Adossé contre la façade du palace à la couleur de l'orage, je tente depuis maintenant deux heures de dompter ce tsunami de bouleversement intérieur.
Courir pour oublier.
Courir pour fuir.
Courir pour semer cette foutue réalité qui persécute ma tête. Mon corps. Mon âme.
Dix kilomètres à galoper comme un cheval fou à travers la ville ensommeillée, qui au final, m'ont plus épuisé qu'apaisé.
Si le marchand de sable a réussi à emporter dans son monde ce petit bout de femme, de mon côté l'insomnie a dominé ma nuit. Attendre que son souffle régulier se fonde sur ma peau pour me délecter de ses traits parfaits, voilà ce qui m'a maintenu éveillé.
Dégager tout en frôlements les quelques mèches folles rousses afin d'imprimer son visage dans ma boîte à image. Énumérer ses minuscules mais précieuses tâches de rousseur réparties sur la cambrure de son petit nez. Caresser de mes yeux attendris le dessin du contour de ses lèvres rougies par mes attaques répétées.
C'était tout ce dont m'intimait ma foutue horloge détraquée, qui à cette minute, n'a toujours pas retrouver un rythme cadencé.
Je n'aurai jamais dû céder à son enveloppe si charnelle qui me supplier de la bouffer.
Je n'aurai jamais dû, et pourtant, ses yeux de biche attendrissant à souhait ont fait exploser ma raison à coups de dynamites.
J'ai aimé sa foutue peau laiteuse contre la mienne. J'ai aimé sa foutue fragilité qui m'a mis K.o en un claquement de doigt. J'ai aimé ses mains envahir chaque parcelle de mon épiderme alors même que ses iris silencieux demandaient mon consentement.
Et putain ! j'ai aimé cette fusion où notre peine s'est foutue le camp, pour laisser place à une forme de liberté au bonheur dont je ne pensais plus jamais possible.
Bordel ! Mais qu'est-ce que je raconte ?!
Perdu. Nous étions bien trop perdus l'un comme l'autre pour ne pas déconner.
Sa peine m'a détruit, ses larmes m'ont consumé.
Et j'ai été un bel imbécile pour céder à cette sorte de passion dévorante et totalement déroutante !
Me barrer de la chambre aussitôt que le jet de la douche s'est enclenché, j'avoue que le lâche en moi a pris le dessus.
Mais j'avais besoin de respirer. Besoin de m'enfuir, loin de cette attraction évidente que je ne peux nier.
Je suis paumé. Totalement paumé...
— Bonjour, monsieur Harper comment allez-vous depuis hier soir ?
Oh non. Pitié pas maintenant.
Un petit corps toujours aussi provocant s'agite sous mes yeux.
Miss cougar...
Malgré la honte qui me submerge, je lui accorde un rictus qui ressemble plus à une grimace qu'à un sourire mais qu'elle semble appréciée vu ses yeux rieurs.
— Bonjour Rachel, je lâche dans un souffle en fixant à nouveau mes baskets qui effectuent des sortes de demi-cercles sur le bitume. Merci pour hier soir, j'ajoute nerveux tout en bifurquant brièvement en direction de ses iris gris-bleu.
A mon grand étonnement, la tendresse que je lis à cet instant sur ses traits, me réconforte. Elle me rappelle ma mère... Bon sauf concernant ses tenues.
— Vous devez me prendre pour un enfoiré n'est-ce pas ? je lance en ancrant mes yeux honteux dans les siens.
Un petit rire passe la barrière de ses lèvres avant qu'elle ne secoue énergiquement son minois .
J'ai l'impression d'être un gosse qui doit confesser sa grosse bêtise à ''Soeur cougar''.
— Enfoiré n'est pas le mot qui vous définirait le mieux.
Je rêve ou l'expression taquine qui se dessine sur son visage plus naturel que jamais, cherche à me faire sourire ?
Le comble, c'est que ça fonctionne. Je ris à m'en faire mal aux cordes vocales.
Mais ce rire, si puissant soit-il, fuit à la seconde même ou ses paumes emprisonnent mes joues.
Je n'ose plus bouger, plus respirer. Sérieuse, limite au bords des larmes, placée seulement à quelques centimètres de ma gueule, elle me balance l'impensable.
— Le jour où vous avez perdu votre femme, j'étais sur les lieux. Je me trouvais sur la terrasse du café. Dos à la route, j'ai seulement entendu le choc, les cris horrifiés. Quand je me suis retournée je vous ai vu, vous, au sol, votre femme dans vos bras. Vous comprendrez que votre visage est resté imprimé dans ma mémoire. Donc non, vous n'êtes pas un enfoiré, Julian.
Le cœur battant, la mâchoire crispée, les yeux trempent, je ne parviens pas à réagir. Je la hais d'en savoir autant sur moi. Tout comme je hais cette sensation de pitié que je ressens à ce moment précis.
Son regard tendre et bienveillant me donne au final plus la gerbe qu'autre chose.
— Je ne veux pas en parler.
Mes iris la fusillent mais cela ne suffit vraisemblablement pas à la faire fuir.
— Le temps sera votre meilleur allié Julian. Ne laissez pas votre peine détruire l'homme que j'ai devant moi. Vous êtes quelqu'un de bien. Il suffit de vous regarder pour savoir que le fardeau que vous portez n'est pas un grain de sel mais plutôt un énorme rocher qui finira par vous écraser de tout son poids si vous ne vous réveillez pas.
Mais de quel droit se permet-elle de me donner des conseils !
De quel droit se permet-elle de me dire d'avancer !
D'un geste brusque j'arrache ses mains de mon visage et bloque ses poignets de mes doigts avant d'exploser.
— Je ne vous autorise pas à me juger ! Je ne suis pas un robot ! Je ne suis pas un foutu pantin sans cervelle ! J'avance contrairement à ce que vous pensez. J'avance mais putain, pas avec la bonne personne ! Vous voulez tout savoir hein ? Eh bien sachez que la femme qui m'accompagne n'est autre que la petite sœur de mon épouse ! Oui vous avez bien compris ! J'ai osé poser ma foutue bouche sur la sienne ! J'ai osé poser mes doigts sur sa peau ! Voilà le connard que je suis ! Et le comble dans tout ça ? c'est que je ne regrette rien ! Si après ça je ne suis pas un putain d'enfoiré alors même l'enfer ne sera suffisant pour me punir comme il se doit ! Avez- vous maintenant le même regard sur moi ? hein Rachel, suis-je toujours une bonne personne ?
Ma rage vient de s'abattre violemment sur cette femme qui au final continue les sourcils froncés à me déstabiliser. Sans attendre je relâche sa peau rougit sous la pression de mes doigts et m'excuse à voix basse avant de prendre le chemin des marches menant à l'entrée de l'hôtel.
Je sais qu'à cet instant, j'ai tout perdu.
Mon job, ma meilleure amie... et mon meilleur pote, qui lui me défoncera quand je lui avouerai mon acte impardonnable.
— Julian...
Non. Pas ce petit soupçon de voix qui hante mon esprit depuis que j'ai quitté cette chambre.
Lentement, très lentement j'ose élever ma tête en direction de ce petit son, qui contre mon gré, continue à faire valser mes pulsations.
Située à deux marches au-dessus de moi, raide comme un piquet, elle semble plus qu'angoissée. Impossible de ne pas loucher sur la magnifique robe longue blanche qu'elle porte et qui lui sied à merveille.
Mais je suis trop en rogne pour lui accorder le moindre compliment. Je me contente simplement de lui tendre la main droite qu'elle saisit aussitôt.
— Viens avec moi. Il faut qu'on discute.
La froideur de mes mots font crisper ses petits doigts entre les miens.
Mais cette fois, je ne fais rien pour tenter de la rassurer.
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Au-Delà Des Apparences
Roman d'amourAvocat au caractère bien trempé, Julian ne lésine pas sur les moyens, quand il s'agit de sa carrière. Un pion après l'autre, il se joue des plus grands. Un appétit insatiable, qui ne se cantonne pas aux salles d'audiences. En quête perpétuelle d'...