Février - 3.

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— Tu l'as déjà dit, ça, ricana Victor.

— Victor.

Le ton de Yann se fit presque cassant. Le brun faillit esquisser un sourire. Dans sa voix, son prénom lui paraissait tellement différent, venu d'une autre planète. Il se reprit, conscient du sérieux de son camarade. Ce dernier arborait un regard à la fois sérieux et pensif.

— Je ne vais pas y aller par quatre chemins, sinon, on y sera encore demain.

Victor haussa un sourcil, ne comprenant pas où il voulait en venir. C'était très certainement une longue histoire. Mais ça ne l'aurait pas dérangé. Passer du temps avec Yann lui suffisait. Peu importe le sujet qu'ils aborderaient. Peu importe le temps que ça prendrait. Être tous les deux était tout ce qu'espérait le brun, et aujourd'hui, le destin lui donnait enfin la chance qu'il attendait depuis des années.

Le brun ne comptait plus le nombre d'heures qu'il avait passées à fantasmer sa vie au lycée s'il n'était ne serait-ce que son ami. Il avait pesé le pour et le contre, imaginé mille histoires, espéré mille fois ces dialogues qui ne sont hélas jamais venus. Cette journée représentait pour lui un tournant.

Yann s'arrêta un instant et inspira un grand coup, alors que l'autre retint sa respiration.

— Je suis au courant.

Victor crut bien que son coeur allait céder sous la pression. Qu'est-ce qu'il voulait dire ? Ce n'était tout de même pas ce qu'il croyait !

— Je sais, pour les sentiments que tu éprouves à mon égard.

Le brun baissa les épaules sous le poids de la révélation, qui lui parut d'un coup être celui du ciel lui-même. Il se sentit comme Atlas, ce titan devant porter le monde. Sauf que lui n'était qu'un simple lycéen. Son corps chétif ne supportera pas cette charge. Il n'était que lui-même, et c'était insuffisant. Devant le calme olympique de Yann, ça lui semblait clair maintenant.

Ce qui lui paraissait moins clair, en revanche, c'étaient les dizaines de questions qui en découlaient.

— Mais...

Victor n'eut pas le temps de finir sa phrase que l'autre lycéen se recala sur son siège en ricanant. Pas de manière moqueuse, évidemment. Du moins, il ne sembla pas au brun qu'il riait avec méchanceté.

— Oh, s'il te plaît, Victor. Que tu m'aimes, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Je le sais depuis combien de temps ? Depuis environ un an et demi. Tu me regardes souvent. Et ça se sent. Je parlais de nez, il y a à peine dix secondes. Eh bien, tu vois, j'ai le nez pour ce genre de... choses.

Yann avait prononcé ces mots presque avec détachement. Victor y sentit tout le dégoût et la nonchalance qu'on pouvait ressentir pour ce sentiment, ce qui l'énerva.

— Alors pourquoi tu n'es pas venu me voir ? Pourquoi tu n'es pas venu me le dire avant ? Pourquoi t'as attendu si longtemps ? Tu pensais que ça ne concernait que moi, c'est ça, et que tu n'avais pas à te mouiller ? Et pourquoi maintenant, bordel ?

Le blond laissa calmement l'autre vider son sac chargé de question, l'écoutant attentivement.

— Tu as fini ? demanda-t-il poliment. Je ne dis pas ça parce que tu m'ennuies, mais j'aimerais bien pouvoir te répondre et je ne suis pas sûr de pouvoir tout retenir.

L'adolescent grommela quelque chose que son interlocuteur prit pour un oui. Pour le brun, l'air devenait à présent étouffant. Il tenta de s'éloigner du radiateur en repoussant sa chaise un peu sur le côté.

— Je ne suis pas venu te voir pour la simple et bonne raison que je ne savais pas comment t'aborder. Je n'aime pas parler de ce genre de choses. L'amour, l'amitié...

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant