Mai - 13.

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 Comme il le lui avait promis, Victor tenta de se reposer avant de revenir à l'hôpital. L'interminable tempête de ses émotions l'avait ébranlé et il n'avait pas tardé à sentir une chape de plomb tomber sans pitié sur ses épaules. Lorsqu'il était passé dans la salle de bains pour se rafraîchir, il s'était arrêté un instant devant le miroir. Devant lui se tenait un être abattu par les tourments. Il avait longuement contemplé son reflet bouffi par la tristesse, ses grands yeux noisette perdus, les longs sillons d'amertume brûlant ses joues, son teint livide qui rivalisait avec celui de son petit ami et ses cheveux qui tombaient dans tous les sens sur son front accablé.

Une piteuse tentative de sourire grimaça son visage déjà mutilé par les tourments. Yann avait raison : il avait besoin de se reposer. Le tableau qui s'offrait à lui était pathétique. Dépité, vaincu par le poids de son impuissance, il s'était laissé choir sur son lit. Quelques minutes plus tard, un sommeil sans rêves l'emporta loin de ses tracas...

Quand il se réveilla, un voile flou troublait son regard, un voile qu'il essaya de faire disparaître en clignant des yeux plusieurs fois. Il observa sa chambre plongée dans une semi-obscurité qui faisait danser les ombres. D'un coup sec, Victor se leva, parfaitement réveillé, ouvrit les rideaux de sa chambre pour constater qu'il faisait toujours jour. Le soleil commençait lentement à décliner dans le ciel.

— Et merde ! pesta-t-il. J'ai dormi combien de temps ?

Tout en marmonnant une série d'insultes à son encontre, il s'empara de son téléphone et fila dans la salle de bains pour se changer rapidement. Quand son regard se posa sur l'écran, il resta interdit. Retentissaient dix-neuf heures et la sonnerie de son téléphone pour la cinquième fois. Il porta son portable à l'oreille :

— Ouais ? grommela-t-il.

— Victor ? Enfin ! J'essaie de te joindre depuis tout à l'heure ! Qu'est-ce que tu foutais ?

— Je dormais, Lili. Tout va bien ?

— Il faut que tu te prépares. Vite.

— Pourquoi ? Tout va bien avec Yann ?

— Oui, oui... Mais...

— Mais quoi ?

— Il a fait une nouvelle crise d'angoisse dans l'après-midi.

— Quoi ? Et tu me dis que tout va bien ? cria Victor.

— Eh ! Du calme, ne crie pas. Il va mieux. C'était passager.

— Mais ça s'est passé, grinça Victor.

— Oui.

— Et je n'étais pas là.

— Tu n'as pas à t'en vouloir.

Pas à s'en vouloir ? Victor fulminait. Bien sûr qu'il devait s'en vouloir ! Il n'était pas là, c'était bien suffisant pour faire peser sa responsabilité.

— Je n'étais pas là.

— Victor. Tu ne faisais pas la fête. Tu es rentré pour te reposer parce que tu sais très bien que tu ne peux pas continuer comme ça. Tu ne l'as pas fait que pour toi mais aussi pour lui.

— Et au final, qu'est-ce qui s'est passé ? Il a fait une crise et je n'étais pas là ! Je peux bien prétendre être son petit ami, à quoi ça sert si je ne suis pas là ?

— Tu ne serais pas là pour lui non plus si tu ne prenais pas ce temps pour toi, asséna Pauline.

Même s'ils ne se trouvaient pas dans la même pièce, Victor détourna le regard, sentant sur lui peser l'attention perçante de son amie.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant