MEGHAN / BLANCHE-NEIGE

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Cher journal,

Il y a des moments où nous aimerions arrêter le temps sur un instant précis où le bonheur ne pourrait fuir. Mais à part dans nos rêves les plus fous, je sais que la réalité ne sera point en mesure de nous offrir cette ivresse de plaisir où le côté éphémère n'aurait plus sa place.

Pourtant, j'aurais tellement voulu que cette nuit s'éternise à jamais.

Julian, si tu savais... 

Si tu savais à quel point tu me fais perdre la tête quand ton souffle se mêle au mien, quand tes mains se délectent du moindre centimètre de ma peau, et quand tes deux joyaux verts qui brillent de mille feux, s'ancrent dans la couleur des ténèbres de mes iris.

Ce soir, j'ai ravivé la flamme capable de mettre en lumière ton chemin où l'obscurité a demeuré pendant cinq longues années. Mais j'ai aussi réveillé la douleur que tu avais réussi à enterrer dans un coin de ta tête.

Affronter le passé pour te reconstruire, je pensais que c'était la meilleure chose à faire.

Mais maintenant, je n'en suis plus si sûre...

Voir un vrai sourire irradier chaque trait de ton visage, voir tes failles s'effacer pour laisser place à une sérénité que je ne te connaissais plus, et ton rire... grave, mélodieux, et sans retenue, je n'aurai jamais cru cela possible en seulement deux rendez-vous.

Blanche-Neige a réussi là où j'ai échoué, et je suis limite jalouse de cette femme. Elle est forte, sexy, courageuse et entreprenante, là ou je suis, timide, réservée et plutôt quelconque.

Je suis en train de me brûler les ailes, et j'ai peur.

Peur que l'homme que j'aime tombe amoureux de celle que je ne suis pas, et qui n'existe que dans ce stupide jeu ou je risque de perdre gros.

Quand ses doigts ont commencé à parcourir mon épiderme avec une douceur exquise comme si j'étais fait de cristal, quand sa langue m'a goûté avec passion comme si j'étais un caviar hors de prix, et quand ses lèvres sucrées et pleines ont fusionné avec les miennes, j'ai su qu'il n'y aurait plus de possible retour en arrière.

Sa bouche est un terrain miné où je n'avais nullement l'intention de m'aventurer avant qu'il ne soit prêt, mais dans un instant de faiblesse, c'est lui-même qui est venu effacer cette barrière invisible. Choqué dans un premier temps, j'ai pincé les lèvres, puis je me suis laissé aller, en constatant que sa langue restait absente.

Ce n'était, certes, qu'un simple bisou, mais pour cet homme, la ligne à ne pas franchir se situe exactement à ce niveau-là. Ce simple baiser a effacé l'empreinte de Charlie, et je n'ose même pas imaginer l'état dans lequel se trouve Julian en ce moment même...

Déjà une heure que je suis rentrée et les chutes du Niagara n'ont toujours pas cessées. La flopée de gouttes qui inonde à présent les draps en coton ne m'apaise en rien. Bien au contraire. Ma culpabilité me gagne de minute en minute et si je continue à pleurnicher de la sorte, je suis certaine de finir noyer dans mon propre bain salé, d'ici peu.

Grâce à Rachel, j'ai pu rejoindre l'appartement avant Julian. Il fallait absolument que j'arrive avant lui pour avoir le temps de me démaquiller et de passer à la douche afin de supprimer l'odeur de sexe et de vanille qui émanait de mon corps. Un pneu crevé et je savais que j'aurais une dizaine de minutes avant qu'il ne passe le pas de la porte.

Cette Rachel est une femme en or. Elle me compare beaucoup à sa fille qui vit désormais en France, et quand je lui ai demandé ce petit service, elle m'a glissé son coupe papier sous le nez et m'a lancé : '' pas de soucis petit cœur, je m'occupe de mister pneu''.

Allongée sur le canapé en cuir, emmitouflée dans une petite couverture, Julian n'est toujours pas revenu.

Est-ce si long de changer une roue ?

À moins qu'il ai préféré dormir chez Clément à cause de moi ?

Après la scène de la douche, je peux comprendre qu'il soit légèrement énervé. Et en toute honnêteté je ne sais pas ce qui m'a pris.

Entendre l'eau s'écouler, imaginer ses muscles saillants se contracter grâce à la chaleur du jet, et non à cause de ma propre chaleur corporelle, imaginer son sexe se durcir sous la température excessive, au lieu que mes mains en soient la raison, mes hormones n'ont pu résister à pénétrer dans l'espace restreint où un corps d'Apollon m'a coupé le souffle.

Je ne me lasserai jamais de voir cet homme.

Une carrure qui évoque tout de suite la sécurité, huit carrés de chocolat bien distinct ou ma langue aimerait rester collée de longues heures, des cuisses d'acier ou chaque contraction de muscles suffit à faire frémir les petits poils situés entre mes jambes, et son visage, seigneur, je crois que rien qu'en le dévisageant je serai capable de jouir. Un teint hâlé, des yeux perçants qui hypnotise chaque partie de mon anatomie, des cheveux souples et épais d'un brun parfait, une bouche que je rêverais de dévorer chaque jour qui passe, et cette mâchoire habillée d'une petite barbe de trois jours, a fini par me convaincre que je ne pourrais jamais trouver plus beau phénomène.

Alors, quand il s'est trouvé quasi nu devant moi, je n'ai pas pu m'empêcher de le contempler comme s'il était classé monument historique.

Oh oui il a été surpris que je bave sans m'en cacher, et je l'ai été tout autant que lui !

Pensant sans doute pouvoir me déstabiliser, il a commencé à me tourner autour comme un faucon prêt à attraper sa proie entre ses griffes, mais ma réaction l'a tellement surpris qu'il est allé plus loin.

Je ne sais pas si c'est du désir qui a animé ses pupilles, mais lorsque j'ai senti un début d'érection frôler mon entrejambe, mon nez s'est joué du sien, et sa bouche en guise d'affront, est venu effleurer la mienne. Mes mains rêvaient d'attraper ses fesses avec fougue, mais la peur a eu raison de moi. Dès que j'ai prononcé son prénom, il a ouvert ses beaux yeux et j'ai eu soudain la vague impression de m'être transformé en diable. Il m'a observé avec dégoût, puis m'a tourné le dos, sans un mot.

Je ne veux pas penser que je ne pourrais pas lui plaire.

Je ne ressemble certes, pas à Charlie, et je n'ai pas l'intention de me transformer en elle, pour avoir l'espoir d'obtenir son cœur, mais je vais tenter le tout pour le tout afin qu'il parvienne à se reconcentrer sur ce qui le faisait tant vibrer chez une femme.

Je veux croire que l'amour peut réparer toutes les blessures, même les plus profondes, mais surtout, je veux réussir à le faire passer, outre le fait, que je suis la petite sœur intouchable et interdite.

Au-Delà Des ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant