Si Jamais... (Tome 1) ©

Chapitre 74 Cole

« Parce que je suis amoureux de toi », je me rendais parfaitement compte de l'ampleur de mes propos et jamais je n'aurais dit ça à n'importe qui, je le pensais véritablement et il m'avait semblé le meilleur moment pour faire cet aveu.

Les yeux d'Olivia s'écarquillèrent et son souffle se coupa, elle ne savait définitivement pas quoi me répondre. Je connaissais le poids de ces mots et je ne tenais en aucun cas à ce qu'elle se sente obligée de me rendre la pareille si elle ne ressentait pas la même chose. C'était la première fois que je faisais de telles déclarations à une femme, j'avais même cru ne jamais en être capable, pourtant, ces simples mots, qui avaient le pouvoir de changer absolument tout, étaient sortis de ma bouche de la façon la plus naturelle possible.

Alors, sans même y réfléchir deux secondes, avec ma main toujours caressant sa joue, je me penchai sur elle et posai délicatement mes lèvres sur les siennes. J'avais terriblement besoin de la sentir contre moi, de me perdre dans l'intensité de nos baisers, ils étaient pour moi comme un souffle d'air frais.

Ses deux mains se posèrent sur mon torse et glissèrent jusqu'à ma nuque, où elle les plongea dans mes cheveux et intensifia notre étreinte, à mon plus grand bonheur. Sa respiration devint de plus en plus saccadée au fur et à mesure que les secondes passaient, tout comme la mienne. Quant à mon cœur, il battait tellement fort que je n'arrivais même plus à compter les pulsations de ce dernier.

J'avais craint ce moment depuis l'instant où j'avais entamé cette relation secrète avec elle et que je m'étais rendu compte qu'à un moment ou à un autre, Piper finirait bien par revenir. En un premier temps, je n'avais voulu rien dire et peut-être que si elle ne l'avait pas découvert en débarquant au mauvais moment, jamais je ne lui en aurais parlé, mais je me rendais désormais compte que cela aurait été une énorme erreur de ma part. Garder ça pour moi, enfouit à l'intérieur, ça aurait absolument tout ruiné, mais la peur du rejet face à ce genre de situation me paralysait et je n'aurais pas voulu la perdre, même si j'étais conscient que cela aurait été en lui cachant la vérité que ça aurait été le cas.

Ne pas en parler aurait été donner un énorme pouvoir à Piper sur ma vie, couvrir ses méfaits afin de ne pas me sentir plus humilié que je ne l'étais déjà, mais là n'était pas la solution. Avant l'arrivée de Liv, jamais je n'aurais imaginé pouvoir en parler, partager ce fardeau avec quelqu'un d'autre, tout simplement, parce que c'était beaucoup trop délicat et que peu de personnes comprendraient. J'avais été suffisamment déçu par le monde depuis ma plus tendre enfance pour prendre le risque de m'exposer encore une fois, non, je m'y étais catégoriquement refusé.

Pourtant, il suffisait de tomber sur la bonne personne pour abattre ses barrières et commencer véritablement à respirer, à vivre, sans peur d'être jugé ou montré du doigt. Il fallait simplement qu'une seule personne te croit pour que le reste n'ait plus aucune importance.

Je n'étais pas stupide, je savais parfaitement le regard que le monde portait aux hommes victimes d'agressions sexuelles, surtout lorsque les agresseurs étaient des femmes. Leur virilité était remise en doute et on en plaisantait même, comme si le viol était un sujet de comédie. Après tout, pour beaucoup, avoir une érection était un signe de consentement, alors que ce n'était rien d'autre qu'un automatisme du corps. Mais lorsque celui-ci n'obéissait pas à ta tête – celle qui décidait – et était sujet aux stimuli extérieurs, tu te sentais drôlement coupable, parce que tu pensais qu'au fond, tu l'avais voulu et même apprécié. Mais il ne fallait pas se leurrer, c'était l'une des choses les plus humiliantes et salissantes qu'on pouvait faire à un être humain, à un tel point, que tu avais l'impression de ne plus en être un.

Le mal-être interne, ça, on n'en parlait pas, mais vivre avec ce genre de souvenirs, d'expériences, c'était tout simplement horrible, que ce soit pour les femmes ou les hommes, tous âges confondus, tous devaient apprendre à vivre avec le même poids et avec cette culpabilité qui te rongeait de l'intérieur, petit à petit, jusqu'à te consumer complètement. Ne pas en parler empirait les choses, je m'en rendais parfaitement compte désormais.