Mars - 21.

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Victor avait eu toute une journée pour ruminer les idées qui envahissaient son esprit. Le lendemain, quand il s'était réveillé chez lui, dans son lit, un mal de crâne l'avait assailli et l'avait accompagné une bonne partie de la matinée et de l'après-midi. 

Lorsque les rayons timides du soleil avaient percé la fenêtre de sa chambre, ses pensées se levèrent avec son corps comme un seul homme. Deux d'entre elles avaient dès lors pointé le bout de leur lance vers son cœur, l'affectant terriblement : la première portait sa peur et son angoisse pour le gamin malade, tandis que la seconde, plus épicée encore, soulevait le vent de l'amour et caressait ses lèvres sèches.

Quand, dans son lit, il avait eu la force d'attraper son portable, il vit avec malheur qu'il ne lui restait plus qu'un pour cent. Les dernières forces de sa batterie lui permirent de constater l'heure tardive à laquelle il se levait, mais aussi et surtout une foule de messages, principalement envoyés par celui qui avait goûté à ses lèvres, la veille, et qui l'avait laissé seul aux côtés de Pauline. 

N'importe quel héros de roman un peu niais aurait immédiatement porté des soupçons sur le blond quant aux événements entre les deux garçons. Mais les raisons de l'agacement fugace du brun furent différentes, et dirigeaient leurs yeux courroucés vers la lâcheté de ce dernier. Yann était ami avec Pauline. Ils s'appréciaient. 

Victor peinait à comprendre pourquoi le blond avait souhaité rentrer. Il savait bien que c'était tout à fait puéril, mais il ne pouvait pas s'empêcher de le reprocher au jeune écrivain.

Laissant son portable toute la journée dans sa chambre, ce ne fut que tard dans la journée que Victor y porta une attention toute particulière. Plusieurs messages s'accumulaient, de plus en plus inquiets, et dont la longueur variait autant que les vagues. 

Dans ces quelques textes résidait toute la relation de Yann à la parole. L'écriture déliait la langue de ses pensées, alternant entre son côté bavard et son côté bref, froid, distant. Le jeune lycéen lui envoya une réponse rapide.

Mais, contrairement à ce qu'il pensait, ce ne fut pas Yann qui le surprit. Au milieu de la foule de messages du blond, une notification venait d'un autre de ses camarades. Il ouvrit le plus célèbre des réseaux sociaux, et il haussa un sourcil.

En effet, quelle était la probabilité qu'il reçoive un message, et particulièrement, de Jordan ? Les deux garçons n'étaient pas très amis. Ils avaient fait quelques parties de babyfoot, et Victor lui avait donné une fois ou deux ses cours, mais ça s'arrêtait là. 

Il lut plusieurs fois le message, sans arriver à se décider sur ce qu'il devait répondre. Il était très étonnant qu'on lui propose un rendez-vous en dehors des cours. Mais, à peine eut-il le temps de poser ses doigts sur l'écran pour y taper une réponse que ce dernier se mit à vibrer.

— Depuis quand il est intéressé par les cours, celui-là ? lâcha Victor en voyant un nouveau message.

Mais quand il le lut, il soupira. Il pouvait bien accepter, après tout. Il devait se changer les idées. Non pas qu'il voulait oublier ses autres soucis : la santé de Martin et le cas de Yann étaient bien trop importants, mais il était certain que Pauline, si elle l'apprenait, le pousserait à y aller ou l'insulterait d'abruti si jamais il n'y allait pas. 

Il savait pertinemment qu'elle aurait raison, dans ce cas. Et il n'avait pas à craindre de se retrouver seul avec le grand gaillard, sans rien avoir à se dire. Jordan avait précisé qu'il accompagnait Naomi.

La lycéenne n'allait que très rarement sur les réseaux sociaux. Et elle passait bien souvent par quelques camarades pour se tenir informée, lorsque ça allait au-delà des compétences d'Aurélien, son auxiliaire de vie scolaire. Elle avait beau être malvoyante et devoir se déplacer en fauteuil roulant ou en béquilles, elle avait connaissance autant du monde des élèves que celui des professeurs.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant