Voilà vingt bonnes minutes que Victor attendait, entouré de ces murs à la blancheur impersonnelle. Cette couleur avait toujours prodigieusement énervé le jeune terminale. Il voyait en elle une froideur morbide qui lui glaçait le sang. Et, enfermé dans ce couloir presque vide, il peinait à garder son sang froid.
Il ne cessait de repenser à cette simple phrase de Pauline, cette phrase qui avait fait basculer sa belle soirée en une sorte de cauchemar informe. La fatigue l'étreignait, et on ne pouvait pas dire que les chaises de l'hôpital étaient aussi confortables qu'un lit. Les muscles de son dos le tiraillaient.
Ses jambes, tout aussi nerveuses que le reste de son corps, martelaient le sol rapidement. Mais, même si ce simple mouvement répétitif avait eu le pouvoir de le calmer les premières minutes, l'agitation de ses jambes, ce petit choc qui remontait dans le bas de son dos, l'énerva encore plus, faisant pénétrer ses membres au centre d'un cercle vicieux exigeant de lui toujours plus d'énergie et de mouvements.
Les mots que lui avait glissés Pauline le hantaient, encore et encore. Il jeta un coup d'oeil vers la porte se situant à sa droite. Elle restait désespérément fermée. Un soupir franchit ses lèvres.
Les yeux et le coeur vides, Victor peinait à chasser de son esprit toutes les nuances du regard de Pauline au moment où ils s'étaient rendus à l'hôpital. Il y lisait autant de la peur que de la colère, de la tristesse et de la détermination à s'y rendre le plus vite possible. La fatigue le fit sombrer dans des réflexions s'éparpillant comme les branches d'un arbre.
Étrangement, il se mit à songer à la fin du lycée. Ce n'était vraiment pas le moment. Mais en pensant à son école, aux étendues d'herbe couvrant la cour, aux bancs chargés de neige en hiver et si réconfortants après trois tours de piste en cours de sport, aux bâtiments de trois étages offrant leur ombre protectrice aux élèves lorsque l'été pointait le bout de son nez chaleureux, ou même aux grilles devant lesquelles le cycle des amours adolescentes se déroulait entre premiers baisers et premières larmes, une profonde nostalgie anticipée lui vrilla les tripes. Il ne l'avait pas quitté, ce lycée, qu'il le regrettait déjà.
Victor inspira longuement, gorgeant ses poumons d'un air chaud, en observant les murs de l'hôpital, qui lui rappelaient vaguement ceux du lycée. Au premier étage, ils avaient la même peinture, hideuse, variant entre blanc cadavérique et jaune poussin devant finir dans un fast-food entre quelques frites froides et molles.
Le brun poussa un soupir en évitant un haut-le-coeur qui l'empoigna soudainement. Surtout, il ne fallait pas qu'il rende sa soirée sur le carrelage. En urgences pédiatriques, ce n'était franchement pas conseillé.
Pour éviter ce petit incident, puisqu'il pensait au personnel qui devrait nettoyer ses verres de trop, il se concentra sur son téléphone. Il n'arrivait pas à décrocher son regard des messages que Yann et lui venaient de s'envoyer.
Il releva la tête et réprima une grimace. En face de lui, une petite fille, peut-être âgée de huit ou neuf ans, s'afférait à remplir de vie une feuille vierge de dessins, à côté d'un homme, probablement son grand-père. Un petit sourire ornait ses fines lèvres.
Victor s'affaissa dans sa chaise et tendit les jambes. Il leva le menton vers le plafond, quant à lui recouvert d'un blanc plus terne que ceux des murs. Il lui était inutile d'aller chercher un miroir pour savoir que ses yeux cernés brillaient de fatigue.
— Je déteste l'hôpital, se contenta-t-il de souffler doucement pour que personne ne l'entende, en se grattant les genoux.
Il n'arrivait pas à se débarrasser d'une idée sombre : et si les docteurs ne stabilisaient pas l'état de Martin ? S'ils ne parvenaient pas à le sauver ? Cette insupportable possibilité lui tordait l'estomac avec une extrême violence, et il avait toutes les peines du monde à la calmer.
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Lie tes ratures
Teen Fiction"Montre-moi toute la grandeur de ton amour." Victor, à dix-sept ans, est follement amoureux de son camarade de classe, Yann. Cependant, il ne le lui a jamais dit. Il est resté silencieux pendant plus de deux ans, continuant à rallumer de temps en te...