JULIAN

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Je savais que rien ne serait facile. Mais je ne m'attendais pas à ce degré de difficulté là. Grimper le Mont Everest à côté, me semble bien plus accessible. 

La nuit blanche passé sur le canapé de Clément m'a au moins permis de me la jouer philosophe.

Un cœur n'est pas un vélo. Il ne suffit pas de remonter en selle, pour réussir à aimer de nouveau.  Huit foutues heures pour en arriver à cette conclusion minable.

Le mode d'emploi de cette machine capricieuse a donc bien une date de péremption.

Si  seulement je pouvais acheter sur eBay cette foutue notice...  

Bras croisés derrière la tête, je fixe la porte entrouverte de la chambre de mon pote. Il est exactement 4h35 du mat'. Et l'envie de le sortir du lit commence à sérieusement me démanger. 

Je veux qu'il me parle, bordel !

Un mois à accepter de me transformer en Casper le fantôme, c'est déjà trop. Il voulait du temps, je lui en ai donné. Pourtant, il ne semble toujours pas décidé à vouloir enlever le drap sur ma gueule. J'ai besoin de lui, tout comme je sais qu'il a besoin de moi. Je ne peux pas me permettre de le laisser me filer entre les doigts. Pas lui. Pas mon frère. 

A pas de velours je me dirige vers son jardin d'Eden, près de l'entrée. Le mur peint en bleu nuit aménagé d'étagères en pin, me fait sourire. L'auteur de cette œuvre n'est autre que moi-même

N'a pas des doigts d'or qui veut...

Mes mains caressent la cote des nombreux livres quelque peu poussiéreux. Grand amateur de romances - oui de romances, vous avez bien lu - la place commence à se faire rare. Je prends soudain conscience qu'en cinq ans, aucun livre n'a été ajouté. Ce qui signifie qu'il ne lit plus. Lui qui dévorait quatre livres semaine... Abby, ma petite Abby. Si tu savais comme tu lui manques. Mon pote, pourquoi tant de sacrifices. Pourquoi !

Mon index ripe soudain sur un épais cahier calé entre deux livres de cul. Pardon, de rom-ance. Le plus délicatement possible je le libère de ses compères, et l'ouvre sans savoir si j'en ai le droit. Son écriture je la reconnaitrais entre mille. Ronde et très esthétique. Ce petit con a toujours eu une belle écriture. Mes yeux bien trop curieux engloutissent une première page, puis une deuxième, avant de comprendre. De tout comprendre.  

Nom de dieu! 

— Je peux t'aider peut-être ?

Une voix graveleuse me prend au dépourvu, et me fait lâcher au sol, le butin que j'aurai voulu glisser dans mon calbut pour partir avec. Son air de Pitbull n'annonce rien de bon. Le poing serré sous le nez, il dévisage maintenant sa merveille étalé sur le carrelage noir. Au moment ou je veux le ramasser, il jette un violent coup de pied dedans et l'envoie valser contre la porte en acier noir, avant de fuir à nouveau dans sa satanée chambre.

Oh non mon pote, pas cette fois !   

Tout en glissant ce petit trésor entre mon dos et mon jean, je me dirige à grande enjambée chez la belle au bois dormant. Ses épaules carrées, courbées vers l'avant, me font marquer un temps d'arrêt près de son matelas. Les mains dans les poches de son jogging, posté devant sa fenêtre donnant sur Central Park, il demeure silencieux. Je connais son appartement comme ma poche, pourtant cette pièce semble nouvelle. Blanche, et pour seul meuble, un matelas posé négligemment au sol. Rien d'autre. Absolument rien. Où est passé la couleur rose poudré des murs. La grande bibliothèque en guise de tête de lit. Les guirlandes lumineuses serpentant chacun des recoins. 

Il m'a menti. Mon pote m'a menti sur toute la ligne. 

Quoi que je dise, il niera. Alors je vais faire ce que je me dois de faire. Quitte à trouver une raison supplémentaire à ce qu'il me déteste, je vais le faire quand même. J'aime ce type à en crever et il ne tiens qu'à moi de lui prouver que son âme n'a rien de noir. Absolument rien. 

Un sourire sur les lèvres, je déclare la guerre à son cœur.

— Je t'aime clé, ne l'oublie jamais. 

Avant de passer le seuil, je vois son épaule droite effacé des larmes que je ne verrais jamais. Mais que je sais présente. Une selle pour deux, on réussira mon pote. Je ne te laisserai pas tomber. Jamais. 

Mais avant, il est temps pour moi d'apprendre à tenir en équilibre. Comme un grand garçon.















Au-Delà Des ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant