Chapitre 4

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Point de vue Kokichi

C'est tellement bête qu'il soit mort. C'était un gars bien. Le seul qui acceptait de rester avec moi malgré tous les mauvais tours que j'ai pu lui jouer, à lui et aux autres. Le seul qui ne me jugeait pas. Le seul qui n'essayait pas de me décoder.

Sans même que je m'en rende compte, je me retrouve tout seul comme un idiot au centre de la pièce. Je ne sais pas pourquoi je continue à venir ici. C'est complètement débile. Peut-être que, inconsciemment, je cherche à me racheter ?

Mais qu'est-ce que je raconte moi ? Ce que j'ai fait est inexcusable. Et je refuse de tenter l'impossible. Peut-être que j'ai, au fond, quelques regrets. Cependant, je refuse de m'excuser pour ce que j'ai fait. Ce serait réduire à néant tout ce pour quoi j'ai travaillé tout ce temps. Et il en est strictement hors de question.

Malgré tout, son absence, je la ressens. Il était pour moi ce qui se rapproche le plus d'un ami. Bien qu'il n'en était pas un. Je ne suis l'ami de personne après tout. Et c'est sûrement mieux ainsi. Être seul n'est pas si mal.

Alors pourquoi ? Oui, pourquoi est-ce que je peux sentir de petites larmes couler le long de mes joues en pensant à ce grand benêt ? Il n'a jamais été rien de plus qu'un pion. Il ne représentait rien pour moi. Rien du tout. Je l'ai sacrifié parce que le moment était arrivé. Non, sacrifié est un mot trop fort. Je m'en suis servi. C'est exactement ce qui s'est passé. Je n'ai rien à ajouter. Je ne l'appréciais pas du tout. Je l'ai vendu juste pour animer un peu ce jeu. Ce jeu dont je sortirai vainqueur par tous les moyens possibles.

Je m'étais juré de ne pas pleurer pour lui. Je l'ai même affirmé haut et fort devant tout le monde que ça ne me faisait strictement rien. Que j'en riais.

Bordel. Je serre les poings. Je suis censé être un menteur, un despote, un leader, une ordure. Pas un pleureur.

- Oma ?

Je sursaute. Qu'est-ce qu'il fout là ? Personne n'est censé venir ici. Comme à chaque fois que quelqu'un meurt, son laboratoire prend la poussière. Ce n'est plus qu'une coquille vide sans son propriétaire.

D'un geste rapide, j'essuie mon visage avant de lui faire face, le sourire aux lèvres.

- Tient, Saihara. Tu voulais refaire une soirée des insectes ? Désolé mais sans Gokuhara, ça va être compliqué.

Il me fixe, perplexe.

- Tu pleurais ?

J'éclate de rire.

- Moi ? Pleurer ?

- Pourtant... Tes yeux sont rouges.

Je me retiens de jurer. Foutu corps qui décide toujours de me trahir au pire moment.

- Tu es un fin observateur. Et que ferais-tu si je te disais que c'est le cas ? Viendrais-tu me prendre dans tes bras pour me consoler mon cher détective ?

A ces mots, il rougit, l'air gêné.

- On ne t'a pas vu de la journée. Et quand je te trouve finalement, tu sembles différent. Il y a de quoi se poser des questions.

Quand je suis seul, je laisse tomber ce masque avec lequel je parais si sûr de moi. Voilà ce qui se passe. Tout simplement. Mais ça, je ne peux pas le dire. A personne. Ce serait comme révéler un de mes points faibles.

- Tu t'inquiètes pour moi ? Que c'est touchant.

Il soupire.

- Pourquoi faut-il qu'à chaque fois que je te parle, tu changes consciemment de sujet de conversation ?

- Peut-être parce que c'est mon but.

Je m'approche de lui. Mais pas autant que d'habitude, je m'en rends compte. Encore ce stupide instinct. Vivement que j'en trouve l'origine pour m'en débarrasser.

- Qu'est-ce que tu as dernièrement ? Tu as changé depuis le procès. Depuis hier soir surtout.

Si seulement je savais.

- Et si je te disais que ce n'est qu'un mensonge de plus, que ferais-tu ?

- Arrête de me renvoyer la balle ainsi à chaque fois.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

Et puis, j'aime beaucoup le faire tourner en bourrique. C'est tellement amusant. Jouer avec les gens est quelque chose de passionnant. Je crois.

- Et que faisais-tu ici ?

- Je me disait que ces insectes pourraient m'être utile par la suite. Tous les pions sont bons à prendre. Même s'ils sont tous petits.

Point de vue Shuichi

Il me fatigue. Quoi que je fasse ou dise, il arrive à s'esquiver. Impossible de tenir une conversation sérieuse avec lui. Impossible de le cerner. Impossible de savoir s'il ment ou non.

- Et toi Saihara, qu'est-ce que tu venais chercher ? Tu penses peut-être que Gokuhara aurait laissé un indice sur le monde extérieur ? Désolé de te décevoir mais je suis le seul être vivant ici capable de vous fournir une réponse.

Je n'en reviens toujours pas de la facilité avec laquelle il en parle. Alors même que l'entomologiste en a été terrifié au point de préférer se sacrifier pour notre bien à tous, selon lui. Jamais je ne pourrais oublier que même son alter ego refusait de nous éclairer. Pour que nous ne sombrions pas dans le désespoir.

- Arrête de rire avec ça, Oma.

Il perd son sourire.

- Je suis sérieux. Moi seul détient cette fameuse vérité que vous recherchez tant.

Après tout ce que nous avons traversé, je ne suis même plus sûr de vouloir la connaitre. Elle est cruelle.

Mais qu'est-ce que je raconte ? A m'entendre, on dirait que j'abandonne. Jamais. Cela reviendrait à oublier ceux qui sont mort en cherchant à sortir ou qui en ont été les victimes. Quel que soit ce monde extérieur, même si c'est l'enfer qui nous attend tous, nous devons savoir. Nous sortirons d'ici. Ensemble. Plus personne ne mourra. Je ne le laisserais pas arriver.

- Bon Saihara, ce n'est pas que je m'ennuie avec toi mais j'ai d'autres projets. Et j'ai pour principe de ne rien révéler avant le clou du spectacle. Considère cela comme ma magie. Seul le résultat final sera visible.

Et sur ces mots, il disparut.

Son comportement m'intrigue énormément. Comme s'il avait décidé de porter un nouveau masque. Ou bien justement, est-il en train de le briser ? Je n'en sais strictement rien.

Je restais un moment encore avant de partir à mon tour. Sans les entrainements nocturnes, mes soirées me semblent vides. J'aimerai tant pouvoir revenir en arrière.

Point de vue Kokichi

Fuis. Fuis loin de lui. Voilà ce que mon esprit n'a pas arrêté de me hurler tout au long de la conversation. Pourtant je ne l'ai pas écouté.

Je rentre dans ma chambre, ferme la porte à clé et me laisse glisser contre celle-ci. Cette confrontation m'a littéralement vidé de toute énergie.

Je fixe ma main. Elle tremble. Et pas qu'un peu.

J'enroule mes bras autour de mes jambes et laisse ma tête retomber dessus. Je ne m'étais pas senti aussi faible depuis bien longtemps. Depuis des années.

Ce détective, pourquoi est-ce que je réagis ainsi à chaque fois que nous nous retrouvons seul à seul ? Il n'est pourtant pas spécialement imposant, que ce soit physiquement ou psychologiquement.

Peut-être est-ce à cause de cette phrase ? C'était la première fois qu'il osait me répondre de la sorte. Jamais encore il n'avait été aussi cassant. Pas même avec Angie lorsqu'elle a monté ce conseil des étudiants alors qu'il était totalement contre.

Le temps où j'étais le leader de DICE me manque. Tous ses membres me manquent. Cette famille me manque. Je ne suis pas fait pour la solitude comme certains pourraient le croire.

En vérité, je crois qu'elle me terrifie.

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