Confessions sur l'oreiller

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Liam

Putain, elle est là , dans ma chambre. Je l'observe s'activer dans la salle de bain, allongé, les bras croisés derrière la tête, sourire aux lèvres. Je sais que je suis con mais je n'ai jamais été aussi heureux de voir quelqu'un se brosser les dents. Elle est tellement belle, tellement courageuse. Elle est pour moi et j'ai de la chance qu'elle m'ait choisi. Elle, à mes côtés, je suis au paradis.

J'ai guetté ses réactions toute la soirée. Je sentais sa rage intérieure qu'elle a contenu avec beaucoup de maitrise. Sa nonchalance a réussis à tromper Jake et Louis. Maddox, lui, voyait clair dans son jeu, j'en suis sûr. Tim, ce traitre, je n'en sais rien.

Quand je repense à lui, putain ça me fait grave chier. Comment j'ai pu passer à côté. Cette révélation, me fait remettre beaucoup d'évènements passés en perspective. Et si je ne sondais pas si bien les gens que ça ? Bordel ! Je me suis fait berner pendant près de trois ans. Il était mon ami, mon bras droit, j'écoutais souvent ses conseils et parfois je les ai même exécuté. Merde, et si finalement, je m'étais fait tout simplement manipuler, si j'avais été le simple pantin de Sanke. Ça me fout la rage ! J'essaie de recenser tous mes actes qui auraient pu être influencé par Tim et indirectement par Snake. Heureusement, je sais que j'ai toujours gardé mon libre arbitre. Mais quand même !

– T'as l'air énervé.

Ma belle me sort de mes pensées. Debout près du lit, elle détache ses cheveux avant de me rejoindre sous les draps. Je lui réponds, beaucoup moins énervé pour le coup :

– Un peu.

Tournée vers moi, elle pose sa tête sur sa main et m'observe à son tour.

– Mouais. À ta place, je serais folle de rage. Je crois même que je l'aurais buté.

Je m'installe de la même manière, face à elle. Plus de secret, plus de mensonge pas omission, plus de tabou. Je veux que l'on puisse tout se dire.

– J'n'arriverai pas à le tuer, je ne peux pas mais Snake le fera quand il se pointera demain soir ou après demain. Il a en horreur quand un de ses hommes se retrouve dans ce genre de situation. La punition est plutôt sanglante et définitive.

– Mmm, je sais.

Elle ne peut réprimer un frisson quand on parle de Snake. Il doit vraiment la dégouter. Je détaille ses traits quelques instants à l'affût d'un signe de fatigue. Ses yeux ne paraissent pas sur le point de se fermer. Au contraire, elle aussi détaille chaque recoin de mon visage. Le moment est venu.

– Bébé.

– Mmmh ?

– Raconte-moi.

– Quoi ?

– Tout. Je veux tout savoir.

Elle se tourne sur le dos, soupire et regarde mon plafond avec grand intérêt. J'en profite pour activer le volet roulant protégeant mon toit panoramique au dessus de nos têtes. À l'apparition des étoiles, un grand sourire vient s'accrocher à son doux visage.

– J'adore cet appart'.

N'acceptant aucune diversion, j'insiste :

– Tu me racontes ?

L'air s'expulse d'un coup de ses poumons, c'est bon signe. J'entrelace mes doigts aux siens avant de la ramener à moi et de l'entourer de mes bras. Ses yeux ne quittent pas les cieux étoilés.

– OK. Par quoi veux-tu commencer ? 

Pas besoin de réfléchi. Depuis que je connais son identité, je meurs d'en savoir plus.

– Les légendes, elles sont vraies ?

– Certaines, oui.

J'en veux plus, j'attends. Je la vois avaler se salive plusieurs fois comme si elle essayait de faire passer les mots coincés dans sa gorge.

– La plus grande. J'ai bien tué pour le club, j'ai soi-disant sauvé Kane.

– Quand tu étais gamine ?

Elle ne répond pas, sa mâchoire se contracte, je prends ça pour un oui. Ce souvenir ne doit pas être plaisant, en même temps le premier ne l'est jamais alors pour une gamine de quoi huit-neuf ans ! Ça doit être un enfer. Elle n'en dira pas plus sur ce sujet pour ce soir et je comprends.

– J'ai aidé les SoWar qui avaient des embrouilles avec un gang des rues. J'ai joué au cheval de Troie. Tu demandera à Reese, il adore raconter cette histoire.

Je souris au nom de mon nouveau frère.

– J'n'y manquerai pas.

– Je n'ai pas affronté un cartel mexicain.

Elle rit, j'adore ce son.

– Heureusement bébé, parce que c'est quelque chose qui vous poursuit, en général, à vie.

Elle acquiesce d'un hochement de tête et continue d'observer les étoiles.

– J'ai drogué ma mère.

Merde. C'n'est pas une légende. Elle se livre vraiment. Je la serre un peu plus pour l'encourager. Je sens sa poitrine se soulever à un rythme plus soutenue. La musique de son cœur emplit la pièce. Mes lèvres, protectrices, viennent se poser tendrement sur sa tempe. Sa voix n'est plus qu'un filet. Ses yeux partent, ailleurs.

– Pendant trois mois. Je l'ai maintenu au bord du gouffre. Assez droguée pour qu'elle ne se souvienne pas.

Jérémy.

– Ton fils.

– Elle ne devait pas se souvenir les avoir mis au monde.

Une larme coule le long de sa joue.

– Je lui ai injecté sa drogue, elle me disait parfois que j'étais une bonne fille. D'autres fois où elle était un peu plus lucide, elle me demandait pourquoi je faisais ça. Mais ça ne durait jamais, l'appel de sa came était toujours la plus forte et elle oubliait.

Putain, elle avait quatorze ans.

–Jérémy n'était pas en super forme quand il est né mais l'infirmière qui m'a tout appris, m'a apporté ce qu'il fallait pour le langer, le nourrir et l'habiller. Au bout d'une semaine, il allait mieux. Je ne risquais plus de devoir rester à l'hôpital avec lui et il fallait que je le déclare. Kane connait le doc qui a reconnu Jérémy comme étant mon fils biologique mais ce mec m'a mise en garde. "Une mère accouchant par voie basse et encore vierge ça n'existe pas". Il avait peur qu'on découvre le poteau rose avant ma première fois.

Merde. Je ferme les yeux. Sa voix ne trahit plus aucune émotion comme lorsqu'elle m'a raconté pour Jérémy.

– Alors, une fois à la maison, j'ai appelé Juan, un gars sympa de La Muerte qui me tournait autour. J'ai laissé Jérémy à Kane et suis partie avec lui. Je lui ai demandé de me dépuceler. Il l'a fait, c'était doux mais mécanique. Je ne lui ai rien demandé de plus. Il a compris. Il est devenu mon ami.

Ses yeux sont plus qu'humide mais ne débordent pas.

– Je ne pouvais pas risquer de perdre Jérémy pour une si petite chose.

Sa voix se brise sur ses dernières paroles.

– Putain bébé, t'avais que quatorze ans...

Putain de courage.

– ... t'es impressionnante.

Mon ange détache ses yeux du ciel et vient se blottir dans mes bras. Je pense qu'elle pleure alors je fais ce qu'il me semble être la meilleure façon de lui monter mon amour pour elle, lentement, doucement, toute la nuit.

Angel or not... (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant