense qu'il va pleuvoir, dit Krill à un moment. Et je ne vois plus les autres élèves Ailes de Nuit qui étaient devant nous.

- Je les vois encore. Mais pas pour longtemps.

   Elle désigna les nuages noirs d'un mouvement de la tête, qui formaient un brouillard opaque devant eux. Allaient-ils être obligés de voler dedans ? Tranche-Rêve aurait préféré éviter. Ce genre de condition de vol la mettait mal à l'aise.

- J'ai senti une goutte ! paniqua Krill.

- Tu es un Aile de Mer, qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu n'aimes pas l'eau ou quoi ?

- Ben, pas trop, avoua le dragonnet bleu-gris.

   L'Aile de Nuit faillit tomber du ciel.

- Quoi ?

- Ne parlons pas trop de ça, tu veux ? Arrêtons de parler, tu l'as toi-même dit... 

   Elle éclata de rire. Mais se tut vite face au regard de son ami. Ce n'était pas une blague, en fait. Il avait vraiment peur de l'eau. Les deux dragonnets continuèrent à voler en silence, droit vers les nuages sombres. Bien vite, ils furent trempé, et Tranche-Rêve se félicita d'avoir placé ses parchemins dans une sacoche sous son ventre, à l'abri.

   Les pensées de la dragonnette divaguèrent vers l'école de la Montagne de Jade. Allait-elle fermer ? Et rouvrir à la fin de... ce qu'il se passait ? Elle ne savait pas exactement quoi. Une sorte de guerre ? Ses parents devaient se faire beaucoup de souci pour elle. Peut-être lui avaient-ils envoyé une lettre qu'elle n'avait pas encore reçu. 

   Elle sourit, battant des ailes avec encore plus de détermination. Quand la reine des Ailes de Pierre lui avait ordonné de revenir chez elle pour prévenir la reine Gardienne, elle n'était pas passée par chez elle. Elle aurait dû. 

- Je crois qu'on arrive, annonça-t-elle au bout d'un long moment. Je vois les tours du palais.

   Krill acquiesça, et ils piquèrent brusquement, alourdis par leurs nombreux sacs, vers la Cité de la Nuit. Tranche-Rêve retint un hurlement : elle détestait piquer. Se ressaisissant, elle se rappela que Krill ne savait pas où elle habitait et se mit à faire du vol plané pour retrouver sa rue.

   Voyons... les jardins royaux étaient là, avec la statue à la gloire de Spectral... l'observatoire astronomique un peu plus loin... le lieu de travail de son père, la forge, juste en dessous d'elle. Donc, si elle prenait la rue Comète, elle arriverait juste dans l'allée des télépathes, puis dans l'impasse Vigilance, où elle habitait.

   Faisant un signe à Krill par dessus la pluie, elle vola jusqu'à chez elle. Arrivée devant la porte elle hésita pendant que Krill atterrissait sur les pavés trempés, glissait, et s'étalait en un SPLOTCH mouillé.

   Fallait-il qu'elle entre comme ça ? Ou qu'elle sonne ? Que dirait-elle à ses parents ? Que c'était la guerre ? Jouerait-elle la dragonnette choquée par le départ de ses amis, ou alors la dragonne déterminée qui s'était enfuie de l'école ? Fallait-il leur raconter vraiment la fuite de Couleuvre at Grêle ? Et Krill ? Comment expliquer sa présence ?

   Elle finit par se résoudre à improviser. Après tout, elle n'était pas sensée être là. Elle ouvrit la porte, Krill sur ses talons.



- Bien sûr qu'il peut rester ! Pas trop longtemps, mais s'il n'a pas de maison, ça ne pose pas de problème... Vous voulez un thé ?

   Krill opina, et Trois-Lunes souffla une flamme sous sa vieille casserole.

- Maman ? demanda Tranche-Rêve. 

- Oui ? lui sourit Trois-Lunes.

- Tu sais que c'est la guerre dehors ?

- Bien sûr. La reine a fait une déclaration hier soir. Elle nous a tout raconté, sur les Ailes de Pierre... Apparemment on va devoir se serrer un peu, des dragons viendront habiter ici.

- Ici... ici ?

- Peut-être.

   La grande dragonne noire aux reflets bleus haussa les épaules.

- Tu sais, ça ne me dérange pas. Ils ont bien besoin d'aide, ces pauvres dragons... Et cette maladie... Je suis prête à en accueillir un ou deux... Il reste une place dans la chambre d'amis, j'imagine que Krill va dormir dans ta chambre.

- Papa est d'accord ? demanda Tranche-Rêve.

- Oui. On a beaucoup discuté de ça, avec les voisins, je pense qu'on est tous d'accord sur le fait d'accueillir des dragons le temps que ça se calme. 

   Trois-Lunes regarda par la fenêtre.

- Ton père ne devrait pas tarder à rentrer. Et le thé est prêt.

   Elle servit aux deux dragonnets une tasse. Tranche-Rêve était perdue dans ses pensées. Accueillir des Ailes de Pierre ? N'était-ce pas un peu dangereux ? Ils avaient déclaré la guerre, après tout... Et les Ailes de Nuit ne les connaissaient pas... Cependant, ils avaient besoin d'aide. Il fallait absolument ramener la paix. 

Et Tranche-Rêve ferait tout pour retrouver Grêle et Couleuvre.



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   Juste deux petites questions pour conclure ce chapitre: qui est votre personnage préféré et pourquoi ? Merci d'avoir lu ! FatalEspoir-

La guerre des Ailes de Pierre : les Royaumes de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant