La nuit tombe sur New York. Une nuit sans nuage où le ciel, peint d'un bleu profond, est étrangement dénué d'étoiles dues aux nombreuses illuminations de Manhattan.
Je me trouve seule, sur le toit d'un des plus hauts buildings sans savoir pourquoi je suis montée là-haut, et reste là, au bord de cette immense tour de béton sans barrière pour me protéger du vide. Contemplant l'espace entre mes pieds et la terre ferme, alors que le vertige devrait me clouer au sol.
Mes yeux restent figés sur le ballet incessant des véhicules et des passants, et je me laisse bercer par le brouhaha ambiant, quand deux mains me sortent de mon état hypnotique en se posant par surprise sur mes épaules sans que cela m'effraie pour autant. La personne frôle mon oreille de ses lèvres pour me murmurer ces mots :
— Tu étais là tout ce temps ?
Mes yeux hagards sont toujours plongés dans le vide lorsque je réponds à la voix masculine:
— Cela dépend depuis combien de temps tu me cherches.
— Une éternité.
— Seulement ? Le temps m'a paru bien plus long cette fois.
Ma remarque est calme, est posée malgré le poids de mes mots.
— Reviens vers moi ou le vide risque de t'emporter une nouvelle fois... dit-il en me serrant dans ses bras.
Je fais demi-tour pour lui faire face et contempler son visage, mais ce dernier est dissimulé dans l'ombre. Je grimace.
— Qui a-t-il ? me demande-t-il.
— Je n'arrive pas à voir deux choses magnifiques qui sont pourtant devant mes yeux.
— Quelle est la première ?
— Les lumières de la ville inondent tellement le ciel qu'elles empêchent la lune et les étoiles de briller.
— Tu veux voir la lune et les étoiles ?
— J'adorerais.
— Alors tu les verras, susurre-t-il avant de lever la main et de claquer des doigts.
Toutes les lumières s'éteignent subitement, laissant place à l'obscurité, avant que le ciel ne s'emplisse alors de milliers d'étoiles scintillantes et d'une lune inhabituellement grande.
— C'est ce que tu désirais ? demande-t-il amoureusement, le visage toujours caché dans l'ombre.
— Oui, sauf qu'il manque encore la chose la plus importante.
Je lui réponds en me rapprochant lentement de lui.
— Tu sais que je ne peux rien te refuser... tu n'as qu'à me le demander.
— Je veux voir ton visage.
Je murmure le cœur au bord des lèvres, attirée par l'idée de rejoindre les siennes.
— Il faut d'abord que tu m'embrasses pour pouvoir l'illuminer.
Ses lèvres frôlent les miennes, avant de... <<musique forte>>
La sonnerie de mon téléphone me fait sauvagement retomber dans la réalité, faisant battre mon cœur bien plus fort qu'il ne battait déjà. Je ne veux pas ouvrir les yeux. Comme si me rendormir pouvait me permettre de reprendre le fil de ce rêve merveilleux.
Ma main tombe instinctivement à l'endroit où se trouve l'objet de mon mépris. J'appuie alors à tâtons deux fois sur l'écran pour répondre et raccrocher immédiatement avant d'enfouir ma tête dans mon oreiller douillet.
— Joyeux anniversaire! hurle la voix de ma meilleure amie dans mon téléphone.
Mauvaise manip. J'ai dû appuyer sur décrocher et hautparleur... Je lui réponds en baillant, la voix étouffée dans mon coussin:
— Merci !
— Je te réveille ? demande-t-elle presque comblée.
— Non je fais un footing à six heures du matin... j'ironise du bout de mes lèvres peinant à articuler.
— Parfait soit en forme pour ce soir, je viens manger chez toi et après on sort.
— Même pas en rêve.
— Pour réaliser ses rêves, il faut savoir faire le premier pas. Ce n'est pas en restant cloitré chez toi un samedi soir, jour de ton vingt-et-unième anniversaire qu'il va t'arriver quelque chose d'excitant, m'assure-t-elle.
— Tu m'as justement arraché d'un rêve qui l'était.
— Intéressant... raconte ! dit-elle de sa voix la plus perverse.
— Hors de question !
Je refuse qu'elle pervertisse mon rêve de son esprit obscène.
— Tu sais, la réalité est encore plus excitante, et ta virginité est bien trop antique. Elle a besoin de mourir sous les coups de reins d'un beau blond musclé.
— Alix !
— Ne fais pas ta prude! J'ai regardé ton historique de fond en comble et je sais que tu mates du porno pour te soulager.
— Qu'est-ce que, quoi ?!
— Oui je te croyais asexuée, ou quelque chose du genre alors comme j'étais inquiète, j'ai voulu vérifier.
— Je t'interdis de fouiller dans mes affaires et tu as dû l'halluciner, car je n'ai jamais regardé du porno!
Cette fille est impossible...
— Ah merde... t'as raison, je crois bien qu'en fait c'était moi... grimace-t-elle, le doigt battant la mesure sur son menton.
— Tu mates du porno dans ma chambre ?
— Oui c'était cette fois où tu étais rentrée tard des cours et je m'emmerdais alors... lâche-t-elle avec une nonchalance déconcertante.
— Alors quoi ?? Non je ne veux pas savoir en fait. T'es pas croyable !
— Toi non plus ma belle. On dirait Raiponce enfermée dans sa tour d'obligation, prisonnière de sa propre personne fuyant tout corps ayant une excroissance de peur de s'y embrocher...
— Je ne suis pas... !
— Tu es lesbienne ? me coupe-t-elle.
— Non ! Enfin pas à ma connaissance...
— Si tu veux essayer, je ne suis pas contre.
— Bye Alix.
— Ça va mamie je plaisante, t'es pas mon style de toute façon, mais avoues que ça t'a...
Je coupe net la conversation sans une once de scrupule. Il est bien trop tôt pour entendre ses conneries de nympho. Et la bonne odeur qui emplit ma chambre nargue mon ventre affamé.
Ma mère a pour coutume de me préparer un petit déjeuner d'anniversaire digne d'un hôtel cinq étoiles. Je me lève, oublie volontairement mon téléphone sur mon lit et me dirige vers la salle de bain.
Une fois mes longs cheveux bruns peignés, je fais couler de l'eau froide dans le creux de mes mains et m'asperge le visage, en me remémorant ce rêve qui aurait pu devenir indécent si Alix ne m'avait pas réveillé. Le comble!
J'aurais pu perdre ma virginité sur ce toit avec cet homme que je ne connaissais même pas, enfin pas "vraiment"... Alors que je m'évertue à la conserver pour l'homme parfait.
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Priceless'Girl
RomanceOriane, jeune fille calme, sérieuse et sans histoire voit sa petite vie si bien rangée s'écrouler le jour où sa meilleure amie décide de lui offrir le pire des cadeaux d'anniversaire. Afin de retrouver une vie normale, elle devra se rendre à New Yo...