Dans le noir -Tarik Andrieu

77

-T'inquiètes mon pote, t'en verra d'autre, assurait Macha

-Mais oui, on va t'aider à en trouver une mieux t'inquiètes, ajoutait Lukas

-J'veux pas une autre là, enfaite j'veux juste pas parler d'ça, grognait Nabil

-Ok alors on parle plus d'ça, soufflait son cousin

Nabil était d'une humeur massacrante depuis un peu plus d'une semaine. Ce qui était compréhensible, certes, mais aucun de nous n'était responsable de ce qui lui arrivait et pourtant, on se reprenait tout dans la gueule. Les garçons avaient été mis au courant de la situation. Pas dans les détails, car Nabil n'avait pas voulu, mais ils savaient que Nélia était partie et qu'elle avait été odieuse, ce qui expliquait que Nabil soit dans cet état là. Alors, depuis qu'ils l'avaient su, les gars défilaient un par un chez Nabil, pour parler avec lui, lui changer les idées, ou même lui proposer des sorties, mais il refusait tout. Il parlait à peine, et quand c'était le cas, il n'était pas très agréable. Tout le monde pouvait le comprendre, c'était la raison pour laquelle personne n'avait encore fait de remarque, mais on commençait à sentir que les nerfs étaient tendus.

Pour fêter la fin de cette semaine qui avait été fort compliquée, surtout pour les deux frères et pour moi, on s'était décidé à faire une petite soirée, juste entre nous, chez Nabil. Puisqu'il refusait de sortir, c'était le seul endroit où on pouvait se réunir et l'avoir avec nous en même temps. Personne ne s'était concerté, mais je crois qu'on espérait tous que cette soirée ferait du bien à Nabil, qui semblait avoir grandement besoin d'aide, bien qu'il essaye de nous persuader du contraire.

Je passais tous les jours chez lui. Pour voire comme il allait, essayer de parler avec lui. Mais j'avais l'impression de parler à un mur à chaque fois que je le voyais, et c'était de pire en pire jour après jour. J'avais aussi la très nette impression que sa consommation ne faisait qu'augmenter, et bien que je me retenais de faire une quelconque remarque pour l'instant compte tenu des circonstances, je n'aimais pas ça du tout. J'avais toujours été contre le fait qu'il reprenne, jugeant ça inconscient et stupide, mais malgré tout, je n'avais jamais vraiment pu y faire quoi que ce soit; il était grand, et parfaitement capable de prendre ses décisions tout seul. Seulement, je voyais son état et surtout sa santé se dégrader de jour en jour, et je détestais voir ça sans être capable de faire quo que ce soit pour l'aider. Je m'étais fait la promesse à moi même de l'aider à se sevrer, ou au moins à réduire considérablement sa consommation, dés qu'il aurait eu le temps de faire son deuil de sa relation avec Nélia et que les choses seraient plus calmes. J'espérais juste que ça arriverai vite, avant qu'il n'aille trop loin et se retrouve obligé de retourner au centre. Je voulais à tout prix éviter ça. Je savais très bien que ça serait la chose de trop, qu'il ne s'en sortirai pas. C'était pourquoi je me devais d'agir et l'aider.

Mais son problème à ce grand fou, était qu'il refusait tout aide, tout contacte, toute discussion. Une des seules phrases que j'avais entendu sortir de sa bouche cette semaine était "bien journée ma reuss, t'as géré", quand je lui avait raconté mon appel avec Nélia. Depuis, c'était à peine si il me disait bonjour quand j'arrivais chez lui. J'avais grandement hâte que cette situation s'arrange, parce que je n'étais pas sûre de pouvoir supporter parler à un mur encore très longtemps. Je le connaissais assez pour savoir ce qu'il pensait. J'étais convaincu que les mots de Nélia lui résonnaient encore dans la tête, et qu'il était toujours sur qu'elle avait dit vrai. Je savais aussi qu'il allait falloir du temps, beaucoup de temps, pour qu'il n'arrive à mettre des mots sur ce qu'il ressentait, afin extérioriser. Mais je savais aussi qu'il ne voulait surtout pas de pitié, venant de personne. On était les mêmes tous les deux sur ce point là, on ne disait pas les choses qui nous pesaient, par peur de la pitié des gens autour de nous, et aussi pour l'imagine qu'on renvoyait.