JULIAN

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La sphère de feu qui s'agite au-dessus de nos têtes à cet instant précis, ne réchauffe en rien l'atmosphère glaciale qui domine nos regards. Malgré le chant mélodieux et apaisant des oiseaux perchés sur les nombreuses branches d'arbres du parc verdoyant qui nous enveloppe, aucun de nous deux parvient à ouvrir la bouche.

Le banc en bois qui nous soutient semble fragile et bancal.

Fragile et bancal comme nos êtres.

Sa main toujours emprisonnée dans la mienne, je joue avec ses doigts qui se recouvrent de chairs de poule à chacun de mes passages. Je perçois ses pépites me transpercer, je perçois son afflux sanguin s'agiter mais ce n'est pas pour autant que je trouve le courage de détruire l'espoir que j'ai lu dans ses yeux la nuit dernière.

Le besoin de sentir à nouveau sa peau contre la mienne avant de lui annoncer la sentence que mon cœur m'ordonne n'est pas logique, je le sais.

Mais comme un camé j'ai besoin de m'accorder la douceur de son épiderme, tout comme j'ai besoin de me rappeler sa fragilité déroutante qui nous a fait faillir à tout les deux.

Et qui me fait un bien fou...

Bordel, je ne vais jamais y arriver !

Je dois le faire pour la laisser trouver son propre bonheur qui ne peut en aucun cas se trouver entre mes bras.

Je dois le faire car elle est la seule qui pourrait parvenir à me casser en deux.

Et je dois le faire, car c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour réussir à préserver intact tous mes souvenirs.

Si seulement je pouvais considérer notre écart comme une simple erreur.

Si seulement je pouvais me convaincre qu'elle et moi ce n'était qu'un simple foutu jeu de rôles d'acteur.

Mais putain ce n'est pas le cas !

—Julian, parle-moi s'il te plaît. Ne me laisse pas lire dans tes pensées. Ne laisse pas le silence répondre à ta place.

Rien qu'à sa voix, je sais que les larmes ne sont pas loin. Mais le froussard que je suis continue de dessiner de petites lignes verticales le long de ses phalanges tout en prenant soin d'éviter de me laisser pénétrer dans la douleur naissante de ses deux billes sombres.

Mais ça ne fonctionne pas.

ça ne fonctionne pas, car je tiens trop à elle !

Et le ravin qui se trouvait à deux centimètres de mes pieds vient de m'engloutir sans que je ne puisse l'en empêcher.

Mes paupières pincées à l'extrême, je parviens à relever la tête de façon à sentir l'odeur de caféine qui inonde son souffle. Une odeur qui me fait esquisser un sourire de con. Si la première chose que je fais le matin en me levant c'est pisser, elle, s'est plutôt s'enfiler un bon café bien serré avant de prononcer le moindre petit mot.

—Toi et ton arabica c'est toujours une grande histoire d'amour à ce que je vois, je lance sérieux malgré la tromperie de mes lèvres qui s'animent sans mon accord.

Ce rire. Celui qui s'éveille au moment même où mes yeux rencontrent à nouveau les siens a le don de m'apaiser instantanément.

J'ai beau être un monstre, dans ses pépites j'ai l'impression que la bête que je suis est la plus belle chose qu'elle ait vu dans ce monde.

Comment notre amitié fusionnelle a-t-elle pu dérailler de la sorte?

Comment la femme qui se tient devant moi et qui louche sur ma bouche peut à ce point bouleverser mon plan initial...ma promesse ?!

J'aimerais réussir à détacher mon regard de ce visage angélique et mettre un terme aussi rapidement que possible à cette mascarade.

Oh oui j'aimerai !

Mais quand son petit corps se rapproche du mien et que ses paumes envahissent mes joues, je sais que je suis mort.

Elle me connaît bien trop pour savoir que les tremblements incessants que mon buste ne contrôle pas sont uniquement dus au passage de ses pouces sur mon début de barbe.

Tout comme elle me connaît suffisamment bien pour savoir que son front collé au mien accélère le truc dans ma poitrine.

Elle le sent, je le sais.

Je le sais parce qu'une de ces menottes vient de se poser à l'endroit exact ou pulse ce que je redoutais le plus.

Si seulement je pouvais avoir la capacité de la fille du film ''l'exorciste'' et me retrouver avec la tête dans le dos afin d'ignorer la gouttelette d'eau qui glisse au ralenti sur ses traits...

ça me tord le bide de la voir malheureuse par ma faute. J'ai beau jouer au gros dur, ça n'empêche pas à mes putains de billes vertes de saigner à leur tour. Je commence à voir trouble tellement qu'ils s'emplissent d'eau alors je fais la seule chose qui nous fera du bien à tous les deux.

De mes bras je viens enserrer sa taille et je bascule sa nuque afin qu'elle vienne se réfugier contre mon torse.

Nous nous serrons à l'unisson comme si d'un moment à l'autre nous allions être arrachés à jamais.

Sa crinière rousse valse avec mon souffle erratique alors que son nez s'enfouit avec force dans mon cou comme si sa vie en dépendait.

J'ai besoin d'elle... Tellement besoin d'elle.

Les voix des joggeurs qui piaillaient à travers le circuit en dur n'existent plus.

Il n'y a plus qu'elle et moi.

—Je suis désolé mon petit bonbon. Je me suis comporté comme un con avec toi. Hier soir, je n'aurai jamais dû abuser de ta faiblesse. Tu étais si bouleversé. Si bouleversante que...

—Que quoi Julian ?

Elle vient de me repousser et me fixe énervée, limite près à me foutre une bonne droite.

Je préférerais répondre au creux de son oreille, ça m'éviterait de me sentir... intimidé.

Je crois qu'elle m'aura tout fait celle-la ! Voilà que mon petit bonbon est plus forte que moi à ce jeu.

J'inspire un bon coup en priant le ciel qu'il me vienne en aide en déclenchant un ouragan, mais vu le ciel bleu sans l'ombre d'un nuage, je n'ai plus qu'à délier ma langue et affronter cette nana qui me surprend de plus en plus.

—Tu veux la vérité ? Je n'arrive pas à résister à une nana qui chiale. Tu étais tellement belle, tellement désirable, tellement réceptive que je n'ai pas réussi à tenir bon. Tu m'as allumé et l'obsédé que je suis n'a pas su tenir en laisse sa virilité. Mais toi et moi... toi et moi c'est impossible.

Je ravale la grosse boule qui menace de bloquer ma respiration et je poursuis alors que j'encadre son visage.

Elle ne réagit pas à mon discours, que je lui ai clairement craché avec colère et la suite me terrifie.

—Tu es vraiment merveilleuse mon petit bonbon. Mais je ne suis pas l'homme qu'il te faut.

Aide moi Meghan au lieu de te comporter comme une statuette ! Allez !

Mais au lieu d'exprimer la haine que je voulais tant voir, elle me sourit.

Elle me sourit ? Elle est sérieuse ?

Pour être honnête, je crois que mon foutu cœur vient de se prendre une sacrée raclée.

Sans compter que j'ai l'impression de prendre feu comme si elle venait de réduire à néant la fusion que j'ai cru ressentir au creux de sa poitrine la nuit précédente.

Merde mais qu'est-ce que je raconte ?!

C'est bien moi qui voulait mettre un terme à cette folie non ?

Encore sous le choc qui ne peut que se lire sur mes traits, je ne réagis pas quand elle vient s'asseoir sur mes genoux.

Mais quand elle me balance la phrase de trop les yeux dans les yeux, la déchiqueteuse finit son travail à la perfection.

Au-Delà Des ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant