Au-Delà Des Apparences

JULIAN

Emprunter l' escalier en colimaçon plutôt que l'ascenseur.

Sept étages, où la moquette rouge bordeaux accueillent mes foulées puissantes sans broncher.

Je me fous bien des regards ahuris que je croise à chacun de mes virages maîtrisés à la perfection.

J'avoue même en jouer.

Un petit '' bouh'' murmuré du bout des lèvres suffit amplement à distraire ma connerie jamais rassasiée.

Casper n'a qu'à bien se tenir.

— Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas l'intention d'envahir votre calotte glaciaire, je lance à la volée en faisant référence à la bande de pingouins en costume cravate et aux cheveux gominés à la glue, agrippés à la rambarde de sécurité due à ma prestation à la ''Flash Gordon".

Les grognements sourds que je perçois dans mon dos me font sourire comme un con.

La brume logeait quelques minutes auparavant dans ma putain de cervelle semble partie en fumée.

Trois cents marches englouties en deux minutes chrono.

C'est exactement ce qu'il me fallait pour extirper de mon esprit la peur de perdre mon job.

Espérons juste que le surplus de botox plombant la bouche de Rachel l'a empêché de l'ouvrir sur notre rencontre matinale, disons-le : quelque peu '' houleuse''.

J'aurai dû me canaliser. La laisser parloter et pour une fois me la fermer. Comme si mon image de mari volage n'étant pas suffisante, il a fallu que l'impulsif que je suis me fasse défaut.

Si elle parle...

Je ne veux même pas imaginer.

Perdre le soutien de Stanton foutrait ma carrière d'avocat en l'air.

Une carrière qui m'a sauvé la vie.

Une main plaquée contre le mur en pierre brut ouvrant sur la salle de réception, je reprends mon souffle avant de me décider à passer la double porte vitrée menant à ma sentence.

Avec automatisme, mes yeux coulent en direction du bracelet fait de ficelles noir et blanc sur mon poignet opposé.

Mon porte-bonheur.

Mon petit bonbon si inattendu.

Mon arc-en-ciel, si terrifiant.

Une bulle de bonheur incontestable.

Incontestable, mais si fragile...

Porter à bout de bras l'amoché que je suis n'a pas toujours été tâche facile.

Alors braver l'interdit en assumant pleinement cette relation naissante dénuée de toute morale aux yeux de tous, ça, c'est quasi voué à l'échec.

Demain, quand nous prendrons le chemin du retour, notre bulle prendra fin.

Une parenthèse que je vais tenter de protéger.

Une parenthèse qui sans nul doute prendra du temps à s'épanouir.

Ma petite poupée si surprenante.

Son mètre soixante a fait plier mon mètre quatre-vingt cinq avant même que j'en prenne réellement conscience.

Elle est mon évidence, pourtant le petit diable logé sur mon épaule m'intime de fuir cette barque trouée qui nous mène droit vers la chute.

Une vibration dans la poche de mon jean me sort de ma torpeur. Encore tourmentée, je m'empare de mon portable. Le nom qui s'affiche me provoque aussitôt un haut-le-cœur.