JULIAN

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Les poings sur les hanches, je ne peux m'empêcher de scruter mon petit bonbon qui est maintenant recroquevillée sur le sofa en cuir noir. Les bras entourant ses jambes fuselées, et le menton posé sur ses genoux, elle semble en pleine réflexion.

Ses cheveux roses ont laissé place à sa couleur naturelle, mêlant des reflets de rouge et de roux. Son carré court a disparu en faveur d'une coupe plus longue. Les petites ondulations qui encadrent son visage fin lui donne un air plus femme. Un air de déjà vu, aussi. Jamais je n'avais fait cette comparaison par le passé, car à part la forme de leurs yeux et de leur bouche, rien d'autre n'était semblable chez elles. 

Plus les années  s'écoulent, et plus Meghan se rapproche du portrait craché de ma femme.

— ça va Julian ?

Merde, elle doit croire que je la mate ouvertement à la façon dont je la dévisage.

— Je... ouai, enfin j'ai pas beaucoup dormi cette nuit. Je suis un peu crevé.

Bien sûre mon pote, elle va te croire avec ton foutu bégaiement !

— Viens t'asseoir à coté de moi, me propose-t-elle avec un large sourire laissant apparaître une belle lignée de dents blanches.

— Je reviens, je vais me chercher un tee-shirt.

Je n'attends pas qu'elle me réponde et me barre dans ma chambre, pratiquement en courant. 

Je referme la porte derrière moi, bascule violemment l'arrière de mon crâne contre le bois épais et tente de retrouver un rythme cardiaque correct. 

Il faut qu'elle se refasse colorer ses cheveux, bordel ! 

J'ai l'impression que ce foutu bon Dieu me provoque.

 Il est hors que question, que je reperde pied.

Allez mon pote !

Je me donne une bonne claque sur chaque joue, et enfile le premier tee-shirt qui me tombe sous la main dans la corbeille de linge posée sur mon lit, avant de décider de la rejoindre.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Elle farfouille dans les placards à vive à allure mais stoppe tout mouvement quand ma voix lui parvient.

— Tu ne fais jamais les courses Julian ?

— Je ne bouffe pas souvent à la maison et mon planning est assez chargé pour tout te dire.

Elle s'avance vers moi d'un pas hésitant  alors que sa tête est penchée vers l'avant. Je la connais trop bien pour savoir qu'elle s'apprête à me demander quelque chose.

Si elle veut que je lui recolore les cheveux, c'est clair que je vais taper le meilleur sprint du monde pour arriver jusqu'au magasin !

Son index vient tapoter mon torse, quand à  son regard, il est toujours rivé vers ses pieds, nus. Je me disais aussi qu'elle avait soudain rétréci. Au moins, à ce niveau-là, elle n'a pas changé.

— J'aurai besoin que tu me rendes un petit service... me lance-t-elle d'un air gêné.

Qu'est- ce que j'avais dit !

J'entoure mes longs bras autour de ses épaules, et la force à me regarder en basculant sa nuque en arrière.

— Si je peux t'aider, je le ferai, Meghan.

— Alors si c'est possible, je voudrais savoir si je peux... habiter chez toi juste un petit mois le temps de trouver un logement.

Quoi ? Pourquoi chez moi ?

Déstabilisé par ses paroles, je fronce les sourcils alors que tout mon corps se raidit. Malgré mon air horrifié, le sourire figé imprimé sur ses lèvres charnues s'élargit de seconde en seconde.

Oh non, mon petit bonbon, je ne t'ai pas encore dit oui !

Je me gratte l'arrière de mon crane, cherchant un possible échappatoire.

— Je n'ai qu'une chambre, tu sais...

— Mais je peux dormir sur le canapé. ça ne me gêne pas. Les lits de camps en Afrique  sont sans aucun doute bien moins confortable que ce moelleux et grandiose sofa tu sais...

Je crois qu'il faut que je m'assois... Et puis, depuis quand elle a réponse à tout ?

J'ai la vague impression d'avoir loupé un épisode.

Je secoue ma caboche en signe de consternation tout en posant mon cul sur un des tabourets, alors que j'essaie tant bien que mal de contre argumenter sa réponse.

— Meghan, pourquoi tu ne vas pas chez ton frère ?

Ok, la question à un million de dollars, la plonge dans une soudaine et longue réflexion.

Elle souffle comme si je la faisais chier, mais finalement abdique.

— Tu sais comment il est avec moi. Sans rajouter que maintenant il est fou furieux . J'ai besoin de sortir quand je veux sans devoir lui rendre de compte. Si j'ai un rencard, ou si je passe la nuit ailleurs, tu sais comment il va réagir.

Non mais dites-moi que je rêve !

— Parce que tu crois qu'en vivant ici  tu ne vas pas devoir me rendre des comptes ? Tu crois que je vais te laisser te faire bouffer par ses hommes de cro-magnons dehors ? Dans tous les cas tes rencarts devront d'abord passer par moi ou par Clément. Rappelle toi le petit séjour que tu as passé à l' hôpital à cause de ce petit merdeux de Jay.

— C'est du passé Julian ! Il faut me laisser faire mes propres choix maintenant ! Je ne veux plus regarder en arrière, je dois avancer ! Pour Charlie, je dois avancer !

Bordel, mais pourquoi elle me crie dessus comme ça ?!

Je ne peux que soupirer face à cette nouvelle Meghan qui se trouve devant moi. Avant son départ, sa timidité et sa tendresse la définissaient à la perfection, mais là, merde ! Elle a déteint sur le caractère de feu de ma Charlie.

— Stop, Meghan. Ok,  j'ai compris. Tu veux t'affirmer, pas de soucis. Mais si tu vis avec moi, je...

— Tu es d'accord alors ?

Et la voilà qui me saute dans les bras comme une gamine. 

— Je ne vais pas te laisser à la rue non plus. Mais je risque de passer un sale quart d'heure avec Clément par ta faute.

Elle se redresse légèrement, pose ses deux mains en coupe sur mon visage, et quand je lis son bonheur dans ses iris presque noirs, c'est tout ce qui m'importe.

— Merci Julian. Je vais appeler Clément tout de suite en espérant qu'il me réponde. Ce soir , je veux fêter mon retour avec vous au ''Coshbing bar''.

Euh, je ne pense pas que ce soit un endroit pour elle là-bas. Strip-teaseuse et serveuses en petites tenues, devant ma Meghan ? Dites-moi que c'est une blague ! 

Devant mon air perplexe, elle me balance dans un fou rire :

— J'ai vingt-deux ans Julian. Ce qui veut dire que j'ai le droit de boire, de m'amuser et de draguer !

Elle me pince le menton en riant et se barre aussitôt en direction de ma piaule, téléphone en main.

Merde ! Mais qui est cette fille ?

Le film l'exorciste me revient soudain en tête, et ça me fout les jetons.

Comment se fait-il qu'en neuf mois elle est éclos de la sorte ?!

Elle paraît tellement plus sûre d'elle tout à coup que ça en est déstabilisant.

Il va falloir cependant établir quelques petites règles de cohabitation.

Tant pis pour toi Junior, plus de balade à poil pour toi entre ses quatre murs.

Putain, je ne sais pas dans quoi je m'embarque, mais je sens que ça ne va pas être de tout repos .





Au-Delà Des ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant