Une Dernière Vie

41.

Les filles du Harem et nous, on s'aligne. Chacune porte du noir, que du noir. Aucun sourire sur le visage, que des larmes. Je regarde Hind, elle n'a pas dormis. Elle est restée avec son mari et c'est même elle qui l'a lavée. D'énormes cernes couvrent ses yeux fatiguées, son fils Imran et sa fille Hafsa sont près d'elle. Ils pleurent tous.

Les hommes arrivent. Ils passent au milieu avec le corps de Issa. Il est enveloppé d'un drap blanc, le linceul, posée sur une planche en bois. Les hommes le porte sur leurs épaules. Quand il passe devant nous, Hind s'avance et pose sa main tremblante sur son mari. Je m'approche d'elle.

- Sultana... lui dis-je.

Elle me regarde puis recule. Les hommes continuent à marcher avec leur marche lente. Hind les suit du regard, tenant son coeur.

- Issa... chuchote-t-elle.

Je la regarde inquiète puis je la vois, elle s'évanouit devant nous comme hier.

REHAN

Les hommes arrivent et je porte le corps. Il est tellement léger. Je marche avec, vers le cimetière.

Mon ami. Mon compagnon de vie. Il était le mari de ma soeur mais aussi mon frère. Il a rendu ma soeur heureuse, alors je l'étais. Il lui a donné deux magnifiques enfants. Il lui a fait oublier la mort de mon défunt père. Oh que j'aurais aimé qu'on me fasse aussi oublier...

Mais que la mort est étrange. Alors que nous étions heureux, elle est venue, elle a pris cette joie l'enterrant avec elle. L'ange de la Mort était dans la même salle, de nous quatre, il a pris le plus bon.

Mais que peut-il faire ? Il ne désobéit pas comme nous. L'ordre vient du Très-Haut, comment peut-il refuser ? Finalement, la mort est inévitable.

Ça me rappelle l'histoire du Prophète Suleyman (Salomon) qui était assis avec le Ministre et l'ange de la Mort. Une fois que l'ange s'en va, le Ministre partage sa peur avec le Prophète, il lui disait que celui qui était assis lui faisait peur car il le fixait.

Quand il a su que c'était l'ange de la Mort, le Ministre supplie le Prophète Suleyman d'ordonner à un de ses vents de l'emmener au Pays des Indes. C'est ce que Suleyman fait.

Suleyman va voir l'ange et lui demande pourquoi il fixait son Ministre car il a eu peur. L'ange lui confie qu'il était étonné de voir cet homme ici. Il dit qu'il a reçu l'ordre de prendre la vie de cet homme dans le pays des Indes... (ce récit n'est pas considéré comme "authentique".)

Malheur à toi, ô fils d'Adam ! Par quel pouvoir crois-tu pouvoir échapper à la mort alors que la mort elle-même mourra ?

(NB : D'après Anas Ibn Malik (qu'Allah l'agrée), le Prophète (que la prière d'Allah et Son salut soient sur lui) a dit: « La mort sera amenée le jour du jugement sous la forme d'un bélier de couleur noire et blanchâtre et elle sera posée entre le paradis et l'enfer; puis un crieur appellera: Ô les gens du paradis !
Ils diront: Nous voilà Ô Seigneur !
Il sera dit: Reconnaissez vous cela ?
Ils diront: Oui Seigneur, ceci est la mort.
Puis un crieur appellera : Ô les gens du feu !
Ils diront: Nous voilà Ô Seigneur!
Il sera dit: Reconnaissez vous cela ?
Ils diront : Oui Seigneur, ceci est la mort.
Alors elle sera égorgée comme on égorge un mouton et ceux là [les gens du Paradis] seront en sécurité tandis que les espoirs de ceux-là [les gens de l'enfer] seront terminés (2) ».
[Rapporté par Abou Ya'la et authentifié par cheikh Albani dans Sahih Targhib n°3774])

O mon ami, mon frère en Allah, mon frère en Islam, toi, tu n'es pas mort. Tu as été tué. Et je te promets... Je te promets que je trouverais qui t'as fais ça, je lui ferais pire.

ESMAHAN

Les femmes s'en vont, elles emmènent Hind qui s'est évanouie dans sa chambre. Anastasia est la première d'entre elles, en réalité, ça m'étonne qu'elle soit encore en vie. Le poison était destiné à elle et Issa.

Je rentre dans ma chambre, ma servante m'attend impatiemment.

- Sultana, le plan n'a pas entièrement fonctionné. Il a sauvé Anastasia avant sa mort ! Me dit-elle.

- Je le sais, elle devra subir les conséquences. Elle regrettera tellement de ne pas avoir rendu la vie. Tellement... Dis-je.

- Mais qu'est-ce que vous comptez faire Sultana ? Son fils ? Me demande-t-elle.

- Non, son fils sera le mien mais patience... Je la ferais tellement souffrir qu'elle viendra me supplier de la tuer ! Il me faut d'abord réfléchir à un plan, sa finalité sera ma victoire. Dis-je en souriant.

- Vous verrez Sultana, le Sultan ne verra plus que vous. Me dit ma servante.

Je tourne mon dos à elle en souriant. Si seulement elle savait... mon regard se tourne vers une croix sur le sol. Je me baisse vers elle et la prends. Qu'est-ce qu'elle fait là ?

Soudain, une idée me vient en tête. Je me mets à rire seule. Oh, chère Anastasia, prépare toi à creuser ta propre tombe ! Prépare toi !

- Dis, cette Anastasia, n'est-elle pas chrétienne ? Demandais-je.

ANASTASIA

Hind a sa tête posée sur ma cuisse. Je caresse ses cheveux lentement, personne ne peut rentrer dans sa chambre.

- Notre mariage était prêt après le retour de mon père... mais il n'est jamais revenue. On s'est marié un an plus tard... dit-elle la voix brisée.

Elle se tait pendant un instant.

- Sa mort a ouvert d'autres plaies. Son amour empêchait mon coeur de saigner. J'ai l'impression que j'ai perdue une seconde fois ma mère, mon père, mon oncle... et lui. Chuchote-t-elle en pleurant.

Elle se lève et me regarde.

- La seule chose qui me reste de lui sont mes enfants. Dit-elle les larmes aux yeux.

- Sultana... Je sais à quel point tu es triste mais ces temps-ci, prends bien soin de Imran. Il était là, il a vu son père mort à son jeune âge. J'ai peur que ça reste un traumatisme pour lui... lui dis-je.

- Tu as raison, Anastasia. J'ai été tellement perdue dans ma tristesse que je n'ai pas pensée à mon fils. Me dit-elle, attend moi, je vais aller chercher Imran.

Je hoche la tête et la vois partir. Ça me rend un peu triste parce que mon fils, j'ai l'impression qu'il n'est pas le mien. Je lui donne à manger mais souvent il est dans les mains d'autres femmes. Je veux que mon fils grandisse dans mes bras... qu'est-ce que je peux faire ?