Victor resta un court instant blotti dans les bras de son petit ami. Les yeux ouverts et inondés de larmes, il se laissa bercer par la respiration du blond. Ce dernier renifla et poussa un soupir. Ce moment, le brun aurait voulu le prolonger indéfiniment. Le temps se dilatait comme un flocon qui s'étendait peu à peu en flaque d'eau.
Les deux lycéens finirent par s'écarter l'un de l'autre. Le petit s'attarda sur le visage de son amoureux. Son visage lui semblait plus fin. Sa peau très claire faisait ressortir avec force ses deux prunelles vertes et ses cheveux blonds. Ses lèvres étaient elles aussi d'un rose très clair. Discrètes. Comme lui, au final.
Le petit ne savait pas s'il devait l'embrasser. Pauline lui crierait certainement de ne pas rater une occasion pareille. Il le voulait. Mais était-ce le moment ? Trois fois oui, hurlerait les éventuels lecteurs de cette histoire, s'amusa Victor. Seulement, la vérité était là. Il ne se sentait pas prêt. Les paroles de Yann venaient de l'envoyer dans un autre univers.
Lorsqu'entre les deux, le contact physique cessa, lorsqu'ils s'éloignèrent l'un de l'autre, Victor resta parfaitement stoïque. Les mots du blond ne le quittaient plus, comme un refrain entêtant, aussi enivrant que les effluves d'alcool qui les entouraient. Le refrain de sa jeunesse qui tambourinait aux oreilles de son existence, dans ses apparats de joie et d'amertume.
Victor croisa les yeux embrumés de Yann, Yann fixa Victor derrière le brouillard qui faisait luire son regard. Victor avait offert à Yann l'océan de larmes sur lequel le navire de son amour pourrait naviguer, et Yann avait offert à Victor toutes les richesses du monde en une phrase.
Cette unique phrase susurrée avec toute la force de l'amour taraudait le brun qui laissa ses yeux courir sur le corps du lycéen qui lui faisait face.
— Tu serais prêt à quitter le monde que tu connais pour me suivre ? souffla Victor.
— Je te l'ai dit, non ? Notre histoire est un pari. Un immense pari qu'on fait pour nous. Et aussi un peu contre nous, j'imagine.
— Je suis prêt à prendre des risques. Une chance sur deux, quand c'est avec toi, ça me paraît bien assez.
Le blond esquissa un sourire resplendissant.
— Je n'en doute pas. Pour moi aussi.
— Tu sais que tu me rends complètement fou ? ricana doucement Victor.
— Je t'ai dit que je voulais être psy ? répondit son amoureux. Je veux bien m'occuper de ton cas.
— Balancé comme ça, j'aurais un peu peur, si ça ne venait pas de toi. Mais ça vient de toi, alors...
— Tu es vraiment trop mignon.
Le garçon aux cheveux solaires sembla prendre une grande inspiration. Comme s'il cherchait à avaler le monde, comme s'il cherchait à faire rugir le volcan de son monde intérieur. Victor sourit en voyant sa poitrine se gonfler. Il était si beau dans ces mouvements que le brun gravait dans sa mémoire, pour le plaisir du souvenir.
— Victor, tu es mon joker.
Cette phrase, cette unique phrase, solitaire et lumineuse comme l'aurore, acheva de faire tanguer le coeur de ce pauvre garçon. Ses yeux s'écarquillèrent sous l'impact de la phrase. Une vague d'émotions venait de le submerger complètement. Quelques secondes passèrent et il lui fallut bien ce temps pour se remettre de ces cinq mots. Cinq mots. Voilà ce qui avait suffi au jeune artiste pour faire basculer son bien aimé dans une tempête de vents contraires.
Comme un automate, le brun attrapa sa main. Ses doigts aussi glacés que les étoiles glissèrent quelques frissons sur la peau du jeune lycéen. Il exerça une pression douce, qui parlait bien plus que tous les mots du dictionnaire et que tous les romans du monde.
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Lie tes ratures
Teen Fiction"Montre-moi toute la grandeur de ton amour." Victor, à dix-sept ans, est follement amoureux de son camarade de classe, Yann. Cependant, il ne le lui a jamais dit. Il est resté silencieux pendant plus de deux ans, continuant à rallumer de temps en te...