Mars - 19.

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— Yann...

Ne trouvant rien d'autre à dire, le brun se plut seulement à répéter le prénom du blond. Sur sa langue, les lettres roulaient comme une douce symphonie. Aucune consonne rugueusement perfide pour l'arrêter, pour s'accrocher, laissant couler cette unique syllabe comme un ruisseau le ferait avec l'eau qui le compose. 

Le jeune artiste myope laissa sa main s'égarer sur le bras de Victor. Ce simple contact, rapide et d'une douceur inégalée, lui rappela l'innocente impression que laissent les flocons de neige qui s'échouent sur la peau nue, un jour d'hiver.

— Je t'aime.

— Moi aussi.

— Est-ce que tu crois qu'on rêve ?

— Alors, je crois que c'était un très beau rêve, constata le blond. Victor ?

— Quoi ?

— Ce baiser était magique.

Le coeur du brun se gonfla d'orgueil. Ce compliment le ravissait et lui donna une énergie telle qu'il était prêt à recommencer tout de suite, si son cher écrivain le lui permettait.

— Tu embrasses mieux que je ne le pensais !

Mais son coeur décida de jouer les ballons de baudruche, et il se dégonfla d'un seul coup.

— Eh, ça veut dire quoi ? s'indigna le brun. Tu croyais que j'embrassais mal ?

— Je plaisante. C'était magique. Mon caleçon en est tout retourné, beau gosse.

— T'as pas plus beauf ?

— Si. Au pire, rit-il de bon coeur, ce n'est pas comme si j'étais le seul, hein ?

— T'es sérieux ?

Subitement, la pièce parut bien plus chaude au brun.

— T'es peut-être un écrivain de génie, mais alors là, tu bats les records de lourdeur, c'est magique !

— Bah, tu sais... Il me faut mon quota avant de redevenir le populaire aux allures de poète maudit.

— Si t'es Rimbaud, laisse-moi être ton Verlaine.

— Ce sera avec le plus grand des plaisirs.

Les deux adolescents s'éloignèrent de quelques centimètres. Victor s'avachit contre le dossier de la banquette, tandis que Yann étouffait une quinte de toux. Le brun regarda autour de lui ; le monde ne semblait pas remarquer leur présence ; il y avait bien quelques regards qui se dirigeaient dans leur direction, mais aucun n'était chargé de mépris, de haine ou d'incompréhension.

Un couple de filles leva même les pouces en l'air quand elles croisèrent son regard. Il leur fit un petit signe de la main avant de reporter son attention vers son camarade, toujours empêtré dans sa toux.

— Eh, ça va ? demanda Victor.

— Ouais... C'est juste que... A mon avis, y a quelqu'un qui a allumé une clope à l'intérieur. Bouffon, pesta Yann en lançant un regard en biais dans la supposée origine de la fumée. Je déteste ça.

— Je serais hypocrite si je te répondais que moi aussi, je n'aime pas ça. J'ai déjà fumé.

— Je sais. Pourquoi ?

— Je... Je ne préfère pas en parler...

— Tu peux me faire confiance, Vic.

— Ce n'est pas une question de confiance, Yann.

Ce dernier regarda durant quelques secondes Victor avant d'acquiescer.

— Je comprends. Tu m'en parleras quand tu seras prêt, j'imagine ?

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant