Au-Delà Des Apparences

JULIAN

Emprunter le ferry pour rejoindre l'île de Staten Island a eu l'effet magique que j'espérais.

Partir, m'éloigner un peu de mon bagage remplit de souvenir, me fait au final plus de bien que je ne l'aurais pensé. 

Depuis cinq ans, je n'ai pas pris un seul jour de vacance loin de mon chez moi. J'aurais dû mais je n'ai jamais pu. Je crois que dans un sens j'avais peur. 

Peur d'abandonner ma femme entre quatre murs. Peur qu'elle réapparaisse et je ne sois pas là pour l'accueillir. Mais maintenant, je sais qu'elle ne reviendra pas.

Besoin de respirer. Juste respirer. Deux jours. Loin de mes démons. Ne plus penser à rien. Mais penser un peu à moi. Juste un peu.

— Julian tu peux m'aider ?

Couché sur l'énorme lit de la chambre trop classe pour me ressembler, je baisse les yeux et observe mon petit bonbon qui est aussi rouge que son short. Le dos recourbé vers l'avant, son cul semble me faire de l'œil en gigotant de droite à gauche.

Saleté de Junior ! Toujours à l'affût ce con !

—Qu'est-ce que tu fous Meghan ?

J'incline légèrement la tête et m'aperçois  que la fermeture de sa valise semble être la cause des coups de sandale qu'elle assène contre le plastique dur.

—Si tes fringues sont aussi en manque de tissus que ton short, alors ta valise a raison de ne pas céder.

Les mains croisées derrière mon crâne, je réprime un rire.

—Julian ! Tu es sérieux ? Pas de soucis. Le mec qui m'a invité à boire un verre et qui se trouve être notre voisin de chambre devrait me donner un coup de main, lui !

Quoi ? Quel mec ?

Ses petites jambes galopent vers la sortie mais le matelas à ressort remplit son rôle à merveille en me faisant rebondir comme je le souhaitais. Avant même qu'elle n'enclenche la poignée de la porte mes  doigts s'enroulent avec fermeté  sur l'un de ses avant-bras.

—Tu ne vas nulle part ''chérie'' !

Elle penche au ralenti son petit minois en direction de ma tronche décomposée et le côté joueuse qui illumine son regard que je connais trop bien, me fait tout d'un coup la relâcher.

—Chérie ? Tu es sérieux Julian ? Je pensais pourtant avoir été clair lorsque j'ai décidé de t'accompagner .

Mais qu'est-ce qu'elle raconte ?

Voyant mes sourcils prêts à faire partie intégrante de ma tignasse elle rajoute :

— Tu dois m'appeler ''ma princesse'', en toute circonstance.

La garce ! Je pensais qu'elle plaisantait !

— Bon allez donne-moi cette putain de valise. Mais je te préviens, pas de frotti frotta avec le mec qui dragouille la femme d'un autre. Ok ?

—Je serais sage, promis. Du moins jusqu'à ce que la nuit tombe...

Quoi ?!

Sa répartie plus qu'affirmée vient de me gifler violemment et son intonation remplie de sarcasme que je jurerais avoir déjà entendu finit par me faire lâcher brusquement son bagage qui finit sa course en m'explosant les pieds.

Putain, je viens de me fracturer les gros orteils !

Et ça la fais rire ? Je danse sur une jambe et ça la fait rire ?!