Mars - 13.

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Un silence pesant s'abattit autour de la petite table, les deux adolescents se jaugeant du regard. Victor ne revenait pas que Yann ait osé lui faire ça ! L'abandonner avec celui qui, pour l'instant, s'apparentait à l'un de ses plus grands ennemis. Victor avait un pressentiment, un de ces pressentiments obsédants, un de ces mauvais pressentiments qui rongent l'esprit et le coeur. Le brun se demandait bien s'il devait se lever et planter le jeune homme en face de lui pour rejoindre le blond.

Un instant, son coeur balança entre la raison et la passion, entre la retenue et le relâchement. Un instant, il se retint d'y aller. Mais l'instant d'après, une force insoupçonnable lui jeta à la figure, comme une alarme démoniaque, la date et le peu de temps qui lui restait avant de devoir renoncer à tout ce qu'il avait obtenu avec Yann.

— Très mauvaise idée.

Victor fronça les sourcils en fixant Mathéo. Ce dernier avait sa main proche de la sienne ; peut-être un peu trop.

— Pardon ?

— Tu veux le rejoindre ? C'est une très mauvaise idée.

— Et qu'est-ce que t'en sais ?

— Fais-moi confiance.

— Mon gars, pourquoi je te ferais confiance ?

— Parce que je connais Yann, mon gars, répondit Mathéo sans se départir de son sourire, que Victor trouva bien plus froid que quand le blond était encore là.

— Je le connais aussi.

— Depuis combien de temps ?

— Deux ans.

— Je gagne, à ce petit jeu.

Aussitôt, les deux garçons poussèrent un soupir désabusé, ce qui surprit Victor. Il ne s'attendait pas à ce qu'ils aient les mêmes réactions.

— De toute façon, considéra Mathéo, ce n'est pas un jeu.

— Non, effectivement, c'est loin d'en être un. Bon, et si tu me donnais une bonne raison pour que je ne le rejoigne pas ?

— Parce qu'il passe un coup de fil... privé, disons.

— Comment tu le sais ?

— Crois-moi, j'ai l'oeil. De toute façon, il va pas s'enfuir. C'est pas Spider-Man, il ne va pas tisser une toile pour grimper sur le toit et se barrer. C'est pas non plus Son Gokû, il n'a pas de nuage magique. Yann a beau jouer les invincibles, il reste humain.

— Hmm, fit Victor, boudeur.

Il n'aimait pas ça. Il avait vu l'ombre se faufiler dans le regard du blond lorsqu'il regardait son portable. Le regard de Victor s'égara là où, quelques instants plus tôt, se tenait son compagnon.

— Tu sais, il m'a parlé de toi.

Le brun se tourna vers le meilleur ami du blond, franchement surpris. Un sourire naquit sur les lèvres de ce dernier.

— Quoi ?

— J'ai enfin ton attention, remarqua-t-il. Si tu n'as pas bien entendu, je disais qu'il m'avait parlé de toi.

— J'avais très bien entendu, répliqua le lycéen, vexé par la première constatation de son compagnon de table. J'ai juste été surpris.

— Pourtant, il n'y a rien de surprenant, je t'assure.

— Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

— Pas beaucoup de choses. On ne s'est pas parlé très longtemps. Il m'a juste dit qu'il serait content que je te rencontre enfin.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant