— Viens avec moi.
Victor releva la tête, surpris. Devant lui, Yann le regardait d'un air déterminé. Ses yeux émeraude le fixaient avec l'intensité que le jeune homme lui connaissait. Campé à sa table, le lycéen attendait patiemment que Victor lui réponde. Ce dernier jeta un coup d'oeil à la fenêtre.
Le ciel s'était paré d'un manteau grisonnant et moutonneux, tel que le mois de février en offrait quotidiennement. Derrière la fenêtre, il devinait que le vent soufflait fort au vu des branches nues qui dansaient follement. Mais les arbres ne l'intéressaient pas. Non, celui qui l'intéressait, l'objet de ses désirs les plus fous, venait de lui adresser la parole de sa tendre voix grave.
Pour Victor, la surprise était totale. Les deux adolescents se connaissaient depuis maintenant plus de deux ans. Et pourtant, il n'arrivait pas à décider s'ils étaient ne serait-ce que copains. Hormis pour des cours de maths un peu plus compliqués que d'habitude et pour un exposé en anglais, jamais ils n'avaient discuté réellement ensemble. De vulgaires collègues, voilà ce qu'ils étaient en réalité.
Et cette réalité apparaissait au brun comme étant insupportable, parce qu'il avait eu le malheur de tomber amoureux d'un seul coup de son collègue, comme il se plaisait à l'appeler pour créer cette distance ridicule dont nécessitent tous les amoureux frustrés. Tomber amoureux lui semblait d'ailleurs très inférieur à son sentiment réel, puissant, obsessionnel. La chute fut longue, le choc, douloureux.
Plongé dans son manuel d'histoire, il n'avait pas entendu le blond s'approcher.
— Il faut que je te parle, insista Yann devant l'air hébété du brun.
— Ah... Bah... Je t'écoute. Tu veux me dire quoi ? demanda Victor en tentant d'adopter une attitude décontractée.
Son interlocuteur prit une moue songeuse et une pointe de soupçons commença à émerger de ses prunelles. Victor se mit à paniquer. Yann était-il au courant de son amour ? Non. Impossible, à moins que cette peste de Doriane ne lui ait dit ! Ce serait bien son genre, tiens !
— J'aimerais éviter de t'en parler au lycée, répondit-il. Des oreilles gênantes peuvent traîner, si tu vois ce que je veux dire.
Bien sûr que Victor savait de quoi il parlait ! Le lycée était le royaume des potins, le lieu où tous les murs avaient des visages indiscrets : des oreilles pour écouter, des yeux pour scruter et des bouches pour briser les secrets. Voilà pourquoi Victor ne se confiait qu'à de rares personnes, et toujours en dehors de l'établissement. Il avait eu le malheur de le faire une fois. Mais, comme dans un match de football ou de basketball, un seul tir peut parfois changer l'issue de la partie entière.
C'était tout particulièrement le cas à la bibliothèque. Les livres cachaient les portables, les tables conservaient les discussions entendues dans la cour, les rayons ne regorgeaient pas des ouvrages classiques ou contemporains qu'en apparence, puisque derrière les couvertures se cachaient les adolescents qui n'attendaient qu'une chose : les nouveautés en termes de ragots.
— Ouais, je vois très bien... soupira l'étudiant.
— Je peux ? questionna Yann en désignant la chaise libre.
Néanmoins, le terminale n'attendit pas l'autorisation du premier arrivé et s'installa en face de lui. Pour donner le change, il sortit de son sac un de ses manuels. Par le plus grand des hasards, les deux garçons s'étaient retrouvé dans la même classe. En même temps, ce n'était pas très difficile, puisqu'il n'y avait que deux classes de terminale L. Et les garçons n'étaient pas très nombreux dans cette section.
Ce simple geste provoqua une accélération des battements de coeur du littéraire. La rébellion, voilà ce qui l'avait attiré en premier chez le blond. Il n'avait pas besoin d'une autorisation pour faire ce qu'il avait envie de faire. Sans oublier ce petit sourire avec lequel il réalisait la plupart des choses qu'il entreprenait...
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Lie tes ratures
Teen Fiction"Montre-moi toute la grandeur de ton amour." Victor, à dix-sept ans, est follement amoureux de son camarade de classe, Yann. Cependant, il ne le lui a jamais dit. Il est resté silencieux pendant plus de deux ans, continuant à rallumer de temps en te...