Février - 2.

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Bien qu'ayant totalement entendu ce que Yann avait murmuré, Victor ne fit aucun commentaire. Cependant, la phrase ne cessa de tourner en boucle dans son esprit, comme une sorte de formule magique. Cette simple question n'était certainement pas innocente. Yann ne posait jamais de questions innocentes. Toutes ses interrogations s'avéraient bien souvent révélatrices. En l'occurrence, le brun commença à douter sur la supposée ignorance du blond vis-à-vis des sentiments qu'il éprouvait.

Un tourbillon de questions traversa son esprit pendant qu'ils marchaient, soumis au zéphyr glacé de la ville. De la buée s'échappait de leurs lèvres, formant des nuages brumeux et éthérés qui s'estompaient et se dispersaient aussi vite qu'ils étaient apparus. Victor jeta un regard en biais à son camarade, qui, la tête baissée sur son téléphone, ne le voyait pas. N'auraient-ils pas pu parler au sein de l'établissement, dans un coin reculé ? C'était très certainement faisable !

Cette simple idée mit Victor dans des conditions peu favorables pour aborder la suite des événements. Il détestait... non, il haïssait la caresse mordante de l'hiver. Alors, marcher en ville dans le froid, alors que la nuit commençait déjà à s'imposer, ça ne lui plaisait absolument pas. Ce qui étonnait Victor, en revanche, c'était le visage crispé de son ami, qui mettait une main inutile devant son cou pour resserrer son col et son écharpe.

— Il fait vraiment trop froid, grommela Victor.

— Ouais. C'est l'hiver, peut-être, mais à ce niveau-là, c'est du n'importe quoi.

Yann laissa échapper un soupir désabusé. Victor, essayant de voir le positif, apprécia le fait qu'ils détestent tous les deux cette saison. Depuis deux ans, le brun essayait de trouver les points communs qui les liaient, sans vraiment de succès. Malgré sa popularité, on comptait sur les doigts d'une main les lycéens qui avaient des informations personnelles sur Yann. Exceptés sa date de naissance et le métier de son père, personne ne connaissait vraiment le blond.

Bien malgré lui, Victor laissa un ricanement lui échapper, ce qui attira l'attention de son ami :

— Qu'est-ce qui te fait rire ?

— Rien... Je trouve juste amusant qu'on déteste tous les deux l'hiver.

Yann haussa les épaules, l'air de ne pas comprendre la raison du rire de Victor.

Le voyage se poursuivit dans un silence presque troublant, irréel. Le vent soufflait tranquillement. Les rues étaient éclairées de néons qui diffusaient une lumière blanche artificielle. Les gens se pressaient, bien emmitouflés dans leur manteau de laine, couverts de la tête aux pieds. Quelques badauds posèrent leurs yeux sur le duo, mais aucun des deux ne s'en formalisa.

C'était peut-être stupide, hyperbolique même, comme le dirait leur professeur de littérature, mais le coeur de Victor gonflait d'orgueil et de bonheur à la simple idée d'avancer aux côtés de celui qu'il aimait. Une impression de toute-puissance angoissante le submergeait dans des flots inconnus.

Après de longues minutes à parcourir des rues et ruelles presques désertes, les deux amis s'arrêtèrent devant un établissement un peu à part, excentré des autres. Victor dévisagea le blond quand il se rendit compte que ce dernier souriait. Quelque chose dans le regard de Yann brillait d'une lueur étrange, un peu particulière. D'un côté, ses prunelles reflétaient l'innocence et l'émerveillement d'une première découverte du lieu ; de l'autre, cet établissement semblait dégager quelque chose d'incroyablement fort qui s'observait dans ses iris.

La façade n'avait pourtant rien d'extraordinaire, excepté le fait qu'il s'agisse d'un café à l'apparence nouvelle, fraîche. Une odeur de peinture se dégageait de l'entrée, signe que cette dernière avait été refaite récemment. Les portes vitrées portaient fièrement des fiches où étaient indiqués les prix des boissons et autres sandwichs servis le midi. De toute évidence, c'était un lieu assez fréquenté.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant