JULIAN

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Le soleil s'éveille en ma présence, et inonde de sa chaleur l'espace de mon bureau. Les yeux clos, j'inspire une grande goulée d'air, le sourire aux lèvres. Comme chaque matin, je suis le premier à investir les lieux. Deux heures de sommeil par nuit couplées à deux cafés bien noirs, rien de plus, pour réussir à enchaîner une journée de quinze heures de boulot.

Un poste d'associé en ligne de mire, je ne me laisse aucune marge d'erreur. 6h30 pétante, mon breuvage magique entre les mains, je m'attaque au premier dossier de la journée. Avocat spécialisé en droit du divorce, je n'aurai pu mieux choisir. Un véritable parc d'attraction, où l'ennui n'est jamais au rendez-vous.

Comme à cette seconde précise.

Sous mes yeux, une série de photos annotées, à la limite de l'indéfendable. Mais ça, c'était avant de croiser mon chemin. La tête penchée, j'inspecte chacun des clichés, afin de préparer au mieux la défense de mon client. Entre mes doigts, l'avant-dernière photo d'une longue série. Accusé d'adultère, cet abruti n'a pas fait les choses à moitié. Et j'aime ça.

Les affaires vouées à l'échec, sont mes petites protégées. Et celle-ci, ne fait pas exception.

En position quatre pattes, un gode enfoncé dans le derrière de mon cher client, rien de bien compromettant à première vue. Mais en y regardant de plus près, à travers le miroir placé au- dessus du lit conjugal, la faute est bien là. Derrière lui, en tenue d'Eve, sa propre belle-sœur. La petite note dans la marge, vient de signer la première difficulté. Mais pas suffisante, pour éviter le fou rire qui me percute de plein fouet. La main sur le ventre, je ris à n'en plus pouvoir. Quand le dernier élément à charge se fraie un chemin sur mes iris au bord des larmes, je suis à deux doigts de me rouler au sol.

Bravo mon pote, tu viens de passer dans mon top 3.

Sous mes yeux exorbités, des échanges de MMS. Mais pas n'importe lesquels.

Voyez-vous où je veux en venir ? Non ?

Eh bien permettez-moi d'éclairer vos lanternes. Cet idiot n'a rien trouvé de mieux que de confondre, "Bibiche" et "Beatrice", au sein son répertoire téléphonique. Son doigts aurait — vraisemblablement — ripé.

Oui, les doigts de mes clients ont souvent cette tendance à riper... ailleurs.

Cinquième fortune mondiale, impossible de laisser passer un si gros morceau. Un coup d'œil sur ma montre bon marché, et je m'accorde mon indispensable pause matinale.

Cinq minutes pour souffler.

Le temps nécessaire, pour extirper de la poche arrière de mon jean, mon précieux calepin en cuir noir. Une autre gorgée de nectar dévalant ma gorge, je relève la ficelle rouge menant à la bonne page. Un crayon en main, je note d'une main tremblante la date d'hier, avant d'ajuster mon chiffre. Passant de 1809 à 1810 conquêtes. Sans risque, je peux affirmer que le compte sera bon, d'ici peu.

Bien avant la date butoir.

Un bip aigu en provenance de mon ordinateur, me presse à refermer mon cahier. Un poids en moins dans la poitrine, je remets précieusement en place mon antidote au chaud. Revigoré, mon Mac sous les yeux, je laisse la longue et familière liste de mails se dérouler. La roulette de la souris sous mes doigts, le tri est fastidieux. La faute à Clément, qui a décidé de prendre sa journée.

Deuxième page en vue, spontanément, la couleur rouge accroche mon regard. Sans perdre une foutue seconde, c'est l'eau à la bouche que mon index clique sur mon futur goûter. Si un court message envahit l' écran, seul le petit trombone attire mon attention.

Allez beauté, montre-moi ta carrosserie.

D'une vive pression, la caverne d'Ali Baba ouvre enfin ses portes. Un geste que je regrette amèrement, à l'instant où un fond de café froid se déverse sur mon entrejambe. Trop confiant, mon gobelet seulement maintenu par mes dents, je n'ai pas vu arriver ce foutu culot. Résultat, mon pantalon noir vient d'en prendre pour son grade. D'un revers de main, j'envoie valdinguer ma tasse à travers la pièce.

La garce...

En rogne, non je ne le suis pas. Bien au contraire. Son impertinence a même le don de me faire sourire. Face au GIF animé, obéir à ma demande, elle n'en a eu que faire. Si la tenue de soubrette est bien présente, l'individu glissé dans ses fringues, a déjà fait fuir Junior.

Mais pas moi. Pas même devant ce ridicule singe, doué en danse orientale. 

Ma décision prise, je ravale ma fierté et retourne sur le message. La tronche collée à deux centimètres de l'écran, je laisse chacun de ses mots se faufiler à travers mon être. Absorber le moindre filament d'information, pour mieux retourner la situation. C'est ainsi que j'ai l'intention de la jouer.

Décortiquer pour la faire tomber.

Et regagner ma fierté en retour.

Ma Jolie, bienvenue dans ma vie...





Au-Delà Des ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant