Dans le noir -Tarik Andrieu

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Déjà une semaine qu'on était au Venezuela chez ma grand mère, et ça avait été de loin la semaine là plus reposante, apaisante et instructive de toute ma vie. J'avais l'impression que chaque anecdote qu'elle me racontait m'inspirait, même plus banales et sans réelles morales. J'adorais cette femme plus que tout, pour sa bienveillance, son humour, son amour, et sa gentillesse sans pareille. Techniquement, je n'avais pas passé beaucoup de temps avec elle depuis le début de ma vie, mais j'avais l'impression de la connaître parfaitement et depuis toujours, comme si je n'avais pas raté grand chose depuis la dernière fois que je l'avais vu.
Elle et Tarik semblaient beaucoup s'apprécier tous les deux, je les avais vu discuté bon nombre de fois, mélangeant le français et l'espagnol pour se faire comprendre au mieux par l'autre, et j'avais été agréablement surprise de le voir apprendre à cuisiner avec elle. Lui qui n'aimait généralement pas être derrière les fourneaux, arrivant à peine à se faire cuire des pâtes, j'espérais qu'il allait retenir ce qu'Abuelita lui avait enseigné et nous refaire ses recettes à la maison.

En parlant de Tarik justement, depuis la veille je le sentais tendu. Nos six premières jours c'étaient pourtant merveilleusement passés, on avait eu aussi des nouvelles des autres qui étaient de retour à Paris et tout allait bien, rien d'embêtant n'était a signaler, ni concernant Nader, ni concernant Nélia, alors je devais admettre que je ne comprenais pas vraiment ce qui le mettait dans cet état. Avant qu'on aille se coucher, je lui avais posé la question, sérieusement intriguée par son état, mais il m'avait juste répondu qu'il était fatigué et qu'il avait besoin de dormir. Sauf que même une fois réveillé après une bonne nuit de douze heures de sommeil, il semblait toujours aussi tendu et ailleurs. J'ignorais si Nabil ou quelqu'un d'autre lui en n'avait dit plus qu'à moi, mais je comptais bien lui poser la question une fois qu'on serait tous les deux seuls, c'est à dire pour le repas du soir. C'était convenu depuis quelques jours déjà, on devait aller manger dans un petit restaurant conseillé par ma grand mère, juste tous les deux pour la soirée. J'espérais juste que pendant les quelques heures avant notre départ, il allait se détendre un peu, histoire que notre soirée ne soit pas tendue.

-Tu veux y aller juste en jean comme ça? me questionnait Tarik alors que je sortais mes affaires

-Bah oui pourquoi?

-J'sais pas c'est un date un peu, t'as pas une robe ou j'sais pas?

-Tu veux que je mette une robe?

-Ouais, j'préfèrerais

-Makeup et coiffure aussi ou je peux y aller comme ça?

-Nan ca c'est bon, t'es bronzée ça fait tout l'taff

Ça oui j'étais bronzée. Je n'avais pas souvenir d'avoir un jour eu la peau aussi foncée de ma vie, bien qu'elle ne soit pas très claire en temps normal. Mais ces deux semaines sous le soleil brûlent du Brésil et cette première semaine au Venezuela m'avaient fait gagner plusieurs teintes, et même moi je me trouvais belle avec cette couleur de peau. Je ne ressentais pas le besoin de me maquiller, le bronzage se suffisait à lui même, et ça m'arrangeait bien si je devais être honnête, j'avais la flemme de me maquiller.
Alors que j'enfilais une robe blanche pour faire ressortir mon bronzage au maximum, j'observais Tarik du coin de l'œil choisir lui aussi ses vêtements avec une minutie jamais vue. Même pour ses sorties publiques il ne portait pas autant d'intention à sa tenue. Je le voyais attraper un jean noir ainsi qu'une chemise blanche, la même qu'il sortait à chaque « grande » occasion.
Si il avait envie qu'on soit bien habillés tous les deux, j'allais faire un effort et sortir une paire de talons, juste histoire de dire que j'aurais fais un effort. S'en me regardant dans le miroir, j'appréciais voir mon reflet bronzé, la couleur de ma robe faisait encore plus ressortir la couleur de ma peau. J'attachais mes cheveux en une haute queue de cheval bien serrée, et appliquais une touche de gloss, juste pour dire que. Un peu de parfum, ma paire de lunettes de soleil et on était prêts à partir.