JULIAN

3.9K 384 12
                                    

 Dix minutes que mes yeux ne cessent de valser entre le rétroviseur intérieur, et la route.

Mon petit bonbon semble ailleurs et légèrement nerveuse.

Assise au centre de la banquette arrière, ses doigts s'engouffrent à plusieurs reprises dans les vagues de ses longs cheveux auburn. Son regard lui, est comme hypnotisé par la petite vitre, où seul la lune  illumine le paysage  plongé dans l'obscurité depuis maintenant quelques heures.

Je ne me suis donc pas trompé sur le fait qu'elle nous cache quelque chose.

Clément m'imite, mais en moins discret. Il tourne carrément la tête en sa direction, et la scrute comme s'il essayait de lire à travers elle. Mais Meghan reste absente et silencieuse.

— Elle est bizarre, on est d'accord ? m'interroge-t- il à messe basse.

Je me contente d'acquiescer tout sourire.

Et voilà que lui aussi ce tripote les cheveux. 

Foutu tic génétique !

— On est deux à veiller sur elle, alors ça va aller mon pote, je balance dans un murmure quasi inaudible.

Je me gare sur le grand parking à peine éclairé, et la musique ''24K magik'' de Bruno Mars qui parvient à nos oreilles, annonce déjà la couleur de la soirée.

Six mois, que je n'ai pas remis les pieds ici pour la simple et bonne raison que je me suis fait virer. J'ai baisé avec une des serveuses dans son vestiaire, jusqu'à ce que je m'aperçoive qu'elle avait apparemment déjà un mec. Et on va dire, qu'il est entré au moment où sa nana était en train de jouir entre mes jambes. Ce petit gringalet, haut comme trois pommes a commencé à me foutre son poing dans la figure. Sauf que mon retour a été deux fois plus puissant.

Son nez n'a pas résisté longtemps. À croire qu'il était fait en pâte à modeler.

Du coup je me suis fait exclure du bar pour une période de quatre mois.

La bâtisse en pierre vieillotte est loin de mettre en avant le côté festif du lieu. Mais lorsque l'on pénètre à l'intérieur, cela n'a plus rien avoir. Le style industriel attire tout de suite l'œil. Les méridiennes rouges et les murs en ardoise mettent en valeur la petite scène surélevée.

Le bar est installé dans un angle sur une petite estrade, avec une multitude de tabourets en bois accolés au comptoir en inox. Et la musique, distribuée par de grosses baffles aux quatre coins de la pièce, fait de cet endroit, un des plus fréquentés le week-end. Une sorte de''before'' avant une éventuelle sortie en boîte de nuit par la suite. Preuve de son succès, il nous a fallu attendre une bonne dizaine de minutes avant qu'une table ne se libère.

Meghan tenait absolument à être au plus près de la petite scène, alors comme nous sommes des mecs ''adorables'', nous avons cédé à son petit caprice.

Quand je vous disais que cette fille savait amadouer son petit monde, je ne vous mentais pas.

Installés confortablement sur la grande banquette, j'observe la pièce immense plongée dans la pénombre, pendant que Clément se chamaille déjà avec sa sœur. De mon côté je ne mets pas longtemps à repérer deux petites  blondinettes qui se frottent l'une à l'autre au rythme de la musique.

Elles me donnent soudain très très chaud. Si seulement je pouvais aller me glisser et m'insérer par la même occasion dans ce duo sensuel...

Bordel ! Saleté d'hormones!

Je soupire devant les courbes parfaites de ses barbies que je ne pourrais pas approcher de la soirée.  L'image de mémé Janine au sourire édenté m'est indispensable pour calmer mes ardeurs sexuelles.

C'est bien Junior. Fait dodo.

Ce soir seul Meghan compte. Après ses longs mois d'absence elle mérite la plus grande attention qui soit.

La main levée en direction d'un serveur, et non d'une serveuse, j'attends qu'il se bouge pour venir prendre notre commande. 

— Bonsoir, qu'est-ce que je peux vous servir ?

Range ton petit sourire à deux balles et concentre-toi sur ton petit calepin au lieu de bouffer du regard ma Meghan !

— Un sex on the beach pour moi, intervient mon petit bonbon avec une petite moue provocante et... sexy ?

Elle se fout de moi ?!

Devant le silence soudain de ''monsieur dragouille'', je relève mon visage en sa direction. Ce con est maintenant appuyé les deux pattes sur la table et continue sans la moindre gêne sa drague à deux balles en lui accordant un clin d'œil bien marqué. 

Sérieux ? il est sérieux ?

— Hé mec, tu es payé à servir et non à mater ! je lance d'une voix ferme et grave.

Voilà qui est mieux bonhomme. Ton calepin, oui, tu peux le regarder.

Il ne répond rien, et il y a plutôt intérêt.

— Au cas où ça t'intéresserait jeune homme, mon pote veut un whisky sans glace, et moi un coca bien bien frais.

— Je... oui, bien, c'est noté.

À peine vingt piges et ce puceau se croit tout permis.

Il remet son petit crayon derrière l'oreille et fuis aussi vite qu'il est arrivé.

Bien mec, tu as fais le bon choix.

Je peux enfin me réinstaller tranquillement comme si de rien n'était sur la grande banquette, jambes écartées, les bras allongés de tous leurs longs sur le dossier. Mais je suis loin d'être aveugle pour sentir que des iris presque noires essaye de percer un trou dans ma tête à force de me fixer. Et le petit coquin que je suis ne peux s'empêcher de tendre à cette chipie un petit rictus victorieux.

— T'es sérieux Julian ?

— Quoi ?

Continuer à faire l'ignorant. C'est parfait.

— Ah, en plus tu fais l'innocent ?

Ok, je crois qu'elle n'est pas très contente. Pas grave, après tout ce n'est pas la première fois.

Et cet imbécile de pote observe la scène totalement hilare.

— Écoute, mon petit bonbon, je...

— Mais arrête de m'appeler comme ça ! Je ne suis plus une gamine, merde ! Si je veux me faire un mec, je n'ai pas besoin de ton approbation !

Clément se redresse comme un piquet, alors que mes billes vertes se sont transformées en soucoupe.

— Pardon soeurette ? tu peux... répéter ?

Vu le froncement de sourcils de Clément, je dirai qu'il est...furieux. Et il n'y a pas que lui !

Elle pousse un long soupir tout en nous dévisageant, tour à tour, l'un après l'autre.

— Écoutez les gars, je n'ai besoin de personne pour s'occuper de moi. Et encore moins de deux gorilles qui me couvent. Vous comprenez ?

— Non ! nous rétorquons en même temps, ce qui l'a fait aussitôt pousser un petit éclat de rire.

— Donc vous ne comprenez pas, c'est bien ça ? Attendez-moi ici, je reviens.

Elle se lève d'un geste franc, et passe devant moi en plantant carrément son cul, moulé  à la perfection par ce jean merdique.

 Mes pupilles sont tellement dilatées par le spectacle qui d'offre à moi, que je me maudis d'aimer ce que je vois.

Le mot obsédé doit clignoter en grosse lettres sur mon front , à l'instant présent.

— Je crois qu'il va falloir faire le tri dans ses fringues, Clément !

Au-Delà Des ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant